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A. La situation historique

4. Du coup d’État de 2009 jusqu’à aujourd’hui

L’autoritarisme du président Ravalomanana se renforce et conduit à une insurrection nationale menée par Andry Rajoelina, alors maire d’Antananarivo. Ce dernier utilise, entre autres, sa chaîne de télévision Viva pour dénoncer les actes du président, notamment sa légitimité intérieure « en surfant sur les mécontentements nés d’une situation économique difficile »74 et aussi sur sa légitimité extérieure « en exploitant un récent désaveu des institutions internationales à l’encontre des aspects opaques de la gouvernance du régime »75, ce qui conduit à la fermeture de la chaîne en décembre 2008 par Marc Ravalomanana. Rajoelina demande à ses partisans de prendre la rue et en janvier 2009, des manifestations s’organisent et s’intensifient jusqu’à paralyser véritablement le pays d’un point de vue économique. Rajoelina, exige la démission du chef de l’État et surnommé « TGV » en raison de sa fulgurante ascension politique, se proclame « en charge de la République de Madagascar » le 31 janvier76. Le 7 février, il appelle ses partisans à marcher sur le palais présidentiel mais ce sont près de 30 personnes qui perdent la vie et plus de 200 sont blessées : les forces de sécurité, la garde présidentielle en particulier, sont accusées tandis que les partisans de Ravalomanana parlent « de machination de révolution en quête de martyrs »77. Ravalomanana choisit l’option de la répression et après plusieurs semaines

73 Solofo Randrianja (éd.), Madagascar, le coup d’État de mars 2009, Paris : Éditions Karthala, 2012, p 29

74 Solofo Randrianja (éd.), Madagascar, le coup d’État de mars 2009, Paris : Éditions Karthala, 2012, p 15

75 Ibid.

76 Voyage en Malgachie, la mission humanitaire de Jérôme et Aimée, « Un pas en avant, deux pas en arrière : 2009 à aujourd’hui », in https://malgachie.wordpress.com/category/quelques-infos-sur-le-pays/situation-economique-et-politique/un-pas-en-avant-deux-pas-en-arriere-2009-a-maintenant/

(consulté le 10/03/19)

77 Solofo Randrianja (éd.), Madagascar, le coup d’État de mars 2009, Paris : Éditions Karthala, 2012, p 17

d’affrontements violents, ponctuées de pillages, qui font une centaine de victimes, Rajoelina prend la tête d'une Haute Autorité de transition. Estimant le changement de gouvernement non constitutionnel, l'Union Africaine (UA) suspend Madagascar de ses instances, la Communauté pour le développement de l'Afrique australe (SADC) refuse de reconnaître le nouveau président et l'Union Européenne estime qu'il s'agit d'un coup d'État78. Malgré les réactions de la communauté internationale, Andry Rajoelina déclare : « La question n’est plus la reconnaissance, mais la façon dont nous allons diriger la transition »79. Pourtant, l’UA et la SADC avec le soutien des NU et de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) vont mettre en place un processus de médiation qui about à un accord signé le 9 août à Maputo (Mozambique) qui prévoit la constitution d’un gouvernement de transition chargé d’organiser des élections avant fin 2010. Cependant, cet accord ne sera pas respecté par Rajoelina qui désire un processus de sortie de crise nationale. Il organise alors un référendum devant aboutir à des élections et finalement 74,2% des votants approuvent le projet d’une nouvelle constitution et l’instauration de la IVe République80. Ce n’est qu’en 2013, sous l’égide de la communauté internationale, que sont organisées de nouvelles élections présidentielles, auxquelles ni Marc Ravalomanana ni Andry Rajoelina ne participeront (leurs candidatures ayant été exclues par la Cour électorale spéciale).

Hery Rajaonarimampianina, proche de Rajoelina, sera finalement élu. Si cette élection permet au pays de sortir de la crise politique, cela ne l’empêche pas de connaitre des manifestations de l’opposition, notamment à partir d’avril 2018, année où le peuple malgache est appelé aux urnes pour les présidentielles. En novembre 2018, les élections prennent place avec seulement 54,2% de participation et les deux anciens présidents, Rajoelina et Ravalomanana arrivent en tête avec respectivement 39,2% et 35,4% chacun. La victoire de Andry Rajoelina au second tour est contestée par Ravalomanana qui dénonce des fraudes mais rien n’y fera, d’autant plus que la

78 Hubert Deschamps, Chantal Blanc-Pamard, DOMENICHINI-RAMIARAMANANA Bakoly DOMENICHINI-RAMIARAMANANA, Paul LE BOURDIEC, Marie Pierre BALLARIN, David RASAMUEL, « Madagascar », Encyclopædia Universalis [en ligne], in http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/madagascar (consulté le 30/03/19)

79Le Monde avec AFP et Reuters, « La communauté internationale dénonce le « coup d’État » de Rajoelina à Madagascar » in Le Monde, 20 mars 2009, in

https://www.lemonde.fr/international/article/2009/03/20/la-communaute-internationale-denonce-le-coup-d-etat-de-rajoelina-a-madagascar_1170764_3210.html (consulté le 6/04/19)

80Hubert Deschamps, Chantal Blanc-Pamard, DOMENICHINI-RAMIARAMANANA Bakoly DOMENICHINI-RAMIARAMANANA, Paul LE BOURDIEC, Marie Pierre BALLARIN, David RASAMUEL, « Madagascar », Encyclopædia Universalis [en ligne], in http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/madagascar (consulté le 30/03/19)

communauté internationale dans son ensemble félicite le nouveau président élu : le processus électoral se serait passé pacifiquement et dans un cadre démocratique.

Rajoelina promet de développer le pays et a déjà fait sensation lors de son intervention au 32e Sommet de l’UA par son discours sur la solidarité entre les pays qui la composent. Il a également pu rencontrer de nombreux protagonistes et a pu obtenir des promesses de financements et de soutien dans la mise en œuvre de différents projets. La lutte contre la corruption fut également un des points importants évoqués lors de ce sommet et Madagascar souhaite être un acteur de premier plan dans ce domaine (bien que le pays soit classé 152e sur 180 en 2018 dans un rapport publié par Transparency International Initiative Madagascar (TI-IM)). Malgré cela, on peut s’interroger sur le poids démocratique des élections quand on sait officieusement que certains votes ont été achetés, que des irrégularités ont été relevées et que les populations des campagnes ont pu être manipulées. Par ailleurs, la situation politique au sein du pays est quelque peu atypique car si les prochaines élections législatives se dérouleront le 27 mai avec des résultats officiels attendus début juillet, la fin du mandat des députés était au jour du 5 février. Pour pallier ce manque constitutionnel, la Haute Cour Constitutionnelle a décerné de manière exceptionnelle les pleins pouvoirs (ou presque, car il s’agit en fait des pouvoirs exécutif et législatif uniquement) au président Andry Rajoelina. Cette dernière a émis néanmoins quelques réserves puisque ce droit ne lui sera transmis que pendant les cinq prochains mois, jusqu’à la mise en place de la nouvelle Assemblée nationale et ce dans la limite de la Constitution. Enfin, le taux de participation qui atteint les 30% s’explique à la fois par une certaine lassitude électorale (il s’agira de la troisième fois que la population sera convoquée en l’espace de cinq mois), mais également par une perte de confiance des Malgaches envers leurs députés qui trainent une mauvaise réputation.

Finalement, ces luttes pour le pouvoir ont conduit la population à se méfier des politiciens, qu’elle sait corrompus, et provoquent un désintérêt presque généralisé et surtout un désengagement chez les jeunes quand il ne s’agit pas d’une certaine résignation. De plus, il ne faut pas oublier de prendre en compte le côté affectif du vote, c’est-à-dire que l’on va plus voter pour la personne que l’on connait que pour son programme, encore plus si celle-ci distribue du riz. Il s’agit en fait pour certains candidats d’acheter des votes via la distribution de denrées alimentaires, notamment dans des régions en crise. Par ailleurs, si dans les grandes villes les femmes sont plus

impliquées, au niveau des côtes, leur engagement dans le champ politique est presque inexistant de même que leur participation.