• Aucun résultat trouvé

Impliquer les parents dans la scolarité de leur enfant pris en charge par la protection de l’enfance

2. Encourager l’implication des parents dans la scolarité de leur enfant

2.4. Données issues de la littérature

2.4.2. Impliquer les parents dans la scolarité de leur enfant pris en charge par la protection de l’enfance

2.4.2.1. Comparaisons européennes de la participation des parents

Les rapports entre les parents et la protection de l’enfance sont complexes et souvent déséquilibrés ; l’implication parentale est un défi majeur pour les institutions. Une recherche européenne sur cette question a été menée dans quatre pays (France, Danemark, Pays-Bas, Royaume-Uni) de 2011 à 2012, visant à soutenir l’implication parentale dans l’éducation de l’enfant pendant la durée du place-ment (38).

Parmi les principaux résultats, on constate une convergence des pays vers le renforcement des droits des parents, en particulier celui de participation, même s’il est variable d’un pays à l’autre. Les témoi-gnages montrent que lorsqu’une relation de confiance est établie avec les parents, ces derniers s’im-pliquent plus. La participation des parents se traduit le plus souvent par leur implication dans la vie quotidienne (consultations médicales, suivi scolaire, vêtements), avec parfois une évaluation des forces et ressources mobilisables chez les parents (programme signs of safety – Copenhague). Dans les quatre pays, le temps passé avec les parents est une base essentielle de l’éducation parentale, de la construction identitaire et du maintien des liens familiaux. De nombreuses recherches mettent en exergue l’implication des parents comme une dimension intrinsèque au placement et le caractère fluc-tuant dans le temps des relations entre les parents et les professionnels.

Dans le cas du placement familial, pour favoriser les contacts entre les familles d’accueil et les parents, des actions sont mises en place, comme l’organisation d’un spectacle collectif (Angleterre), une for-mation sur la complémentarité du rôle éducatif des familles d’accueil vis-à-vis des enfants (Pays-Bas).

En outre, il est important que l’enfant se sente autorisé à s’attacher à d’autres adultes que ses parents.

L’étude montre par ailleurs des enjeux contradictoires pour les professionnels autour de l’implication des parents : l’information des parents sur la vie quotidienne de leur enfant est un enjeu important, pourtant des témoignages indiquent que cette information n’est pas systématique, du fait de plusieurs obstacles :

le dilemme pour les professionnels entre l’intérêt supérieur de l’enfant et le droit des parents ;

l’éloignement et les conditions de vie des parents qui ne permettent pas un lien fréquent ;

le risque pour les professionnels de non-exécution d’une tâche qu’ils auraient confiée aux pa-rents.

Conclusion

La recherche montre l’hétérogénéité de l’implication des parents dans le placement de leur enfant, qui peut s’expliquer par l’absence de modalités concrètes de mise en œuvre de l’implication des parents dans les lois et recommandations. La recherche montre également le lien entre la qualité de la relation entre professionnels et parents et le déroulement du placement. Enfin, les formes innovantes de prises en charge telles que le placement à domicile ou le placement séquentiel ont un impact positif dans l’implication des parents, qui gardent des responsabilités tout en étant suppléés. D’autres programmes connaissent un essor, comme aux Pays-Bas ou au Danemark, s’appuyant sur un renforcement des compétences parentales en complément du travail éducatif réalisé durant le placement.

2.4.2.2. Les frontières sociales et éducatives sont un frein à l’implication des pa-rents dans la scolarité de leur enfant placé

Plusieurs éléments contribuent très fortement à marquer la frontière sociale entre les parents d’origine précaire et les enseignants (39) : barrière de la langue, de l’écriture, des horaires de disponibilité, etc.

Une enquête de 3 ans auprès de parents de condition précaire ou issus de l’immigration, et habitant un quartier dit prioritaire, a montré l’existence de frontières invisibles qui séparent les acteurs, limitent les possibilités de coopération et suscitent la mésentente. Les familles précaires sont d’ailleurs « ci-blées » par des politiques de coopération, car jugées trop en décalage ou en retrait, tant sur le plan du suivi scolaire de l’élève que dans la relation avec les enseignants. En ce sens, la contribution des parents semble dépendre de ce que l’école peut reconnaître, avec le risque de disqualifier ou d’exclure les formes d’action les plus étrangères à la logique scolaire.

Cette frontière est d’autant plus marquée que les parents d’enfants placés, en plus d’appartenir aux classes sociales défavorisées, sont aussi disqualifiés dans leur rôle de parent du fait même du place-ment de leur enfant (40). D’autre part, « les parents ont souvent peu ou pas de qualification, l’école de la République n’a pas été pour eux l’école de la réussite. En effet, globalement, ces parents sont peu instruits : parmi les jeunes placés nés en France, seulement 20 % sont issus de parents dont le plus haut niveau est l’enseignement supérieur (pour 38 % des hommes et 46 % des femmes nés en 1975, en population générale (41)). Plus d’un tiers des jeunes isolés étrangers sont issus de familles dont le(s) parent(s) connu(s) n’a(ont) jamais été à l’école, ils sont 18 % parmi les jeunes ayant connu une migration accompagnée. Les déterminants sociaux pesant sur la scolarité des enfants orientent plutôt l’hypothèse initiale vers un parcours scolaire difficile » (42).

Finalement, il semblerait que la participation des parents et leur place dans la scolarité restent pour l’instant quasi inexistantes, voire freinantes ou perçues comme telles par les professionnels (43).

2.4.2.3. Le regard soutenant d’une figure stable et sécurisante pour l’enfant est un facteur de protection de réussite scolaire

Le regard porté sur la scolarité et le potentiel scolaire de l’enfant par une figure stable et sécurisante pour celui-ci influence la trajectoire scolaire et la réussite de l’enfant. Ainsi, un regard bienveillant et favorable au potentiel de réussite scolaire de l’enfant est un facteur de réussite scolaire. Ce regard peut être porté par les parents, par la famille d’accueil, par un éducateur ou un professionnel qui ac-compagne l’enfant au quotidien. Dans ses travaux de thèse, Alice Anton-Philippon interroge le proces-sus de réussite scolaire de jeunes placés en famille d’accueil et ayant obtenu au moins le bac (44).

Afin de comprendre les raisons de cet accrochage scolaire et de cette persévérance dans la scolarité, l’auteur interroge la question de la suppléance familiale en famille d’accueil et comment ce nouvel environnement redistribue les cartes du déterminisme social pour l’enfant.

L’étude est réalisée à partir de 30 entretiens auprès de jeunes placés en famille d’accueil, qui ont le baccalauréat et ont effectué tout leur parcours institutionnel dans cette même famille, et 10 entretiens auprès des familles d’accueil (qui font toutes ce métier par choix et non par volonté d’agrandir la famille ou pour des besoins financiers).

Éléments de contexte : les jeunes en parcours long en famille d’accueil présentent en moyenne de moins bons résultats scolaires (résultats au baccalauréat, redoublement) que les jeunes en établisse-ment ou alternant établisseétablisse-ment et famille d’accueil. Ils sont aussi plus nombreux à être en situation de handicap (45).

Principaux résultats :

lorsque les jeunes peuvent tisser des liens sécurisants avec un « tuteur de résilience » dans le cadre du placement, cela semble représenter un important facteur de protection pour l’accro-chage scolaire. Les jeunes interrogés ont pour la plupart bénéficié d’un accueil familial stable et plus ou moins précoce, au sein duquel ils ont tissé une relation de confiance avec au moins une figure stable, sécurisante et bienveillante. Cette personne est devenue tuteur de résilience pour l’enfant, lui redonnant le sentiment de pouvoir surmonter les difficultés, développer une estime de soi positive et reprendre le cours de sa vie, notamment sa scolarité. Fort de la relation qui s’est tissée, l’enfant s’est identifié aux membres de la famille d’accueil, il a intégré les at-tentes scolaires véhiculées et intériorisé l’idée que l’école est le meilleur moyen de s’en sortir dans la vie et que cela nécessite persévérance et efforts quotidiens ;

l’estime de soi positive ainsi développée par l’enfant, combinée à l’intériorisation des normes et valeurs scolaires et à l’investissement de la famille d’accueil, semble être la clé de voûte sur laquelle repose tout le processus d’accrochage scolaire des enfants confiés ;

il semble que l’enfant confié à une famille d’accueil, qui a été sensibilisé à l’importance de la scolarité, s’adapte plus facilement que ses pairs au contexte scolaire (46). En harmonie avec le cadre posé par l’école, les enfants peuvent développer de nouvelles relations sociales, ce qui leur renvoie un sentiment de normalité qui fait souvent défaut du fait de la stigmatisation dont ils sont victimes. Pour peu que l’école constitue un lieu bienveillant où ils sont considérés comme un élève comme un autre, elle peut alors constituer une chance de réussite scolaire,

professionnelle, mais aussi sociale. L’école participe en cela au développement du processus de résilience et à l’accrochage scolaire des enfants confiés à une famille d’accueil.

La trajectoire scolaire de l’enfant confié a été modifiée par son accueil dans une famille différente de la sienne, avec ses propres normes et valeurs, aux premiers rangs desquels figure la scolarité des enfants, ce qui a, de fait, déjoué le déterminisme social auquel ces jeunes semblaient destinés.

De nombreux chercheurs ont montré que la famille est un outil de reproduction sociale. Le processus de reproduction sociale chez les jeunes rencontrés a été freiné, voire interrompu par le placement, du fait de l’éloignement de leur milieu familial d’origine pour être confié à un nouveau milieu familial. Pour les jeunes de l’étude confiés avant l’âge de 10 ans, la famille d’accueil est devenue le principal agent de socialisation auprès de laquelle ils ont développé des normes et valeurs conformes à celles véhi-culées par cette famille. Pour les autres jeunes confiés après l’âge de 10 ans, la famille d’accueil ou l’éducateur ont joué le rôle d’agent de socialisation secondaire, venant compléter les normes et valeurs véhiculées par la famille d’origine. Parmi les normes et valeurs importantes transmises aux jeunes confiés, la scolarité est une préoccupation centrale des familles, convaincues que l’école est l’ascen-seur social qui permettra aux enfants d’accéder à de meilleures chances de s’épanouir dans leur vie professionnelle et sociale. Or, les différentes recherches, depuis la fin des années 1990, montrent que la réussite scolaire est fortement liée aux aspirations scolaires ou professionnelles des parents pour leurs enfants (47), mais aussi à certaines pratiques parentales qui privilégient l’encouragement, l’en-cadrement, le soutien et l’intérêt porté à la scolarité (48).

Conclusion : l’accueil familial peut permettre à certains jeunes de développer des liens forts avec une figure affective, aux yeux de laquelle la scolarité est importante, ce qui semble influencer leur trajectoire scolaire.

2.4.2.4. Encourager le développement des compétences sociales et émotion-nelles de l’enfant à travers le soutien précoce à la parentalité

Une revue de la littérature menée au Royaume-Uni (Department for Education) en 2018 (49) analyse plusieurs programmes de soutien à la parentalité au sein de l’environnement familial, notamment dans les premières années de vie de l’enfant : Family nurse partnership, Parent-child Interaction Therapy, Triple-P Pathway, Child First, Infant Parent Psychotherapy, Child Parent Psychotherapy, Foster Care Oregon, Foster Care Oregon Adolescent. Ces programmes ont divers objectifs : soutien aux femmes enceintes, soutien contre les violences intrafamiliales, accompagnement à la gestion des émotions et des traumatismes, etc.

L’analyse de ces programmes montre que grâce à l’amélioration du contexte familial et du lien parents-enfants, ils favorisent ensuite une scolarité de meilleure qualité pour l’enfant. Plusieurs prérequis sont soulignés pour la mise en œuvre de ces interventions précoces :

le contenu du programme doit prendre en compte la situation de l’enfant, le bien-être et le con-texte familial (difficultés économiques, violence familiale, etc.) ;

le programme doit permettre aux parents de se former et d’apprendre ;

le programme doit être adapté à la population ciblée (âge des enfants, besoins des parents) ;

le programme doit proposer une aide additionnelle et complémentaire à ce qui existe dans le droit commun ;

les ressources humaines doivent être suffisantes et les professionnels formés ;

le programme doit faire partie d’un système plus large d’interventions relevant du soutien fami-lial.

2.4.3. Conclusions des données de la littérature sur la participation des

Outline

Documents relatifs