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I.2 De l’utilisation des protéines comme ligands

I.2.1 Implications pour la conception de ligands

La conception d’un ligand dans l’approche rationnelle, à partir d’une cible identifiée, repose sur deux étapes : la détermination d’une molécule guide et son optimisation. Tandis que la première a pour but d’identifier des molécules affines, quelle que soit leur nature, la seconde dépend grandement des caractéristiques des molécules utilisées.

I.2.1-A Optimisation des ligands

Lors de l’optimisation, l’introduction de la diversité moléculaire la plus complète possible ne peut se faire qu’à condition que le nombre de positions à modifier soit restreint. Dans le cas contraire, le nombre de molécules générées serait trop important pour que chacune soit analysée et testée. Par ailleurs, la synthèse chimique de molécules de nature peptidique est limitée approximativement à une centaine de résidus, pour une utilisation routinière (annexe C.3). Le recours à la synthèse chimique autorise, en outre, l’optimisation par introduction de résidus non- naturels, de conformation contrainte ou exposant des fonctions chimiques supplémentaires (en comparaison aux résidus naturels). Ces considérations expliquent le recours à des molécules de faible poids moléculaire, facilitant la mise en application d’une approche de conception de ligand. Ceci est d’autant plus justifié puisque l’analyse de complexes protéiques a montré que seul un faible nombre de résidus de l’interface, contribuait majoritairement à l’énergie de liaison [26, 48, 49]. Or, la conception de ligands de très faible poids moléculaire s’est révélée peu évidente pour plusieurs raisons [50, 51], notamment en raison de la taille de l’interface. Cette dernière, supérieure à 1000Å2 dans de nombreux complexes protéiques de structure connue [52], dépasse largement celle de molécules organiques et de peptides de poids moléculaire inférieur à 500Da. L’optimisation de ligands, dont la surface d’interaction est de faible taille, est donc limitée du fait d’un faible nombre de fonctions chimiques modifiables. Dans le cas des molécules protéiques, les peptides sont un bon exemple de ligands optimisables.

* Protéines / Mini-protéines / Peptides

Les protéines sont des polymères d’acides aminés (alors appelés résidus), liés entre eux par des liaisons amide, entre la fonction acide carboxylique du résidu N et la fonction amide du résidu N+1. Selon le nombre de résidus N présents dans le polymère on parlera de peptide (N<20-50), de polypeptide (20-50<N<100), autrement appelé mini-protéines selon

Malgré leur faible taille (inférieure à 20 résidus), les peptides sont dotés de nombreuses activités biologiques (inhibition enzymatique, antihypertenseurs, antioxydants, antimicrobiens, neurotransmetteurs, opioïdes, propriétés antigéniques...). Leur faible taille facilite les approches combinatoires générant ainsi une grande diversité, constituant une source importante d’information pour la compréhension des interactions avec diverses cibles moléculaires [9]. D’autre part, leur capacité à mimer des ligands protéiques de taille plus importante a été démontrée. Par exemple, les fragments constants (Fc) des immunoglobulines G (IgG) humaines interagissent avec diverses protéines, au même site de liaison, comme illustré sur la figure I-12.

Figure I-12 : Représentation du fragment Fc des IgG en interaction avec la protéine A, la protéine G et le facteur rhumatoïde. Les résidus sont colorés en bleu, jaune et rouge selon qu’ils soient impliqués dans une, deux ou trois interactions (partie haute). Le site de liaison du peptide identifié (en vert) est représenté dans la partie basse. [53] Ces protéines, domaine B1 de la protéine A, domaine C2 de la protéine G, facteur rhumatoïde et récepteur néo-natal Fc, possèdent des tailles variables, toutes supérieures à 60 résidus [53]. La conception de banques de peptides (de 13 résidus) par « phage display » a permis d’identifier plusieurs ligands des fragments Fc des IgG. Un peptide notamment possède une affinité comparable (de l’ordre du nanomolaire) avec les ligands connus, et ceci au même site de liaison, illustré sur la figure I-12. Toutefois, l’utilisation de ligands peptidiques est fortement limitée notamment en raison d’une sensibilité importante à la dégradation enzymatique dans le cas des peptides linéaires [54, 55, 56] et surtout une trop grande flexibilité [57, 58].

I.2.1-B Importance de la structure pour la conception de ligands

Du fait de cette flexibilité, les peptides sont présents sous différentes conformations, énergétiquement proches. Dès lors, il est relativement difficile de connaître la conformation

bioactive d’un peptide donné [58]. La connaissance de la structure 3D d’un peptide ne peut alors être utilisée pour une approche basée sur la structure. Par ailleurs, l’existence de plusieurs conformères se traduit par un coût entropique important, réduisant l’activité de ligands peptidiques en comparaison avec des structures plus rigides. Pour limiter ces inconvénients, l’approche courante repose sur le recours à des composés « peptido-mimétiques » [57, 59, 54], illustrée par la figure I-13.

Figure I-13 : L’approche « peptido-mimétique ». [Chantal Rubin-Carrez, 1998, Ateliers de Formation INSERM]

Leur structure est généralement dérivée de la conformation bioactive de peptides endogènes (identifiée par des études SAR) par diverses modifications chimiques permettant d’atténuer le caractère peptidique [57]. L’intérêt principal consiste à restreindre l’espace conformationnel accessible des peptides [60] par formation de cycles intra-chaîne et introduction de résidus contraints. A titre d’exemple, ceci a permis d’améliorer la capacité de liaison des peptides C, correspondant à la partie C terminale de la protéine gp41 de HIV-1 [61]. Les peptides C inhibent l’entrée du virus HIV-1, en liant la protéine gp41 ; toutefois leur affinité est trop faible pour envisager leur utilisation à des fins thérapeutiques. L’introduction de restrictions conformationnelles a amélioré l’affinité pour la protéine gp41 d’un facteur 7, et diminué l’entrée du virus d’un facteur 15 [61]. Il est, par ailleurs, possible d’améliorer leurs propriétés pharmacocinétiques [57] par introduction de résidus non-naturels ou de liens non-peptidiques.

Une alternative, à l’utilisation de peptides et peptido-mimétiques, repose sur l’utilisation de mini- protéines. Leur taille, comprise entre 20 et 100 résidus, rend possible les approches combinatoires et la synthèse chimique. De plus, malgré une taille faible, ces mini-protéines possèdent, de façon générale, un repliement relativement rigide [62]. Leur faible taille exclut la

présence d’un cœur hydrophobe contrairement aux protéines de haut poids moléculaire ; néanmoins la stabilité structurale est assurée par une forte densité de ponts disulfures ou la présence de sites de liaisons de métaux [62]. L’existence d’une structure bien définie facilite l’utilisation de méthodes de résolution de structures (RMN, radiocristallographie). Il est ainsi possible de mettre à profit les informations de la PDB (annexe A.2), contenant de nombreuses structures de mini-protéines naturelles : toxines animales [63], inhibiteurs de protéases [64], « knottins » (*) [65], protéines à doigt de zinc [66], protéines à « Leucin zippers » [67]. Les différents repliements sont représentés sur la figure I-14 [68, 69, 70, 71, 72].

I.2.1-C Conclusion

Les mini-protéines apparaissent comme de bons candidats pour la conception de ligands, de part leur taille compatible avec différentes approches de synthèse et d’optimisation, et leur repliement bien défini facilitant les approches basées sur la structure.

* Knottin

Type de repliement particulier caractérisé par la présence d’un pont disulfure pénétrant un macrocycle formé par deux autres ponts qui connectent les segments de la chaîne polypeptidique. Ces protéines sont de petite taille et très riches en cystéine.

Figure I-14 : Différents repliements existants parmi les mini-protéines. Les mini-protéines (en gris) sont représentées en « cartoon », les ponts disulfures (en jaune) en mode « sphere » ou « dot ». A : repliement trois doigts de la toxine bucandine [1IJC, 68] ; B : repliement du BPTI [1BPI, 69] ; C : repliement du knottin Alo-3 [1Q3J, 70] ; D : structure du facteur de transcription Sp1, l’atome de zinc (magenta) est représenté en mode « sphere », les résidus chélatants (C5, C8, H21 et H25) sont représentés en mode « ribbon » [1SP1, 71] ;E : structure du facteur de transcription GCN4, les résidus Leu (bleu et rouge pour les sous unités A et B respectivement) sont représentés en mode « sphere » [2ZTA, 72].

Figure 1-15 : Estimation de la dégradation de protéines in-vivo en fonction de la nature du résidu N terminal (« N end rule »). La partie A illustre cette dégradation dans une lignée cellulaire eucaryote de souris par rapport à la quantité de protéine restante après 10min [82]. Le tableau, partie B, liste les valeurs de demi-vie attribuée à chaque protéine, dans une lignée cellulaire procaryote ou eucaryote [83].