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Impact de la croissance démographique sur le commerce

5.3 Impact des projections démographiques sur l’évolution du commerce bilatéral et

5.3.2 Impact de la croissance démographique sur le commerce

Comme l’indique le modèle de gravité estimé, la taille de la population est un facteur favorisant le commerce. Dans le Tableau 10, le coefficient associé à la population de la paire de pays (égal à 0,689) révèle une influence positive et significative de la taille démographique sur le commerce bilatéral. Par conséquent, l’accroissement démographique prédit par les projections de l’ESA-UN devrait se traduire, en supposant les autres déterminants du commerce inchangés (tels que le PIB par tête), par une augmentation de la valeur des flux commerciaux.

Pour prendre en compte un effet différencié éventuel de la croissance de la population de l’EF, nous avons introduit dans l’équation de gravité une interaction entre la variable indicatrice EFij et la variable de population ln(PopitPopjt). Mais le coefficient de cette variable s’est avéré non significatif. Autrement dit, l’impact marginal de la croissance de la population n’est pas plus fort sur les flux intra-EF que sur l’ensemble des flux. Ce résultat est logique.

Prenons par exemple la RDC qui devrait connaitre, dans les années à venir, une forte croissance. Quels seraient les effets attendus sur ses flux d’importation en provenance des autres pays de l’EF ? On s’attend à ce que la RDC importe davantage de tous ses partenaires habituels. Il n’y a pas de raison - ni d’un point de vue théorique ni d’un point de vue empirique - de penser que l’accroissement démographique d’un pays entraine une concentration de ses importations sur seulement quelques partenaires. En revanche, comme

les pays de l’EF représentent une part importante des importations de la RDC, ses partenaires privilégiés connaitront la plus forte croissance de leurs exportations vers la RDC en valeur - ce qui, toutes choses égales par ailleurs, augmentera de manière importante le taux d’ouverture de ces partenaires.

Ce qui rend l’interprétation de cette simulation difficile est que toutes les populations varient simultanément et que, même si en moyenne l’accroissement de la population francophone est plus rapide que les autres, il y a une grande hétérogénéité entre les pays de l’EF comme démontré dans la Figure 70. Nous reviendrons sur ce point lors de l’analyse des résultats.

Afin de mesurer, toutes choses égales par ailleurs, le supplément de commerce induit par la croissance démographique, nous procédons de nouveau en 3 étapes :

1. Nous calculons tout d’abord l’impact marginal de la croissance démographique sur le commerce bilatéral pour chaque paire de pays à l’aide de la formule de calcul suivante :

∆XG= X. !exp 0,689 ∗ ∆ ln Pop − 1,

est le flux de commerce bilatéral entre le pays i et le pays j en 2006,

∆ ln MNO = !ln2MNOGMNOG3 − ln2MNOMNO3, mesure l’accroissement de la population de la paire de pays entre 2006 et 2029 et ∆XG=!XG, mesure le supplément de flux de commerce bilatéral induit par l’accroissement de la population de la paire de pays entre 2006 et 2029 (toutes choses égales par ailleurs)58.

2. Nous calculons ensuite, pour chaque pays, la part prédite de son commerce intra-EF, noté 78G pour le pays i en situation simulée en 2029 suite à l’accroissement de la population, selon la formule suivante :

78G =;∈/02X9;2006+ ∆Xij20293+=∈/02X=92006+ ∆Xki20293

∑ 2; X9;2006+ ∆Xij20293+∑ 2= X=92006+ ∆Xki20293

Ce ratio est reporté, pour chaque pays de l’espace francophone, dans le Tableau 12, la colonne « % simulé du commerce intra-EF en 2029 » – donc du fait de la croissance démographique.

58 « Toutes choses égales par ailleurs » n’est pas tout à fait exact dans ce cas précis car la modification de la population fait également varier les variables de PIB et donc les pondérations des termes de résistance multilatérale introduits dans l’équation de gravité. Toutefois les changements de telles variables sont minimes et nous décidons donc d’ignorer ces effets indirects de la population pour se concentrer sur ses effets directs.

3. Il est alors possible de calculer la variation du taux d’ouverture du pays i noté ∆TO, entre 2006 (observé) et 2029 (estimé) de la façon suivante :

∆TO =TOCG− AB AB avec

TOCG=∑ 2X + ∆XG3 + ∑ 2X4 4+ ∆X5G3 PIBG

Pour calculer le PIB de 2029, en l’absence de projections existantes sur l’évolution de la richesse par tête, nous faisons l’hypothèse d‘un PIB par tête constant, en d’autres termes, le PIB n’augmente qu’en proportion de la croissance démographique, tel que :

PIBG=PIB

Pop× PopG

Il découle de ces deux équations que si la croissance démographique et donc économique d’un pays de l’EF est supérieure au supplément de commerce (qui dépend du flux bilatéral initial et de la variation démographique des deux partenaires), alors le taux d’ouverture diminuera malgré l’augmentation des flux en valeur absolue.

Le Tableau 12 et la Figure 71 présentent les résultats des simulations de l’accroissement démographique sur le taux d’ouverture (en bleu) et sur la part du commerce intra-EF (en rouge) pour chacun des pays de l’EF.

Le taux d’ouverture

L’accroissement démographique prédit pour 2029 devrait se traduire, toutes choses égales par ailleurs, par une hausse moyenne de 3 % du taux d’ouverture des pays de l’EF.

La croissance démographique augmentera l’importance des échanges extérieurs pour les deux tiers des pays de l’EF. Quatre pays devraient ainsi connaître une hausse supérieure à 10 % de leur taux d’ouverture : le Burundi, Maurice, Djibouti et le Liban. Pour 11 pays (la Guinée Equatoriale, le Niger, le Mali, les Comores, le Congo, la Guinée, la Mauritanie, le Tchad, le Gabon, Madagascar et le Bénin), la simulation révèle que le taux d’ouverture diminuera, indiquant une croissance démographique (et donc de leur PIB) supérieure à celle de leurs partenaires. Notons que le Niger, le Mali et la Guinée Equatoriale, pays dont la croissance démographique devrait être supérieure à 90 %, sont les pays pour lesquels la réduction du taux d’ouverture devrait être la plus importante. Ainsi, le doublement de la population de la Guinée Equatoriale (qui a la croissance démographique la plus importante de l’EF) se traduira par la plus forte diminution du taux d’ouverture, de l’ordre de 12 %.

Figure 71: Impact des projections démographiques sur le taux d’ouverture et la part du commerce intra-EF en 2029

Note: en rouge: la variation de la part des échanges intra-EF dans les échanges totaux En bleu: la variation du taux d’ouverture

Source: Calcul des auteurs à partir du Tableau 12

La part du commerce intra-EF

En moyenne, au sein de l’EF, la croissance démographique devrait se traduire par une augmentation de la part des échanges intra-EF de 1,6 % entre 2006 et 2029. La Figure 71 révèle que pour plus de la moitié des pays de l’EF, la croissance démographique prédite se traduira, toutes choses égales par ailleurs, par une fraction plus importante des échanges intra-EF, autrement dit par une croissance des échanges intra-EF supérieure à l’accroissement des échanges avec le reste du monde.

18.18%

-15.00% -10.00% -5.00% 0.00% 5.00% 10.00% 15.00% 20.00%

BDI

Tableau 12: Impact des projections démographiques sur le commerce

% du commerce intra

EF observé en 2006

% simulé du commerce intra-EF

en 2029

Variation du commerce intra

EF

Variation du taux d'ouverture

Algérie 23,2% 23,6% 1,6% 3,9%

Belgique-Luxembourg 17,6% 18,1% 2,8% 5,7%

Bénin 20,7% 23,7% 14,8% -0,1%

Burkina Faso 42,5% 43,3% 2,0% 0,5%

Burundi 15,5% 13,9% -10,5% 18,2%

Cameroun 27,9% 28,6% 2,5% 3,2%

Canada 2,9% 2,9% 0,4% 7,3%

Comores 45,0% 45,9% 1,9% -0,9%

Congo 9,7% 10,1% 4,1% -3,8%

Côte d’Ivoire 36,1% 36,7% 1,8% 6,8%

Djibouti 5,4% 5,0% -9,0% 12,5%

France 16,2% 16,8% 3,5% 6,2%

Gabon 28,7% 29,1% 1,4% -1,4%

Guinée 24,3% 25,5% 5,1% -3,1%

Guinée Equatoriale 9,4% 10,3% 9,3% -12,3%

Haïti 5,4% 5,4% -0,1% 6,4%

Israël 14,9% 14,8% -0,3% 1,6%

Liban 17,2% 16,8% -2,0% 10,1%

Madagascar 31,9% 30,4% -4,6% -1,0%

Mali 36,1% 39,2% 8,7% -6,9%

Maroc 27,1% 27,2% 0,5% 6,9%

Maurice 21,4% 20,9% -2,2% 15,6%

Mauritanie 26,9% 28,1% 4,5% -2,5%

Niger 35,1% 35,4% 0,9% -7,0%

Rép. Centrafricaine 42,4% 43,2% 1,9% 2,1%

Rép. Dém. Du Congo 27,1% 26,8% -1,3% 0,6%

Rwanda 15,5% 14,0% -9,7% 8,6%

Sénégal 39,9% 42,4% 6,3% 3,7%

Suisse 13,5% 13,9% 2,9% 6,9%

Tchad 8,2% 8,4% 2,3% -2,4%

Togo 23,6% 25,8% 9,2% 6,2%

Tunisie 34,3% 35,1% 2,1% 5,1%

Moyenne simple 23,3% 23,8% 1,6% 3,0%

Source: Calcul des auteurs à partir du Tableau 10 et des données de BACI

En annexe, le Tableau 25 reporte les estimations hautes et basses des simulations ci-dessus correspondant aux intervalles de confiance au seuil de 90 %.

Afin d’illustrer l’impact différent de l’accroissement démographique selon les pays, nous nous attardons tout d’abord sur deux cas particuliers : le Burundi et le Bénin, puis nous présentons le cas de la France.

Selon nos estimations, le Burundi devrait connaître la hausse la plus importante du taux d’ouverture en 2029 suite à la croissance démographique prédite (18,2 %). Ce fort accroissement s’explique par une hausse prédite de 80 % de ses exportations et de 54 % de ses importations totales, mais avec un accroissement démographique de « seulement » 39 %.

En d’autres termes, la croissance des échanges sera plus importante que la croissance économique, ou démographique, du Burundi, se traduisant par une importance accrue des échanges extérieurs dans l’économie et donc du taux d’ouverture. Pour le Bénin, la situation est différente : le taux d’ouverture diminuera de 0,4 % mais les échanges intra-EF augmenteront de 15 %. Ce résultat s’explique par trois éléments : (i) les échanges intra-EF représentent près de la moitié des échanges du Bénin (44 %) ; (ii) la croissance démographique de ses partenaires de l’EF est supérieure à celle de ses partenaires non-EF (51 contre 28 % de hausse prédite en moyenne) ; (iii) la croissance démographique, et donc économique, du Bénin est relativement élevée (64 %). Du fait de la croissance attendue du PIB, l’importance relative du commerce dans l’économie béninoise se réduit, mais les facteurs (i) et (ii) se conjuguent pour accroitre plus fortement les échanges intra-EF.

Enfin, la France devrait connaître un accroissement de son taux d’ouverture de l’ordre de 6 %, et de ses échanges intra-EF, de l’ordre de 3,5 %. Cette hausse des flux commerciaux avec l’EF s’explique principalement par la croissance démographique plus forte des partenaires de l’EF, par rapport aux partenaires non EF, qui se traduit par un accroissement des flux de commerce bilatéraux avec ces pays.

6 DANS QUELLE MESURE LESPACE FRANCOPHONE INFLUENCE-T-IL, VIA LOUVERTURE,

LE REVENU PAR TETE ET LEMPLOI DES PAYS FRANCOPHONES ?

Dans la section précédente, nous avons estimé le supplément de commerce bilatéral engendré par le partage de la langue française et agréger, pour chaque pays de l’EF, ce supplément de commerce afin d’estimer la part de son taux d’ouverture attribuable à son appartenance à l’espace francophone.

Nous calculons dans cette section les impacts indirects sur le PIB par tête et sur l’emploi étant donné (i) l’impact sur l’ouverture calculé dans la section 5 et (ii) les coefficients estimés dans la littérature empirique sur le lien ouverture commerciale - PIB par tête et ouverture commerciale - emploi et identifiés dans une revue de la littérature.

6.1 Revue de la littérature empirique sur le lien ouverture au commerce, revenu par