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II – PROSPECTION BIOETHIQUE

Dans le document Le corps humain en droit criminel (Page 117-121)

Le droit relatif au corps humain est éphémère, en ce qu’il est sans cesse dépendant des avancées scientifiques, soit pour en limiter l’impact, soit, plus souvent, pour envisager ses applications concrètes (1). La loi bioéthique à venir doit donc se pencher sur tous les acquis issus de la loi de 2004, mais semble ne pas vouloir céder à l’appel d’une révolution juridique (2)

1 - LES LOIS BIOETHIQUES : L’EMPRISE DE LA SCIENCE SUR LE DROIT

L’incertitude quant au devenir du corps humain est d’autant plus préoccupante que le droit en la matière est en perpétuelle évolution. Or, il va de soit que ces évolutions programmées traduisent l’emprise qu’à la science sur le droit. Ce dernier doit évoluer pour ne pas freiner les avancées scientifiques, et permettre à celles-ci de se concrétiser auprès des patients. C’est ainsi, comme le soulève le professeur JAMIN, qu’ « avec la mode des lois

expérimentales, la loi n’est plus figée dans le marbre, elle s’inscrit tout au plus dans le plâtre »163. Il est vrai que, la science étant une matière évolutive, le droit ne peut – être

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GUIDICELLI-DELAGE Geneviève, « Droit à la protection de la santé et droit pénal en France », RSC.1996.p13

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JAMIN Christophe, « Loi n°94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et des produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal », RTDCiv, 1994,p. 934

figé. De plus, une législation statique ne peut, dans le contexte mondial actuel, qu’engendrer un tourisme médical qu’il n’est pas bon de laisser perdurer. En effet, certains pays voisins ont une législation différente concernant les mères porteuses, ou encore la procréation médicalement assistée. Il est impossible pour tous les états de trouver un consensus afin d’harmoniser le droit de la bioéthique, en ce que les questions relatives aux corps humain sont beaucoup trop rattachées aux mœurs, à la culture, à la politique d’un état… Ainsi, faute de consensus, il convient d’éviter ce tourisme, qui peut – être moins protecteur de la personne, et qui risque d’engendrer des difficultés juridiques, à terme (quant à la filiation par exemple). Pour ce faire, le réexamen de la législation s’avère nécessaire, afin d’offrir aux citoyens des garanties et de poser un certain nombre de contraintes liées au respect de nos principes fondamentaux. Pour passer outre ces contraintes, un nouveau tourisme procréatif verra le jour, nécessitant à nouveau une intervention du législateur. Le problème est alors l’enclenchement d’un cercle sans fin, car cela risque de créer un « dumping bioéthique » en totale négation avec le respect du corps humain. Les grands principes que l’on considère comme immuables risquent de devenir un jour l’exception. Il est donc regrettable que des réformes aussi importantes que celles touchant au corps humain répondent, non pas à un besoin réel, mais à un délai quinquennal ou décennal arrivé à son terme. Ainsi, c’est dans ce contexte que doit intervenir la loi bioéthique de 2009 (qui sera plutôt celle 2010, voire de 2011), la loi du 6 aout 2004 prévoyant une révision au terme d’un délai de 5 ans.

2– ENJEUX DE LA LOI BIOETHIQUE FUTURE

En septembre 2008, Mme Bachelot – Narquin, actuelle ministre de la santé, créait les « états généraux de la bioéthique », destinés à ouvrir un débat public quant à la réforme à venir, avec la consultation de « jurés citoyens » partout en France. Les débats étaient nombreux, au regard des problématiques soulevées lors de l’audition publique du 29 novembre 2007164. En effet, ce rapport pose les questions qui devront être débattues en prévision de la loi bioéthique. Or, elles sont quelque peu déroutantes. Ainsi, afin de surmonter les pénuries d’ovules nécessaires à la procréation médicalement assistée, la possibilité de rémunérer les « dons » d’ovules est évoquée. De même, la question de l’anonymat du don de gamètes est posée, au nom du droit pour chacun d’avoir accès à ses origines. Il est fait état également de la recherche sur les embryons, avec l’idée éventuelle de mettre fin à son interdiction (qui faisait cependant déjà l’objet de nombreuses dérogations). Enfin, l’idée de

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Audition publique du 29 novembre 2007, « Sciences du vivant et société : la loi bioéthique de demain », travaux parlementaires, session 2007/2008.

revenir sur l’interdiction de la gestation pour autrui n’est pas écartée. De nouvelles problématiques émergentes devaient également être étudiées, en rapport notamment aux neurosciences et aux implants cérébraux par la technique des nanotechnologies. Il était alors à craindre, au regard de l’ambition affichée par les travaux parlementaires, un bouleversement total de notre droit.

Le rapport Leonetti165, remis le 20 janvier 2010 et contenant 95 propositions, ne préconise pas une telle révolution dans notre droit. En effet, il propose davantage une réaffirmation des grands principes qu’un bouleversement de ceux-ci. Ainsi, il est proposé de conserver l’interdiction de la gestation pour autrui et de maintenir l’anonymat du don de gamètes. Quelques modifications sont avancées, mais ne modifient pas en profondeur la législation actuelle. Ainsi, la recherche sur embryon, aujourd’hui interdite sauf autorisation de l’agence de la biomédecine, pour une durée de cinq ans, pourrait s’affranchir de tout délai. De même, à titre exceptionnel (c'est-à-dire si le projet parental engagé a été interrompu par le décès du conjoint), l’insémination post mortem serait envisageable. Egalement, il est proposé d’alléger les conditions de l’AMP (le délai de deux ans de vie commune exigé pour les couples pacsés serait supprimé). Il pourrait être adjoint, dans le diagnostic préimplantatoire, le dépistage de la trisomie 21 (dans le cadre d’un dépistage pour une autre maladie permettant le recours à un diagnostic préimplantatoire). A noter également l’apparition de la notion de « dons croisés », garantissant en quelque sorte une greffe à un malade dont le proche fait un don d’organe de son vivant. Le rapport Leonetti propose enfin de ne pas inclure dans la future loi de clause de révision. Il sera débattu devant le parlement au printemps 2010. On peut se satisfaire du relatif statu quo qui est proposé par ce rapport. S’il ne vient pas renforcer la protection accordée au corps humain, il ne l’affaiblit pas non plus.

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Rapport d’information fait au nom de la mission d’information sur la révision des lois de bioéthique, 20 janvier 2010.

CONCLUSION

Effectuer une distinction entre la personne et son corps peut paraître abstrait et inutile. Pourtant, cette fiction intellectuelle met en exergue ce qui passe inaperçu lorsque l’on assimile le corps à la personne. On observe ainsi que le premier ne bénéficie pas de la protection dont peut se prévaloir la seconde. Il en découle que le corps humain, pour ce qu’il est ‘matériellement’, n’entre pas, ou très peu, dans le champ pénal. Pour vérifier cela, il suffit d’observer avec quelles incertitudes et contradictions le droit pénal aborde le corps lorsqu’il n’est pas encore, ou lorsqu’il n’est plus le support de la personne.

Cette hésitation du droit pénal est perceptible également lorsque l’on respecte l’assimilation qui est faite entre le corps et la personne. Parfois préservé de la volonté individuelle de l’Homme, le corps peut également y être soumis. Ce sont bien souvent des considérations autres que juridiques qui dictent la réponse pénale. Pourtant, le corps humain n’est pas un Objet Juridique Non Identifié. Il est au centre des préoccupations du droit civil. Cependant, les quelques doutes subsistant en droit civil sur le corps humain se transforment en véritables problématiques pour le droit pénal.

Aussi lacunaire soit-il lorsqu’il s’attache au corps, le droit pénal peut difficilement l’appréhender autrement. En effet, ce qu’il faut, c’est enseigner à l’Homme le respect qu’il doit à son corps. Or, le droit pénal ne peut avoir ce rôle d’éducateur, pour la simple raison que ce n’est pas par la contrainte que l’on acquiert une valeur aussi fondamentale que celle-ci. Aussi, malgré un manque de cohérence sur la forme ; sur le fond, la position du droit pénal ne pouvait être réellement différente de celle qu’il a adoptée. Celle-ci comporte un objectif de sensibilisation (avec l’interdiction de certaines provocations ou publicités), écarte la réponse pénale malgré l’atteinte au corps (afin de respecter le principe d’autonomie personnelle), mais envisage la répression lorsqu’une autre valeur que le corps est menacée (tels que l’ordre public, la dignité, la vie privée, la filiation…). Le droit criminel ne peut faire réellement davantage pour le corps humain, car ce n’est pas à lui d’inculquer des principes aussi essentiels que celui du respect de soi.

”Magit mad ho korf hoc'h ene a chomo pelloc'h e-barzh”

BIBLIOGRAPHIE

Dans le document Le corps humain en droit criminel (Page 117-121)