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A – La disparition de la peine de mort et de la sanction par l’atteinte corporelle

Dans le document Le corps humain en droit criminel (Page 39-41)

L’atteinte au corps humain a longtemps servi de moyen de sanction à la justice. Cela pouvait consister en une atteinte à l’intégrité physique de la personne (1) ou à une atteinte à sa vie (2).

1 - LA SANCTION PAR LA MUTILATION DU CORPS

Comme toutes les expressions communément utilisées en langue française, les termes « œil pour œil, dent pour dent »61 trouvent tout leur sens lorsque l’on se réfère à leur origine historique. Celle-ci est, en l’occurrence, très ancienne. Le code d’Hammourabi, datant du 18ème siècle avant Jésus Christ, est le premier à fixer des peines corporelles, avec la « loi du Talion ». Bien que cela mette fin à la justice privée, et introduise un début d’ordre dans la société, la loi du Talion s’apparente pourtant clairement à une vengeance. Il est porté au corps du coupable la même atteinte que celle dont il est à l’origine. Les 200 règles prévues par le Code d’Hammourabi sont fondées sur cette réciprocité de la peine. Malgré son ancienneté et la perception de pratique barbare que l’on en a aujourd’hui, la loi du Talion a connu de nombreuses résurrections : la Grèce archaïque, puis Rome ont toutes deux eu recours à cette réponse répressive, tout comme le peuple franc à l’époque mérovingienne, dès le Vème siècle après Jésus Christ. De plus, la loi du Talion a connu de nombreuses déclinaisons. Entre autre, on va punir le coupable par la partie du corps avec laquelle il a pêché. La loi des Homérites62 prévoit, par exemple, au 1er siècle après Jésus Christ, de couper la langue aux imposteurs et faux témoins, ou encore le sein gauche de la femme coupable d’adultère. Au Moyen-âge, c’est également pratique courante, le voleur se voyant ainsi privé de sa main, ou le violeur de son organe génital. Pendant longtemps, et il y a encore peu de temps, la « fonction sociale de la

peine [passait] par la sanction physique63 ». On peut alors considérer que les peines d’amende, et d’emprisonnement, étaient les premières peines alternatives. Les philosophes de Lumières, attachés aux droits fondamentaux de l’homme, ont été leurs fervents défenseurs, ce

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Dans la législation biblique, la formule consacrée est la suivante : « Tu ne jetteras aucun regard de pitié, œil

pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied », Deutéronome 19/21 (Xème/VIème s. avant JC).

Cette formule, reprise par la religion, apparaît dans les jurisprudences 196 et 200 du Code d’Hammourabi.

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Nouvelle revue Historique de droit français et étranger, 1905, traduit par Dareste, Esmein, Appert, Fournier, Tardif et Prou.

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qui transparaît dans le code pénal de 1791. Pourtant, le marquage au fer rouge64, ou l’amputation du poing65 réapparaissent dans le Code Pénal de 1810. La sanction par le corps a donc été, de tout temps, un principe de répression reconnu et pratiqué, et ce jusqu’au traité de droit pénal de 1835, qui vient prohiber les sanctions corporelles66. Cette interdiction est aujourd’hui affirmée par de nombreux textes internationaux, tels que l’article 5 de la DUDH, l’article 3 de la CEDH, la convention de NY contre la torture ou encore l’article 7 du PIDCP. C’est bien après l’interdiction de ces pratiques mutilantes et humiliantes qu’est proscrite une autre atteinte au corps, pourtant plus extrême : la peine de mort.

2 - LA SANCTION PAR LA MORT

Déterminer l’origine historique de la peine de mort n’est pas chose aisée, en ce que l’on peut considérer qu’elle précédait l’existence même de l’état de droit, en relevant d’une justice privée. Cette « vengeance » a peu à peu été règlementée, l’un des premiers textes étant la loi du Talion : qui donne la mort devra être tué. De même, les cas de recours à la peine de mort deviennent limitativement énumérés, bien que, dans l’Egypte pharaonique, par exemple, la liste soit longue : le fait de tuer un animal sacré, de recourir à la magie ou d’offenser une divinité est puni de la peine capitale…La Grèce antique, et le droit romain punissent également par la mort un certain nombre de crimes. Cependant, dans toutes ces périodes, la peine de mort répond à la fonction utilitariste de la peine, à savoir le besoin de protéger la société, et de dissuader la population de contrevenir aux règles établies. Cela va changer au Moyen-âge, où la peine de mort revêt alors une fonction expiatoire, punitive. Cela se traduit par la cruauté et diversité des châtiments : le bûcher pour les hérétiques, la pendaison pour les meurtriers, l’écartèlement pour les parricides, l’huile bouillante pour les faux monnayeurs, la roue pour les brigands, le démembrement du pénis pour les violeurs…La torture vient donc accompagner la mort, pour non seulement porter atteinte à la vie, mais également au corps. Avec la philosophie des Lumières, le rôle utilitariste de la peine est à nouveau mis en avant, et c’est finalement Cesare BECCARIA qui va, le premier, défendre l’abolition de la peine de mort, dans son ouvrage « Dei Delitti e delle pene »67. En 1792, la sanction devient la même pour tous les condamnés à mort : la guillotine. Dès lors, les propositions de loi 64 Article 20 CP de 1810 65 Article 13 Cp de 1810 66

A l’exception de la peine capitale, abolie bien plus tard.

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Beccaria, « Traité des délits et des peines », 1764, coll. Bibliothèque Nationale, p.237, §28 « Il me paraît absurde que les lois, qui sont l’expression de la volonté publique, qui détestent et punissent l’homicide, en commettent un elles-mêmes, et que pour éloigner les citoyens de l’assassinat, elles ordonnent un assassinat public.»

visant l’abolition de la peine capitale se multiplient : 91 propositions de lois échouent, la 92ème, déposée par Robert BADINTER, alors ministre de la justice, vient abolir la peine de mort en France, le 10 octobre 1981. Le refus absolu de la peine de mort est finalement scellé par la constitutionnalisation récente de son interdiction, le 23 février 2007.

Si la peine de mort n’était pas indispensable au bon fonctionnement de la justice, certaines formes d’atteintes au corps, comme l’emprisonnement, sont à l’inverse inévitables pour assurer la protection de la société.

Dans le document Le corps humain en droit criminel (Page 39-41)