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pour la mise en évidence d’effets de matrice

III.2. b.ii Mesures de température

Afin d’obtenir une valeur de température de plasma pour chaque matrice, la première approche envisagée a été d’adapter le choix des raies de fer à chacune des matrices.

On a donc sélectionné les raies mesurables pour chaque matrice, selon deux critères :

- L’absence d’interférence spectrale de raies de la matrice, par une analyse visuelle des spectres et une comparaison aux bases de données [16] ;

- La détectabilité de la raie par rapport au fond spectral, qui est calculé selon le protocole dont le principe est décrit dans la section II.2 : une raie a été considérée comme détectable si son intensité est supérieure à celle du fond d’au moins trois écarts-types.

Les raies qui ne vérifient pas ces critères dans tous les échantillons d’une matrice donnée ont été écartées.

À cette règle, deux exceptions ont été faites : la raie à 376,55 nm a été conservée alors qu’elle était trop faible dans certains échantillons pauvres en fer. Comme discuté plus haut, cette raie de haute énergie est très importante pour la précision des diagrammes de Boltzmann, et on a donc préféré exclure les quelques échantillons où elle n’était pas visible, c’est-à-dire les échantillons 01002, CT4, CT5 et BST81.

Le résultat de cette étude est présenté dans le Tableau 9, et des exemples de diagramme de Boltzmann peuvent être observés en Figure 43.

Tableau 9 : Raies mesurées dans chaque matrice. Seules les raies mesurables dans tous les échantillons d’une matrice

données sont validées. Les couleurs associées aux énergies d’excitation Ei ont pour vocation de mettre en évidence les différents groupes de raies apparaissant sur les diagrammes de Boltzmann. [16]

𝜆

E

j

E

i

gA

Raies utilisées pour chaque matrice

nm eV eV 108 s-1

Al Cu Ni Ti

1 371,99 0,00 3,33 1,782     2 372,26 0,09 3,42 0,249     3 372,76 0,96 4,28 1,12     4 373,24 2,20 5,52 1,345     5 373,35 0,11 3,43 0,194     6 373,49 0,86 4,18 9,911     7 373,71 0,05 3,37 1,269     8 374,83 0,11 3,42 0,458     9 374,95 0,92 4,22 6,867     10 375,82 0,96 4,26 4,438     11 376,38 0,99 4,28 2,72     12 376,55 3,24 6,53 14,265     13 376,72 1,01 4,30 1,917     14 378,79 1,01 4,28 0,645     15 379,50 0,99 4,26 0,805    

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Figure 43 : Diagrammes de Boltzmann des raies de Fe I observées dans les échantillons 12404 (Al), CT3 (Cu), B7011 (Ni) et BSTSU-1 (Ti). Pour chaque matrice, les raies considérées sont celles mesurables dans chaque échantillon de cette matrice

(voir Tableau 9). Délai = 1000 ns, porte = 9000 ns.

Les incertitudes présentées sont égales à l’écart-type de la température calculé sur les 10 répétitions. Le calcul de propagation d’incertitude donne des valeurs comprises entre 210 K et 250 K.

Cette approche n’a pas semblé totalement satisfaisante : en effet, la mesure de la température est apparue très dépendante du choix des raies. En particulier, le retrait de la raie à 376,55 nm mène pour certains échantillons à des variations de plusieurs centaines de Kelvin. C’est également le cas, dans une moindre mesure, de la raie à 371,99 nm, à l’autre bout du diagramme, pour les matrices nickel et titane où aucune raie permettant d’assurer une redondance n’a pu être mesurée.

Ainsi, pour comparer les différentes matrices, il est apparu indispensable de sélectionner un jeu de raies communes. En effet, les valeurs de température seront par la suite utilisées pour normaliser des étalonnages dans les différentes matrices. Il est donc important que, si un biais existe dans la mesure de cette température, ce biais soit le même pour chaque matrice.

Notre seconde approche a donc été de ne conserver que les raies mesurables simultanément dans toutes les matrices — à l’exception des échantillons éliminés plus haut. Il s’agit des raies de numéro 1, 6, 9, 12 et 13 dans le Tableau 9.

Les diagrammes de Boltzmann précédents ont alors été tracés à nouveau ; ils sont présentés en Figure 44, et la Figure 45 montre l’ensemble des résultats obtenus par cette approche sur tous les échantillons.

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Figure 44 : Diagrammes de Boltzmann des raies de Fe I observées dans les échantillons 12404 (Al), CT3 (Cu), B7011 (Ni) et BSTSU-1 (Ti). Les raies utilisées sont les raies mesurables dans tous les échantillons de toutes les matrices. Délai = 1000 ns,

porte = 9000 ns.

Figure 45 : Indicateur de température du plasma mesuré dans différents échantillons de quatre matrices par un jeu commun de raies de Fe I. Délai = 1000 ns, porte = 9000 ns. Les barres d’erreur représentent la répétabilité de la mesure ; les valeurs en

haut de la figure sont les moyennes et écarts-types pour chaque matrice.

La comparaison de la Figure 43 et de la Figure 44 montre que les deux approches donnent des résultats proches.

La Figure 45 montre des résultats mitigés : le plasma d’aluminium semble plus froid que celui de cuivre, lui-même plus froid que celui de nickel. Cette comparaison entre aluminium et cuivre semble cohérente avec les résultats qualitatifs de la section précédente, ce qui plaide donc en faveur de la présence d’effets de matrice au sein du plasma, effets limités mais néanmoins significatifs.

Toutefois, ces écarts inter-matrices apparaissent faibles en regard de la variabilité intra-matrices. Comme la répétabilité expérimentale, représentée par les barres d’erreur sur la figure, mène à une fluctuation bien inférieure à cette variabilité intra-matrices, celle-ci n’est donc pas due à une erreur aléatoire mais bien systématique. Or, on s’est attaché à utiliser un jeu de raies commun à tous les échantillons, donc aucun biais ne peut provenir du choix des raies. Le problème est donc probablement

93 à chercher du côté de la composition des échantillons. À ce propos, remarquons que, comme l’indiquent leurs références, les échantillons de cuivre ont tous la même provenance et constituent un ensemble homogène, avec une même mise en forme et de mêmes impuretés échelonnées en concentrations. Ce n’est pas le cas des autres matrices, dont les échantillons ont des compositions beaucoup plus variables, comme on peut le voir en Annexe A. Parexemple, les échantillons de matrice nickel s’échelonnent de 58 % à 99 % en nickel. Il est donc tentant de voir dans l’homogénéité de composition des cuivres un lien avec l’homogénéité de température dont ils font également preuve.

Les variations de mesures de température intra-matrices traduisent-elles alors de réelles différences de température d’un échantillon à un autre à cause de leurs différentes compositions globales, ou a-t-on affaire à un biais de mesure là où les températures sont, en réalité, identiques ? La Figure 46 plaide en faveur de la seconde hypothèse : on y constate une corrélation entre la concentration en fer des échantillons d’aluminium et la température du plasma qui y est mesurée. Or on le sait, la mesure des raies peut être biaisée par une trop forte concentration en l’élément émetteur, à cause du phénomène d’auto-absorption. Celui-ci se traduit généralement par une sous-estimation des raies qui le subissent. Comme certaines raies y sont plus sensibles que d’autres, notamment celles dont le niveau inférieur est bas et/ou dont la probabilité de transition est élevée, cela pourrait conduire à une sous-estimation de la pente du diagramme de Boltzmann, et donc à une surestimation de la température. C’est bien ce que l’on observe sur la Figure 46.

Figure 46 : Indicateur de température du plasma des échantillons de matrice aluminium mesuré à partir des raies du fer, en fonction de la concentration de celui-ci dans chaque échantillon.

Il est possible d’agir sur ce biais en influant sur le choix des raies utilisées dans la construction des diagrammes de Boltzmann, par exemple en utilisant les raies plus faibles, moins sensibles à l’auto-absorption.

Toutefois, cela ne peut pas suffire à résoudre notre problème en nous permettant de définir une valeur de température pour chaque matrice :

D’abord, la nécessité d’utiliser un jeu de raies commun à toutes les matrices nous contraint grandement sur le choix de ces raies : seules les raies les plus intenses ont pu être mesurées dans tous les échantillons, car la faible concentration en fer de certains ou la présence d’interférences spectrales dues à des impuretés a empêché la mesure des raies plus faibles. Or, comme on l’a dit plus haut, ces raies intenses sont particulièrement susceptibles d’engendrer des biais de mesure.

De plus, s’il est possible que l’auto-absorption des raies du fer soit responsable des variabilités intra-matrices pour la matrice aluminium, cela ne peut pas être le cas pour le titane et le nickel, puisque ce biais n’y est pas relié à la concentration en fer. Pour ces deux matrices, le problème est lié à la composition globale des échantillons : soit leurs grandes différences de composition provoquent des

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écarts de température réels, soit la présence d’impuretés est responsable d’interférences provoquant des biais difficiles à prendre en compte dans la mesure des raies de fer. En effet, nous nous sommes attachés, par le choix des raies, à éviter les interférences dues à des raies de la matrice. Toutefois, celles que peuvent provoquer les nombreuses et diverses impuretés sont plus difficiles à circonvenir.