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pour la mise en évidence d’effets de matrice

III.1 Démarche de travail et matériel

III.1.a Démarche

La démarche envisagée pour la caractérisation du plasma fait appel à des méthodes spectroscopiques décrites de manière exhaustive dans le chapitre I (I.2.b.ii) :

- Pour l’évaluation de la température T, la méthode du diagramme de Boltzmann nécessite de mesurer l’intensité de plusieurs raies possédant des énergies d’excitation différentes. - Quant à la densité électronique ne, deux méthodes seront utilisées : la première, celle de

l’élargissement Stark, requiert de mesurer la largeur d’une raie dont les coefficients d’élargissement seraient par ailleurs connus et disponibles dans la littérature. Toutes les raies ne sont pas élargies de la même manière. Ainsi, une raie la plus large possible permettra les mesures les plus précises. La seconde méthode est celle de l’équation de Saha-Boltzmann : elle implique d’observer au moins une raie neutre et une raie ionique d’un élément donné, le rapport des deux intensités étant relié à ne.

Pour le choix des raies, deux possibilités sont envisageables :

On peut d’abord s’intéresser aux raies d’éléments majoritaires dans le matériau : c’est l’idée la plus évidente. Comme on cherche à caractériser le plasma issu de différents métaux, il est possible de mesurer les raies d’émission des métaux en question dans chacun d’eux. Deux avantages apparaissent alors : d’abord, ces raies sont bien souvent faciles à détecter, puisque l’intensité en est proportionnelle à la concentration de l’émetteur. D’autre part, il est possible d’obtenir ainsi des résultats sur des échantillons de métal pur, ce qui permettrait d’aboutir effectivement à une valeur de température et de densité électronique pour chaque matériau, sans avoir besoin de tenir compte d’une éventuelle influence du reste de la composition de l’échantillon.

Cependant, notre but est de comparer les valeurs obtenues dans différents matériaux purs – les matériaux nucléaires d’intérêt étant de fait quasiment purs — valeurs qui ne seront vraisemblablement que peu éloignées d’une matrice à une autre dans la mesure où nous n’étudierons que des métaux. En effet, étant tous des solides cristallins à forte conductivités thermiques et électriques, entre autres similitudes, ces matériaux réagissent de manière similaire à l’ablation laser. Il importera donc de limiter au maximum tout biais de mesure pour pouvoir mettre en évidence les éventuels effets de matrice. Or il sera évidemment impossible de trouver des raies communes à ces différents matériaux. Ainsi, l’usage des raies de la matrice nécessiterait d’utiliser des raies différentes pour chaque métal. Ceci risque de rendre caduque toute comparaison des différentes matrices. En effet, certains phénomènes, comme l’auto-absorption, font que la mesure des raies d’émission peut rarement être considérée comme exempte de biais. Utiliser des raies différentes dans des matériaux différents rend alors l’évaluation de ces biais de mesure très périlleuse. De plus, la définition d’une unique température et d’une unique densité pour chaque matériau requiert l’hypothèse de l’Équilibre Thermodynamique Local (ETL), sans laquelle différentes espèces pourraient mener à des valeurs différentes. On verra par la suite que le plasma est assez proche de l’ETL pour limiter ce problème. Toutefois, l’ETL reste un cas idéal qui ne peut pas être parfaitement vérifié dans le contexte d’un plasma LIBS [87], et l’usage de raies d’éléments différents est donc à priori à proscrire pour limiter les biais de mesure.

Ces considérations nous ont amené à considérer l’usage de raies d’impuretés pour réaliser la caractérisation du plasma. Bien que les raies issues d’éléments moins concentrés soient alors plus difficiles à détecter et à mesurer, cette démarche présente tout de même l’avantage d’utiliser un jeu de raies commun pour l’étude de différentes matrices, ce qui en facilite la comparaison.

Le principal élément que nous avons choisi d’étudier est le fer : c’est une impureté très commune, présente dans de nombreux échantillons. De plus, il présente un très grand nombre de raies d’émission dont les paramètres spectroscopiques sont particulièrement bien connus, qu’il s’agisse des niveaux d’énergie et des coefficients d’Einstein [16] ou même des coefficients d’élargissement Stark qui font

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l’objet de bases de données [101], [156]. Ce large choix de raies permettra d’assurer une certaine redondance, nécessaire dans le cas où certaines raies peuvent être totalement occultées par des interférences spectrales dans certaines matrices. Enfin, ces caractéristiques du fer font qu’il a déjà été utilisé à de nombreuses reprises en LIBS pour des problématiques de caractérisation, que ce soit en tant qu’élément majoritaire [22], [157], [158] ou en tant qu’impureté [24], [159]–[161]. L’impureté titane sera également étudiée dans certains échantillons. Le titane présente notamment l’intérêt de permettre facilement l’observation de certaines raies ioniques, ce qui est utile vis-à-vis de la détermination de la densité électronique par l’équation de Saha-Boltzmann.

III.1.b Dispositif expérimental

Le montage utilisé au cours de toutes les expériences de caractérisation de plasma des chapitres III et IV est représenté sur la Figure 37. Il est composé d’un système commercial MobiLIBS de la société IVEA Solutions, auquel on a adjoint un spectromètre et une caméra intensifiée. Ce système est tout à fait comparable à un système LIBS classique tel que décrit dans le chapitre I (I.1.a).

Plus simple que celui décrit dans le chapitre II, qui était conçu pour des manipulations sous vide dans la gamme spectrale VUV, il en diffère par plusieurs points :

- La chambre d’analyse est sous atmosphère ambiante ;

- La collecte de la lumière est réalisée par fibre optique, ce qui était impossible dans la gamme VUV ;

- La caméra est intensifiée, ce qui permet de réaliser des mesures résolues temporellement, jusqu’à des fenêtres de mesure de l’ordre de la nanoseconde.

Les principales caractéristiques du dispositif sont résumées dans le Tableau 6.

Figure 37 : Vue d’ensemble du dispositif LIBS-air ambiant. 1 : boîte noire contenant le laser et les différents composants optiques ; 2 : chambre d’analyse: on peut y voir le plasma issu d’un tir laser ; 3 : spectromètre ; 4 : caméra intensifiée

Le laser est focalisé à la surface de l’échantillon en incidence normale au travers d’une lentille de distance focale égale à 250 mm. L’énergie du laser est réglable, jusqu’à environ 7 mJ mesurés dans le plan focal, ce qui correspond à un éclairement énergétique crête d’environ 90 GW/cm². La collecte de la lumière du plasma est réalisée de façon colinéaire au faisceau laser, par un télescope de grandissement ¼. Celui-ci image le plasma sur l’entrée d’une fibre optique dont le cœur a un diamètre de 550 μm. L’autre extrémité de celle-ci est connectée à la fente d’entrée du spectromètre. Sauf précision contraire, cette fente aura une ouverture de 40 μm de large pour une hauteur de 1 cm.

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Tableau 6 : Principales caractéristiques des différents éléments du montage LIBS-air ambiant

Élément Description et caractéristiques

Laser

Ultra (Quantel) :

Longueur d’onde : 266 nm (1064 nm quadruplé en fréquence) Durée d’impulsion : 4 ns (largeur totale à mi-hauteur) Énergie des impulsions : jusqu’à 7 mJ sur l’échantillon

Taux de répétition : 20 Hz

Diamètre mesuré de la tache focale : 50 μm

Focalisation

Lentille plan-convexe : Distance focale : 250 mm Avec traitements antireflets à 266 nm

Collecte

Télescope de Cassegrain achromatique : Grandissement : ¼ Diamètre : 2 pouces Distance de travail : 250 mm Fibre optique : Diamètre de cœur : 550 μm Ouverture numérique : 0,22 Spectromètre THR 1000 (Horiba) : Monochromateur (Czerny-Turner) Distance focale : 1 m Réseau : 2400 traits/mm Caméra iStar-25 (Andor) : Capteur CCD intensifié 2048 x 512 pixels 13,5 μm x 13,5 μm par pixel

Résolution : 4,5 pm/pixel à la gamme spectrale considérée

III.1.c Gamme spectrale d’étude

La principale gamme spectrale étudiée se situe entre 372 et 386 nm. La littérature montre en effet qu’elle est particulièrement intéressante pour l’étude du spectre du fer [19], [104], [158]–[160], [162], [163]. Cette gamme possède de nombreuses raies du fer neutre, certaines parmi les plus intenses de tout son spectre. De plus, ces raies sont réparties sur des énergies d’excitation variées, de 3,2 à 6,5 eV, ce qui les rend favorables à la construction de diagrammes de Boltzmann pour la mesure de la température. Des raies d’autres impuretés, notamment le titane, sont également présentes. Toutefois, toutes les raies de cette gamme sont très peu élargies. D’autre part, l’observation complète de la gamme, telle qu’elle est présentée sur la Figure 38, n’est pas possible en une seule acquisition dans nos conditions expérimentales. Pour cette figure et tous les spectres de cette gamme, on a donc dû acquérir deux spectres, respectivement entre 372 et 380 nm, et entre 378 et 386 nm, puis les concaténer. Pour ce faire, on a normalisé leurs intensités respectives par celle de la raie de Fe I à 378,79 nm, présente sur chacune des deux moitiés, afin de corriger les variations d’intensité qui pouvaient être dues aux fluctuations d’énergie du laser ou de l’état de surface de l’échantillon.

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Figure 38 : Gamme spectrale 372-386 nm visualisée sur l’échantillon 51XG00H2, alliage d’aluminium avec des

impuretés fer (0,36 %m) et titane (0,13 %m). Le signal de 400 tirs laser répartis en 10 cratères a été accumulé et normalisé par le nombre de tirs. Délai : 1000 ns, porte : 500 ns.

Toutes les raies étudiées ainsi que leurs paramètres spectroscopiques sont présentés en Annexe B.

Sauf précision contraire, les raies sont mesurées comme suit :

- La largeur est considérée égale à celle du meilleur ajustement (c’est-à-dire, qui minimise les résidus) de la raie à une fonction gaussienne. Ce profil a été choisi car il donne les plus faibles résidus : les raies spectrales de cette gamme sont en effet toutes très peu élargies, ce qui rapproche leur profil du profil instrumental, qui est gaussien.

- L’intensité est définie comme l’aire sous la raie au-dessus de sa demi-hauteur. Dans la section III.2.a, cette aire est l’intégrale de la fonction gaussienne d’ajustement.

De plus, pour chaque raie dont on a mesuré l’élargissement Stark, le profil instrumental a été obtenu en observant cette même raie dans le spectre d’une lampe à cathode creuse, dans les mêmes conditions expérimentales. La largeur instrumentale est alors soustraite — par des formules de déconvolution — à la largeur de la raie LIBS afin d’y mesurer l’élargissement Stark.

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III.2 Caractérisation du plasma à partir de raies d’un