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4. Analyse des résultats

4.2 L’identité

4.2.4 Identité de femme

Au-delà du culturel et du religieux, le fait de n’interroger que des femmes a eu son impact dans les résultats, alors que cette parcelle identitaire est ressortie comme importante pour

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certaines participantes. Une affirmation de son féminisme ou de sa féminité s’est ainsi laissé entrevoir.

Pour certaines, revendiquer son identité de femme rime avec le fait d’affirmer une identité ou des idées féministes. Amina, Lina, Yasmine, Dalia, Soraya et Safia expriment ce fait, alors qu’elles soulignent, toutes, dans une plus ou moins grande mesure, cette nécessité de revendiquer certaines valeurs féministes; « […] je dirais pas que je suis une féministe militante active, mais si l'occasion se présente je mets mon grain de sel pour revendiquer, mais vraiment l'importance du rôle des femmes dans la société, dans l'avancement de la société » (Soraya). Amina et Safia partagent des points de vue similaires, alors que la première confie chercher un futur mari qui partage ses valeurs féministes et que la seconde avoue avoir quitté son pays d’origine en quête de davantage de libertés et d’égalité sexuelle. Pour Yasmine, c’est davantage une volonté d’indépendance familiale qui s’affilie avec son identité de femme, alors qu’elle soutient : « [j]e suisune femme libre et je le resterai et j'ai pas besoin de beaucoup d'argent, j'ai besoin juste d'un peu d'argent et de beaucoup d'indépendance » (Yasmine). Pour Dalia, son identité de femme vient avec l’adoption d’un rôle social, elle qui aimerait « servir de modèles à d’autres femmes ou à mes cousines… » (Dalia). Racontant une anecdote de son parcours scolaire, elle souligne souhaiter devenir un exemple pour ses cousines et les autres étudiantes étrangères face à l’importance de la réussite scolaire et à sa possible atteinte pour une femme immigrante (Dalia).

Si, pour ces dernières, assumer une identité féminine s’illustre à travers des valeurs plus « féministes », pour d’autres, au contraire, être femme rime davantage avec le fait d’assumer cette féminité les distinguant de la gent masculine. Pour Kadidiatou, alors qu’elle juge être capable de faire le même travail qu’un homme dans son domaine professionnel, elle amène plutôt l’identité féminine du côté de la féminité, elle qui ne se perçoit « pas comme égale à l’homme » (Kadidiatou). Alors qu’elle souligne qu’à compétences égales aucune discrimination ne doit être faite, elle ajoute qu’assumer son identité de femme, c’est reconnaître sa féminité, sa distinction, et l’assumer.

[D]onc, oui je me perçois féminine, mais je me perçois pas égale […]. Pourquoi essayer de rendre pareil l'orange et puis la pomme? Non, c'est pas pareil. Il faut accepter ça, mais ça devient discriminatoire, seulement si on essaie de donner telle chose à tel parce qu'il est ça comparativement à l'autre. […] Mais féministe au sens de ce terme-là, égalité tout ça, je ne le perçois pas comme ça. (Kadidiatou)

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Cette vision de la féminité, Odette l’adopte encore davantage, alors que dans sa réflexion face à la femme et à son rôle, elle adopte une posture plus traditionnelle influencée par sa lecture personnelle du Coran. Pour elle, alors qu’aujourd’hui la femme risque de se perdre à travers les effets de modes et les seules volontés de réussite professionnelle, l’essence de la femme résiderait plutôt dans le foyer et la maternité, « et c'est ce que la religion voulait nous transmettre comme message, c'est que la femme qu'elle s'épanouit vraiment dans son foyer, malgré peut-être tous les défis qu'elle va rencontrer » (Odette). La reprise des propos religieux ne mène toutefois pas automatiquement à cette vision des identités de genre, alors que Lina souligne que

la femme musulmane depuis l'origine de l'islam avait droit à sa propriété, avait droit de garder son nom, son mari ne pouvait pas prendre son héritage par exemple. […] Les relations sexuelles faisaient partie de la vie et on en parlait, même dans le Coran on en parle de ça. Une femme qui n'est pas satisfaite sexuellement avec son mari, elle avait le droit de divorcer. Mais ça c'est dans les écrits, pas dans le vécu des musul… Parce que ça été récupéré par des siècles de machisme et la société elle était machiste, il faut l'avouer. (Lina)

Lina met ainsi en parallèle son appropriation des textes coraniques avec les valeurs qu’elle rattache à son identité de femme. Si cette dernière se dit assez peu pratiquante et accorde une place moindre à la religion dans son quotidien, Salema et Soraya, davantage pratiquantes, s’efforcent également de trouver inspiration féminine, non pas seulement dans les textes de l’islam, mais dans son histoire. Toutes deux soulignent l’importance des femmes arabo- musulmanes dans l’histoire et l’influence que ces dernières ont pu ou peuvent avoir sur leur identité. Bien que toutes deux portent le voile, Salema souligne, contrairement à Odette, l’importance du travail des femmes à l’extérieur du foyer à travers leur participation dans le commerce, la politique ou encore l’éducation.

Ce qui est sûr, [c’est] qu'il y a quand même une histoire qui est grandiose pour les femmes, leur participation. On essaie de marcher sur les pas de ces femmes, de faire quelque chose pour la femme, pour notre identité et pour bien sûr représenter le pays d'origine (Salema).

Être femme, que ce soit le fait de partager des valeurs féministes ou encore souhaiter une reconnaissance de sa féminité, semble donc importer dans l’équation identitaire de la plupart des participantes interrogées. Ce rôle est également associé à d’autres sphères identitaires, notamment celles professionnelle ou familiale. Si Dalia souligne plus haut que d’être femme la pousse à se dépasser pour prouver ses qualifications et ses compétences professionnelles,

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Khadidja soutient, quant à elle, que le fait d’être femme s’accorde particulièrement avec ses responsabilités maternelles; « [d]euxièmement, je suis une femme. Oui je suis une femme avant d'être maman, je pense. Bon l'ordre je pourrais pas vous dire, mais le fait d'être femme. […] [C]'est être maman, être une femme mon identité » (Khadidja). Ces deux facettes identitaires, professionnelle et familiale, sont d’ailleurs les suivantes présentées, alors que toutes les participantes ont abordé l’une, l’autre ou les deux durant l’entrevue, et ce, parfois en complémentarité avec leur identité de femme.