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empêché d’obtenir une certaine diversité (âge, pays, d’origine, pratiques religieuses, situation familiale, statut, nombre d’années d’installation au Québec).

3.3 Méthode de collecte des données

C’est essentiellement le sujet de recherche qui a guidé le choix de méthode de collecte des données; la méthode, en soi, n’ayant de valeur réelle que si elle permet de recueillir des données pertinentes (Silverman, 2006; Bailey, 2007). L’identité et l’intégration étant des notions subjectives et le but de la recherche étant de consulter directement la perception des femmes, l’entretien semi-dirigé, d’une durée approximative de 90 minutes, a été privilégié. « L’entrevue semi-dirigée consiste en une interaction verbale animée de façon souple par le chercheur » (Savoie-Zajc, 2003, p. 296), interaction dans laquelle les interlocuteurs collaborent à la production de la représentation et la perception d’actions, d’expériences ou encore d’émotions passées, présentes ou futures (Byrne, 2004; Rapley, 2004). Bien qu’il soit difficile, d’après de simples entrevues, d’avoir un accès direct à des faits ou des événements comme nous le permettraient d’autres méthodes, le but de cette recherche est tout autre, alors qu’elle souhaite davantage prendre le produit de l’entrevue pour ce qu’il est, soit cette production particulière d’un certain point de vue, d’une certaine représentation de la réalité (Silverman, 2006). Le point central de cette technique, qui veut sacrifier standardisation et répétition au profit d’une meilleure compréhension du monde du répondant (Bloor et Wood, 2006), s’inscrit directement dans les objectifs de cette recherche, soit la compréhension, l’apprentissage ainsi que le fait de rendre explicite le monde et les interprétations de l’autre (Savoie-Zajc, 2003; Byrne, 2004; Charon, 2003). Cette méthode permet également une exploration plus profonde des éléments d’analyse ainsi qu’une souplesse permettant de respecter les cadres de références des femmes rencontrées invitées à partager leur perception de leur réalité à travers leurs propres mots et langage (Byrne, 2004). Elle a été par le passé le choix de chercheurs voulant explorer une voix ou une expérience ignorée ou sous-représentée (Byrne, 2004), comme c’est un peu le cas ici. Afin de tenir compte du contexte social dans lequel s’inscrit le cheminement d’une personne et d’ainsi « voir comment des trajectoires singulières s’inscrivent dans un cadre social » (De Villers, 2011, p. 21), il a été décidé de guider ces entrevues à la manière du récit de vie. Il est bien entendu que, compte tenu du temps et des ressources disponibles pour les entretiens, il n’a pas été possible de suivre l’ensemble des préceptes de la méthode, mais il y eut un réel souci de recueillir des fragments

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de l’histoire des répondantes permettant de contextualiser et d’enrichir la compréhension de leur parcours et leur identité actuelle.

À la suite des choix méthodologiques et à l’analyse des principaux termes à l’étude, la grille d’entrevue14 a pu être créée. Son contenu a d’abord été inspiré par la revue de littérature effectuée initialement, et ce, parallèlement à mes propres impressions face à ce qui pourrait être essentiel de couvrir pour répondre adéquatement aux objectifs de la recherche (Rapley, 2004; McIntosh et Morse, 2015). Cette grille est ainsi le reflet de l’opérationnalisation des principaux concepts15 de cette recherche qui a permis de tracer les axes d’orientation des questions à l’étude. La façon privilégiée, ici, pour connaître les affiliations identitaires des individus à l’étude a également été inspirée par la démarche de Gallant (2008) qui consiste à leur poser directement la question, en les invitant à décrire leur identité à force de questions telles que : « Comment vous décririez-vous en tant qu’individu? ». Dans la première section de la grille d’entrevue, intitulée Perception de soi, la répondante est alors libre d’aborder les registres identitaires de son choix (Gallant, 2008). Les sphères sélectionnées (familiale, sociale, personnelle, religieuse, professionnelle) n’ont été utilisées que pour approfondir l’entrevue, au besoin. Bien qu’un ensemble de questions aient initialement été développées, il y eut une certaine flexibilité dans la séquence et l’utilisation des questions qui permit de s’adapter aux personnes rencontrées (Byrne, 2004; Bailey, 2007; McIntosh et Morse, 2015; Padgett, 2017). À la manière de ce que Rapley (2004) souligne, les entrevues ont, ainsi, été dirigées au rythme des éléments apportés par l’interviewée, alors que les questions ne suivaient pas un agenda préétabli, mais suivaient davantage le flux des confidences. Comme l’auteur le fait également remarquer, certaines des entrevues ont demandé un encadrement plus serré, la personne attendant la prochaine question à répondre, alors que d’autres ont été orientées par quelques questions de départ qui ont mené à des confidences déjà riches pour le sujet de recherche.

3.4 Analyse des données

L’analyse des données effectuée ici s’inspire, entre autres, des deux premières étapes de McIntosh et Morse (2015) qui soulèvent qu’il faut d’abord préparer les données recueillies

14 La grille d’entrevue utilisée est disponible en annexe, voir Annexe 2 – Guide d’entrevue

15 Le tableau d’opérationnalisation des concepts utilisé est disponible en annexe, voir Annexe 1 – Tableau

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pour l’analyse pour, ensuite, conduire une analyse de contenu. C’est ainsi que la préparation des données s’est amorcée, dès les premières entrevues, alors qu’ont été rapidement colligées les réflexions suscitées et les notes prises suite aux entretiens (Savoie-Zajc, 2003). À l’image de la méthode décrite par Bertaux (1997), l’analyse s’est amorcée dès le recueil des premiers témoignages et s’est développée au fil des récits, et ce, afin de pouvoir adapter graduellement la compréhension et l’interprétation de la problématique à l’étude. Les entrevues ont ensuite été le plus fidèlement possible retranscrites en « verbatim » (mot à mot) (Savoie-Zajc, 2003; McIntosh et Morse, 2015). Certains symboles ont ainsi été utilisés pour marquer les pauses, les hésitations, les émotions (rires, pleurs, etc.) afin d’assurer une fidélité au récit permettant une analyse plus fine par la suite (McIntosh et Morse, 2015). Soulignons qu’il a été choisi d’utiliser une enregistreuse lors des entrevues, et ce, afin de pouvoir mieux interagir avec la personne interrogée sans avoir à prendre des notes constantes et d’obtenir des données plus fiables sur les interactions réalisées (Rapley, 2004).

Les données préparées à l’analyse ont ensuite été triées, afin de procéder à une analyse de contenu (McIntosh et Morse, 2015). La technique concrète de triage des données, qui a suivi, en fut une de codage, technique la plus commune dans les procédures d’analyse (Padgett, 2017) dans laquelle les divers éléments de sens sont retenus, triés et hiérarchisés (Ayache et Dumez, 2011). Les codes retenus pour ce triage ont émergé grâce à une double approche : d’abord, des catégories principales ont directement découlé des thèmes de la recherche et de la littérature (recension des écrits et cadre conceptuel), après quoi des sous-thèmes sont apparus de manière inductive (Ryan et Bernard, 2003). Bien que l’orientation de base du codage souhaite se rattacher aux concepts de la recherche et à la littérature sur le sujet, il a été choisi de restreindre cette influence aux seules catégories générales afin d’éviter certains biais, notamment celui de ne trouver que ce qui est attendu (Ryan et Bernard, 2003; Padgett, 2017). Ainsi, le choix des thèmes codés s’est essentiellement fait de manière inductive, alors que c’est davantage à l’écoute des entrevues et à la relecture des verbatim que ces derniers ont émergé. Les techniques principales utilisées pour faire émerger ceux-ci ont été celles de la recherche de répétitions et de la comparaison des similarités et différences, et ce, vu leur versatilité permettant de les appliquer à n’importe quel type de données et exigeant de faibles ressources ou connaissances techniques (logiciel, etc.) (Ryan et Bernard, 2003). Les sujets se répétant souvent ou amenant des idées contradictoires sont, ainsi, devenus des codes.

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Après la lecture et l’annotation des trois ou quatre premières entrevues, la liste fut constituée, et ce, sans pour autant empêcher l’ajout d’autres catégories si les entrevues subséquentes amenaient des éléments nouveaux à codifier. Comme l’identification des thèmes est un processus ne produisant pas une solution unique vu les nombreuses façons de voir et d’interpréter des données aussi riches (Ryan et Bernard, 2003), un tableau recoupant les thèmes ressortis est disponible en annexe16. Il a été possible de ressortir plus d’une quarantaine de catégories. Bien que les codes n’aient pas tous eu une importance semblable pour l’analyse qui a suivi, il est pertinent de débuter avec le plus de catégories possibles, à restreindre si nécessaire lors des étapes ultérieures, et ce, afin de permettre une analyse fine et complète (Ryan et Bernard, 2003).

Une fois l’identification des thèmes complétés, il a été possible, notamment avec l’aide d’un logiciel d’analyse (QDA Minor Lite), de repérer des répétitions, des similarités, mais également de rester alerte face aux différences et irrégularités entre les réponses des participantes à un même thème (code) (Ryan et Bernard, 2003; Padgett, 2017). Rapley (2004) souligne l’importance de considérer, dans l’analyse des données, non seulement le matériel qu’elles permettent de recueillir, mais également les processus qui les ont précédées, guidées et suivies. Suivant une compréhension constructiviste de l’entrevue comme outils de collecte de données, Rapley (2004) rappelle que le choix des personnes rencontrées et des questions posées, mais également la dynamique interactionnelle des entrevues et son contexte orientent déjà les résultats et le type d’analyse qui en sera fait. Pour lui,

[i]n choosing those specific interviewees and in producing that specific topic guide (that is shaped for that specific interviewee), I am already making some specific analytic choices about what types of people, what voices or identities, are central to the research (and which ones will remain silenced) alongside what sorts of topics of discussion might be important. (Rapley, 2004, p. 26).

Être conscient des influences contextuelles lors des entretiens s’avère donc crucial dans une compréhension plus fidèle des données recueillies et dans une orientation plus juste des résultats exposés, notamment lorsqu’on s’attarde à des sujets aussi fluides et contextuels que l’identité et l’intégration.