• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 2 COMPORTEMENT MECANIQUE ET EVOLUTION MICROSTRUCTURALE DE

D. Identification des mécanismes d’évolution microstructurale

Les mécanisme(s) dynamique(s) d’évolution microstructurale ont été identifiés à partir des échantillons C, forgés à une vitesse de déformation de 10 s1 1. Ce type de prélèvement (centre), se justifie du fait d’une taille de grains supérieure à celle de la périphérie. Ainsi, dans l’hypothèse d’un mécanisme de recristallisation dynamique discontinue, il est plus facile d’observer les grains recristallisés à proximité des grains déformés ou l’apparition d’une recristallisation en collier. Quant à la vitesse de déformation, elle a été sélectionnée de manière à éviter d’avoir un comportement superplastique. La vitesse de déformation de 10 s1 1apparaît donc la meilleure solution.

Pour mener à bien cette étude, des échantillons ont été forgés à différents taux de déformation, les essais correspondent aux points bleus sur la Figure 2.38.

Figure 2.38 : Description des différents prélèvements utilisés pour l’étude des mécanismes de recristallisation à 1100°C

Pour chaque pion obtenu, des observations en Microscopie Electronique en Transmission ont été réalisées, en plus des observations en microscopie optique et des mesures EBSD utilisées jusqu’à présent.

Pour les analyses MET, des lames minces de diamètre 3mm ont été prélevées au centre des échantillons forgés, suivant un plan RZ. Cette zone est identique à celle examinée lors des mesures EBSD, de manière à pouvoir confronter les résultats MET et EBSD. Les conditions de préparation des lames minces sont reportées dans l’Annexe B.

Les résultats MET ont permis de mettre en évidence une évolution microstructurale significative en fonction de la déformation. Il est ainsi possible de distinguer 3 stades différents :

- ε ≤0 25,

- ε ≃0 3,

- ε ≥0 4,

Pour le premier stade (ε ≤0 25, ), la microstructure correspond à un état « déformé » avec une densité de dislocations importante, augmentant progressivement jusqu’à la déformation de 0,25 (Figure 2.39 a). Ceci est accompagné de la création de sous-joints à proximité des anciens joints de grains, dont la fraction augmente avec la déformation (Figure 2.39 b).

Etude pour une température de forgeage de 1100°C

La seconde étape (ε ≃0 3, ) peut être considérée comme un état « intermédiaire », puisqu’il coexiste des grains à l’état déformé (avec une densité de dislocations importante) et des grains recristallisés (densité de dislocations très faible voir nulle). De plus, on remarque la quasi-absence de sous-joints, confortant le fait que la microstructure est à un niveau plus avancé de recristallisation. Enfin le dernier stade (ε ≥0 4, ), qualifié de « recristallisé » présente une fraction de grains recristallisés augmentant au fur et à mesure de la déformation, jusqu’à atteindre une recristallisation complète de la microstructure pour une déformation de 0,6 (Figure

2.40).

Figure 2.40 : Observation MET pour ε= 0, 6: grain exempt de dislocations

Les résultats issus des observations MET sont en accord avec ceux obtenus pour les mesures EBSD (Figure 2.34). L’augmentation de la fraction de faibles désorientations, coïncide avec l’accroissement de la densité de dislocations et la formation de sous-joints. Quant à la diminution de la fraction de faibles désorientations, elle concorde avec l’annihilation des dislocations se produisant lors de la recristallisation.

Les observations MET ne permettent pas de conclure avec certitude sur le mécanisme de recristallisation. En effet, les caractéristiques majeures de chacun des mécanismes continu et

discontinu décrits ci-dessous n’ont pu être observées.

Dans le cas d’un mécanisme de recristallisation dynamique continue, on observe une fragmentation des grains initiaux en sous-grains suivi de l’obtention de petits grains de dimensions similaires aux sous-grains dont ils résultent.

Pour un mécanisme de recristallisation dynamique discontinue, on constate l’apparition de germes (dépourvus de dislocations) menant à une microstructure possédant une taille de grains bimodale. Pour cette dernière, les gros grains correspondent aux grains initiaux généralement nommés « vieux » et les petits grains, aux grains « jeunes » venant de recristalliser. Dans le cas optimal, il est même observé une microstructure en collier comme observé Figure 2.8.

Bien que le mécanisme de recristallisation dynamique de l’Udimet 720 n’ait pu être déterminé avec certitude, l’analyse et la confrontation de plusieurs paramètres décrits ci-dessous permettent de conclure à un mécanisme de recristallisation dynamique discontinue.

-Lors des observations MET, pour une déformation de 0,3, il y a coexistence de grains possédant une forte densité de dislocations et de grains avec une faible densité de dislocations. Ce type de microstructure est généralement significatif d’un mécanisme de recristallisation dynamique discontinue.

-La texture cristallographique est également un indice sur le mécanisme de recristallisation dynamique. Dans le cas de la recristallisation dynamique continue, il est généralement observé une texture « accusée », tandis que pour un mécanisme discontinu, la texture est aléatoire. Ce dernier mécanisme correspond globalement aux matériaux possédant une faible énergie de défaut d’empilement, dans lesquels il existe de nombreuses macles de recuit. Ces dernières de par leur désorientation importante (rotation de 60° autour d’un axe <111>) contribuent fortement au caractère aléatoire de la texture. Dans le cas de l’Udimet 720, on note la présence de macles de recuit Σ3, ainsi que l’absence de texture cristallographique, ce qui conforte l’existence d’un mécanisme de recristallisation dynamique discontinue.

- Enfin un dernier élément permettant de valider le caractère discontinu de la recristallisation dynamique de l’Udimet 720, est l’évolution de la fraction de faibles désorientations. Les travaux de Gourdet et Montheillet [GOU03] ont mis en évidence de manière numérique, que lors de la recristallisation dynamique continue, la fraction de faibles désorientations augmente jusqu’à l’obtention d’un plateau (Figure 2.41).

Figure 2.41 : Evolution de la fraction de faibles désorientations (LAB) au cours de la déformation pour un mécanisme de recristallisation dynamique continue [GOU03]

Dans notre étude, les essais de compression ont été réalisés jusqu’à des taux de déformation de 0,7. Les analyses EBSD effectuées sur ces échantillons (Figure 2.34) ont mis en évidence une augmentation de fLAB jusqu’à une déformation de 0,2, suivie d’une diminution pour les déformations supérieures. Cette évolution est en accord avec un mécanisme de recristallisation dynamique discontinue, puisque dans le cas de recristallisation dynamique continue, f ne fait qu’augmenter quasi-linéairement pour des déformations inférieures ou

Etude pour une température de forgeage de 1100°C

la nature du prélèvement, conjuguée au fait que les microstructures sont similaires, permet de conclure que le régime stationnaire est atteint dès une déformation de 0,6. Ceci confirme la nature discontinue de la recristallisation dynamique, puisque pour la recristallisation dynamique continue, il est nécessaire d’atteindre des déformations beaucoup plus élevées (ε ≃50) pour être à l’état stationnaire.

En conclusion, le mécanisme de recristallisation dynamique de l’Udimet 720 serait de type discontinu, ce qui concorde avec la bibliographie [MON05_II], [LIN00], [BRO00].

Toutefois, l’article de Lindsley et al. [LIN00] traite de l’influence d’une seconde phase sur le mécanisme de recristallisation. Les auteurs expliquent notamment que dans le cas de l’Udimet 720, les précipités γ’ primaires peuvent se comporter comme une barrière au mouvement des joints de grains (ancrage de type Zener). L’espacement entre les précipités γ’ primaires affecte alors la compétition entre les recristallisations dynamiques discontinue et continue. Lors du forgeage, la température étant supérieure à 0,9 Tf, la restauration dynamique (voir la recristallisation dynamique continue) peut se produire rapidement si les joints de grains sont entièrement bloqués par les précipités γ’ primaires.

2. Proposition du mécanisme de recristallisation dynamique

discontinue pour l’Udimet 720

L’ensemble des analyses réalisées (EBSD, MET…) a permis de proposer un mécanisme de recristallisation dynamique discontinue (Figure 2.42 a).

(a) (b)

Figure 2.42: Mécanisme de recristallisation dynamique discontinue classique : (a)création d’un germe et (b) croissance du germe via son interface mobile de forte désorientation.

Nous n’avons jamais observé de germes caractéristiques de ce type de mécanisme et ainsi identifié le mécanisme de germination. Cela est probablement lié au fait que le refroidissement après forgeage est effectué lentement. Ce type de refroidissement a l’avantage de reproduire le procédé industriel et l’inconvénient de ne pas figer la microstructure rapidement après essai, ce qui rend difficile une étude sur les mécanismes de germination.

Notons qu’au laboratoire nous ne sommes pas équipés pour effectuer de manière reproductible un refroidissement rapide (trempe). Il est donc impossible de savoir comment la

microstructure a évolué lors du refroidissement. Cela est d’autant plus important que la microstructure des matériaux présentant un mécanisme de recristallisation dynamique discontinue, peut continuer à évoluer lors du refroidissement, par l’intermédiaire d’un mécanisme de recristallisation métadynamique.

Malgré tout, nous proposons un mécanisme de recristallisation dynamique discontinue, détaillant l’origine de la germination, tout en tenant compte de l’influence de la phase γ’ primaire aux joints de grains. Tout d’abord, bien que ces précipités empêchent la croissance des grains, ils ne bloquent pas totalement le mouvement des joints de grains, sinon la déformation du matériau serait limitée, voir impossible.

Le fait que la taille de grains varie peu au cours du forgeage à 1100°C, peut s’expliquer du fait que le matériau possède une forte mobilité à courte distance (~ l’espace entre précipités aux joints de grains) et une faible mobilité à longue distance. Il est possible qu’un germe se forme à proximité d’un joint de grains exempt localement de précipités et croisse, jusqu’à être bloqué par les précipités rencontrés lors de la croissance (Figure 2.43). La fraction et la localisation de la phase γ’ primaire n’évoluant pas lors du forgeage à 1100°C, la taille de ce nouveau grain est voisine des anciens grains. Ce schéma explique l’évolution microstructurale lors du forgeage, mais n’indique pas le processus de germination.

Figure 2.43 : Schéma du développement de nouveaux grains par recristallisation dynamique discontinue, sans changement de taille de grains.

Les observations de sous-joints au MET, font penser que le processus de germination est de type coalescence et/ou croissance de sous-grains. Ce mécanisme de germination est classique et a largement été observé lors de la recristallisation primaire de nombreux matériaux. Dans le cas de l’Udimet 720, l’article de Porter et al. [POR81] a proposé pour la recristallisation statique, un mécanisme de germination par coalescence/croissance des sous-grains, suivi de la croissance du germe par SIBM (Figure 2.44).

Croissance

Germe Nouveau grain de

Etude pour une température de forgeage de 1100°C

Figure 2.44 : Schéma du mécanisme de germination pour la recristallisation statique de l’Udimet 720 [POR81]: (a) sous-grains de taille déterminée par les précipités γ’ aux joints de

grains, (b) coalescence des sous-grains et (c) croissance du germe de recristallisation via l’interface fortement désorientée par un mécanisme de type SIBM.

Les mécanismes de recristallisation statique et dynamique discontinue opérant tous deux par germination-croissance, il est donc envisageable que les mécanismes de germination soient identiques.

Cependant, certains sous-grains observés lors des analyses MET, sont de dimensions trop élevées pour correspondre à des germes, et possèdent une densité de dislocations non nulle. Le fait que ces sous-grains n’aient pas pu jouer le rôle de germe et croître vers le grain voisin, peut s’expliquer par la présence de précipités primaires aux joints de grains. Les précipités empêchent la mobilité du joint à forte désorientation et donc la croissance du germe (Figure 2.45). Le sous-grain va donc grossir au sein du sous-grain parent.

Figure 2.45: Précipités γ’ primaires aux joints de grains, empêchant la croissance du germe vers le grain voisin

Pour conclure, afin de valider notre hypothèse sur le mécanisme de germination, de plus amples observations au MET sur des échantillons faiblement déformés puis trempés (pour figer la microstructure) seraient nécessaires.

3. Les mécanismes complémentaires

Dans le cadre de l’étude de l’évolution microstructurale lors du forgeage à 1100°C, deux particularités microstructurales ont attiré notre attention lors des mesures EBSD.

- La première visible sur la Figure 2.46 a, correspond à un alignement de précipités γ’ intergranulaires, répété périodiquement entre les grains.

(a) (b)

Figure 2.46 : (a) Alignement de précipités γ’ intergranulaires et (b) mécanisme de dissolution-précipitation

D’après les diverses discussions avec Aubert & Duval, ce phénomène serait lié à un manque de corroyage et correspondrait à des reliquats de ségrégation issus de l’élaboration. Cependant, malgré les nombreuses étapes d’étirage et de refoulement effectuées par Aubert & Duval et les forgeages effectués sur les pions dans l’étude, il est encore possible d’observer ce type de microstructure dans certaines régions. Ceci pourrait signifier que le manque de corroyage n’est pas la seule explication quant à l’origine de ces alignements de précipités.

Ce type de microstructure suggère un mécanisme de dissolution-précipitation. Pour une température proche du γ’ solvus, les précipités γ’ primaires repassent en solution, ce qui permet la migration du joint de grains. En se déplaçant, ce dernier s’enrichit localement en soluté et lorsqu’une concentration critique est atteinte, il y a précipitation (Figure 2.46 b).

- La seconde particularité visible sur la Figure 2.47 a met en évidence une zone à gros grains, vierge de précipités γ’, entourée de zones à petits grains possédant une forte densité de phase γ’ primaire. Ce type de microstructure a déjà été observé dans de nombreux matériaux, tel que du cuivre contenant des particules de SiO2 [ASH67] (Figure 2.47 b). Le mécanisme évoqué pour expliquer cette particularité microstructurale est celui du drainage de particules. Lors de la migration d’un joint de grains, les précipités sont drainés par ce dernier, jusqu’à ce que le nombre de particules devienne trop important et que la force exercée par les précipités bloque le joint de grains (Figure 2.48). Le joint de grains est alors ancré.

Bandes

intergranulaires Z

Etude pour une température de forgeage de 1100°C

Figure 2.47 : microstructure présentant des zones de précipitation dense, séparée par une région à gros grains exempte de précipités γ’ (b) illustration du drainage de particules d’après

Ashby [ASH67]

Figure 2.48 : mécanisme de drainage de particules

Etant donné la complexité de la microstructure de l’Udimet 720, combinée au nombre important de mécanismes intervenant lors du forgeage (recristallisation, dissolution-précipitation, diffusion…), il serait nécessaire de réaliser des analyses complémentaires pour conforter les hypothèses émises concernant les deux particularités microstructurales.

E. Etude du comportement superplastique pour les faibles vitesses de