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Identification de MDM2 comme régulateur positif de l'infection

Chapitre 5: Discussion

5.2. Identification de MDM2 comme régulateur positif de l'infection

La protéine MDM2 (MDM2 proto-oncogene) est la dernière protéine régulatrice identifiée dans ce criblage et est celle où nous avons le plus dirigé notre attention. Cette protéine est une E3-ubiquitin ligase et l'un des régulateurs les plus importants de la protéine p53. MDM2 ubiquitine p53, l'envoyant vers sa dégradation par le protéasome. Le rôle de p53 est d'arrêter le cycle cellulaire en réponse aux dommages à l'ADN et d'induire leur réparation ou encore de débuter l'apoptose si la réparation est impossible. La protéine p53 induit aussi l'expression du gène MDM2, montrant une boucle de régulation négative pour assurer une expression adéquate de p53 sans l'arrêt du cycle cellulaire inutile. MDM2 peut aussi s'auto- ubiquitiner pour aider ce contrôle. MDM2 est retrouvée dans le cytoplasme et contient aussi une séquence de localisation nucléaire [174]. Cette protéine semble importante dans l'infection par le VIH-1, car les MDMs infectés surexpriment ce gène (Figure 13).

Suite à l'interférence des ARNm de MDM2, nous avons observé une diminution de moitié du signal d'infection pour la première séquence de siRNA, autant à 3 qu'à 6 jours post- infection, avec le virus GFP ainsi que le virus F-Luc. Le deuxième siRNA mène à une diminution un peu moindre aux deux temps d'infection, mais seulement pour le virus GFP et sans effet pour le virus F-Luc (Figure 12). La présence de MDM2 améliore donc l'infectivité du virus et le siRNA #1 semble plus efficace pour diminuer l'expression de MDM2. Cette modulation a pu être constatée aussi en cytométrie de flux en utilisant le virus codant pour le gène rapporteur HSA (Figure 14) où la diminution du pourcentage de cellules infectées, mais de manière moins importante que les deux autres modèles viraux. La viabilité des cellules a aussi été vérifiée par cytométrie de flux après 3 jours de

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transfection suivis de 3 jours d'infection et il n'y a pas de mort cellulaire suivant le traitement (Figure 15). La baisse d'infection remarquée est donc bien causée par un effet de la transfection des siMDM2 et non par une mort des cellules transfectées, ce qui aurait diminué l'intensité de fluorescence lors du criblage.

MDM2 a déjà été étudiée dans l'infection au VIH-1. Une équipe a montré que MDM2 peut interagir avec la protéine virale Vif pour l'ubiquitiner et mener à sa dégradation chez les MDMs, ce qui a pour impact de rétablir la présence du facteur de restriction APOBEC3G [175]. Ceci a pour effet de réguler négativement l'infection. Cependant, cette équipe a aussi utilisé un siRNA dirigé contre MDM2 chez les MDMs, mais leur cinétique de production virale diffère grandement de la nôtre (Figure 18). Alors que nous avons une production virale toujours plus faible que le siRNA contrôle, eux obtiennent une production de p24 plus forte que le contrôle à certains temps et plus faible à d'autres. Les résultats contradictoires peuvent provenir de la technique de transfection différente ou encore de la souche virale utilisée, également différente.

Une autre étude montre que MDM2 polyubiquitine la protéine virale Tat en utilisant les résidus lysine 63 (K63) des molécules d'ubiquitine. Cependant, au lieu de mener à sa dégradation par le protéasome, l'utilisation des K63 stimule plutôt l'activité de Tat, augmentant ainsi la transcription des gènes viraux [176]. Cette étude a été menée chez des lignées cellulaires et pourrait représenter ce que nous voyons chez les MDMs. Par contre, nos résultats semblent plutôt indiquer un rôle indirect de la protéine MDM2 dans la régulation du VIH-1 et non une interaction directe avec l'une des protéines virales. En vérifiant le niveau d'expression du gène suite à la transfection, nous avons remarqué que le niveau d'ARNm était pratiquement rétabli au moment de l'infection des macrophages, correspondant à 72h post-transfection (Figure 16). Le knock-down du gène est à son maximum après 24h de transfection du siRNA contre MDM2. Le même effet a été constaté au niveau des protéines, où il y a une diminution de la quantité de protéines suivant 24h de transfection et l'expression est pratiquement rétablie à 72h (Figure 17). Le siMDM2 #1, celui diminuant le plus le taux d'infection des MDMs, est d'ailleurs celui qui inhibe le plus efficacement l'expression de la protéine, permettant de voir l'importance de MDM2 pour l'établissement de l'infection.

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La modulation que nous avons notée lors du criblage serait donc causée par un effet indirect du knock-down, signifiant que MDM2 régule une protéine jouant un rôle majeur dans l'infection. Cet effet a été vérifié au niveau de la production virale en comparant l'infection suite à 24 ou 72h de transfection chez un même donneur (Figure 18). La quantité de p24 produite est sensiblement la même, peu importe le temps de transfection du siRNA. La mesure de l'activité métabolique nous permet d’assumer que la différence notable de production virale sur une période de 12 jours n'est pas causée par une mort cellulaire. Cependant, la diminution de production virale dans le temps est peut-être causée seulement par le faible taux d'infection de base suite à la transfection du siRNA. Une faible proportion de cellules infectées résulte en une production virale plus faible dès le départ, ce qui aura nécessairement un impact sur la réinfection des MDMs au cours des 12 jours de récoltes. La même expérience pourrait être répétée cette fois avec l'ajout d'un inhibiteur de la RT suite à l'infection pour prévenir la réinfection de nouvelles cellules dans tous les puits, nous permettant de mieux voir la production virale par les cellules infectées lors de l'absence de la protéine étudiée seulement.

L'interférence par ARN du gène MDM2 induirait une résistance persistante à l'infection qui devra être étudiée plus profondément. MDM2 interagit avec plusieurs protéines dont l'une pourrait être celle responsable de la résistance accrue à l'infection. Deux voies possibles sont envisagées: la voie p53-dépendante et p53-indépendante.

5.2.2. Régulation induite par la voie p53-dépendante

L'une des causes de la restriction causée par le siMDM2 pourrait être l'accumulation de p53, l'un des liens directs de l'inhibition de l'activité de MDM2. Lorsque p53 est actif, cette protéine induit l'expression de plusieurs gènes, dont celui de p21 (CDKN1A). La protéine p21 est connue pour restreindre l'infection par le VIH-1 chez les macrophages. En temps normal, le facteur de transcription E2F1 induit l'expression de RNR2, une protéine s'associant avec RNR1 pour former le complexe RNR, dont le rôle est de synthétiser des dNTPs à partir de NTPs. Lorsque p21 est exprimée, cette protéine inhibe l'expression de E2F1, menant à un arrêt de synthèse de dNTPs et à une restriction de la rétrotranscription de l'ARN viral [177]. Cette inhibition de l'infection est indépendante de la restriction

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médiée par SAMHD1 [178]. En diminuant le niveau de MDM2 chez les macrophages, nous induisons probablement une hausse en p53, menant à l'expression de p21 et la restriction médiée par celui-ci. Le niveau de p53 et p21 a été analysé par immunobuvardage sur les mêmes échantillons testés pour MDM2 (Figure 14) pour vérifier cette théorie, mais il ne semblait pas y avoir de changement selon la présence ou non de MDM2 (données non présentées). Les membranes avaient cependant un bruit de fond rendant l'analyse difficile et le protocole devra être optimisé. L'immunobuvardage a aussi été fait sur des protéines provenant de macrophages non infectés. Il se pourrait que l'infection ou encore l'exposition au virus induise une modulation dans les niveaux de protéines de la chaîne menant à la restriction par p21 que nous ne verrons pas chez les MDMs non infectés. Nous avons d'ailleurs vérifié l'expression de SAMHD1 par immunobuvardage suite à la transfection du siRNA dirigé contre MDM2 pour vérifier si le knock-down induisait une surexpression de SAMHD1 pouvant causer la résistance à l'infection. Son niveau est le même que les cellules transfectées avec le siRNA contrôle données non présentées) et écarte donc cette hypothèse, mais devra aussi être vérifié chez des macrophages transfectés et exposés au virus. Bien que la restriction causée par p21 semble une bonne explication à nos résultats, nos résultats avec MDM2 semblent se diriger vers une autre voie de signalisation.

5.2.3. Régulation induite par la voie p53-indépendante

MDM2 peut aussi réguler positivement l'infection en interagissant avec un autre sentier indépendant de p53: la réparation de cassures double brins. Deux sentiers peuvent être utilisés pour la réparation, soit celui de la recombinaison homologue ou par la jonction d'extrémités non homologues de l'ADN (Non-homologous end joining, NHEJ) [179]. La protéine virale Vpr induit des cassures double brins dans l'ADN de la cellule hôte et le génome viral serait en mesure de s'intégrer dans ces cassures sans avoir recours à l'intégrase [162, 180]. Le virus utiliserait la machinerie de réparation cellulaire pour joindre l'ADN viral à celui de la cellule, plus précisément le complexe MRN. Ce complexe, formé des protéines Mre11, Rad50 et Nbs1, est recruté aux cassures double brin afin de les réparer. MDM2 a été rapporté comme un régulateur de ce complexe. MDM2 peut se lier directement à Nbs1 et retarde la réparation de la cassure [181]. Nos résultats montrent que

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MDM2 est un régulateur positif de l'infection. Cependant, si nous inhibons MDM2, le complexe MRN devrait réparer et stabiliser l'intégration plus rapidement, mais nous obtenons plutôt une diminution de l'infection. Une étude montre d'ailleurs que la présence de Nbs1 ou de Mre11 n'influence pas l'infection chez diverses lignées cellulaires [182]. Les trois protéines du complexe MRN n'ont cependant pas été co-exprimées et l'étude n'a pas été menée dans des cellules primaires. Il est aussi possible que le VIH-1 utilise MDM2 pour inhiber l'action du complexe MRN afin d'éviter l'autre sentier de réparation de l'ADN: la recombinaison homologue. Si la cellule détecte les cassures double brins et active ce sentier, la recombinaison homologue va effacer le provirus, étant donné qu'il n'est présent que sur l'un des chromosomes. Ceci expliquerait pourquoi nous voyons une diminution de l'infection avec le siMDM2, car la recombinaison homologue serait favorisée. Le rôle de MDM2, Mre11, Rad50 et Nbs1 dans l'intégration de l'ADN viral devra être étudié plus en profondeur chez les MDMs.

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