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Identification de facteurs de régulation potentiel du VIH-1

Chapitre 5: Discussion

5.1. Identification de facteurs de régulation potentiel du VIH-1

Le criblage de petits ARN interférents nous a permis d'identifier plusieurs sentiers signalétiques pouvant jouer un rôle dans l'établissement de l'infection par le VIH-1 chez le macrophage humain. Certaines des protéines étant ressorties du lot sont déjà connues pour réguler l'infection par le VIH-1. Ces protéines sont ADAR1, APOBEC3B, ATM, MDM2 et OAS1. Par contre, elles sont peu étudiées dans l'environnement cellulaire du macrophage. Nous n'avons pas porté beaucoup attention à ces protéines, à l'exception de MDM2.

Tout comme nos résultats, le rôle d'ADAR1 est contradictoire dans la littérature. Le premier siRNA dirigé contre ADAR1 a inhibé l'infection tandis que le deuxième l'a augmentée. Bien que la technique de l'interférence par ARN soit spécifique, il est quand même possible qu'un siRNA puisse aussi reconnaître non spécifiquement d'autres séquences d'ARNm, que ce soit d'un autre membre de la famille des ADAR ou un tout autre gène. C'est peut-être ce qui se produit avec l'une des séquences utilisées, menant à des résultats contradictoires. Chez les ly T CD4+, ADAR1 facilite la réplication virale. Des ly T

CD4+ déficients dans le gène ADAR1 montre un blocage dans la traduction des ARNm

viraux [153]. ADAR1 est aussi incorporé dans les virions produits par les lyT CD4+ [154].

Dans les macrophages, c'est plutôt une restriction qui est induite par cette protéine via une interférence au niveau post-transcriptionnel [155]. ADAR1 est donc un bon exemple pour illustrer l'importance d'étudier une protéine dans divers types cellulaires. Cette différence peut s'expliquer par le fait que le gène ADAR1 peut être induit en réponse à l'interféron-γ chez les MDMs, mais pas chez les ly T CD4+ [155]. L'activité d'induction d’hypermutations

dans l'ARN viral ne se produit peut-être qu'en présence de protéines induites par la réponse interféron.

APOBEC3B (A3B), membre de la famille des protéines APOBEC, est un régulateur négatif de l'infection. L'un des siRNAs dirigés contre ce gène a levé une restriction et augmenté l'infection de moitié, autant après 3 qu'à 6 jours d'infection. Ces résultats vont dans le même sens que ce qui a été rapporté dans la littérature. En effet, comme APOBEC3G, A3B montre une activité antivirale dans les macrophages humains. Dans les études chez les modèles primates non humains, A3B montre aussi une activité antivirale contre le VIS

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[156]. La protéine Vif codée par le VIS mène aussi à la dégradation d'A3B, tout comme celle du VIH-1 avec APOBEC3G [157]. Par contre, les études chez les lignées cellulaires humaines montrent des résultats contradictoires sur l'importance de la restriction médiée par A3B [158, 159]. Finalement, des études avec des cellules provenant de donneurs portant des mutations dans le gène APOBEC3B montrent que ces personnes ne sont pas plus à risques d'être infectées avec le VIH-1 et que cette protéine jouerait un rôle mineur dans la défense antivirale [160, 161]. Nos résultats sont préliminaires et nous devons prendre en compte que les séquences sont très conservées entre les divers membres de la famille APOBEC. Nous devons donc prouver que notre siRNA ne diminuait que le niveau d'A3B et que la modulation de l'infection n'est pas le résultat d'une réaction croisée avec une autre protéine APOBEC.

La protéine ATM (ataxia telangiectasia-mutated) montre une restriction virale chez le macrophage. Lorsque son expression est inhibée, l'infection augmente de moitié, et ce pour les 2 séquences de siRNA utilisées. Cependant, ces résultats viennent à l'encontre des études publiées. ATM est une protéine kinase recrutée au site de dommages à l'ADN double brin (DSB, Double Strand Break) et entraînera l'arrêt du cycle cellulaire pour recruter les complexes de réparation de l'ADN. Le VIH-1 est connu pour induire ces bris dans l'ADN par l'action de la protéine virale Vpr [162]. Ces bris auraient un rôle à jouer dans l'intégration du génome viral dans celui de la cellule hôte et la protéine kinase ATM stabiliserait la transduction pour permettre une intégration efficace [163, 164]. Une molécule inhibitrice d'ATM induit aussi une résistance à l'infection, signifiant qu'ATM est un régulateur positif de l'infection, tandis que nos résultats montrent l'inverse [165]. Cependant, ces études ont été faites dans des cellules autres que les MDMs et ces derniers sont des cellules ne se divisant pas, contrairement aux lignées cellulaires. L'absence de divisions cellulaires fait peut-être en sorte qu'ATM induit un autre sentier signalétique, menant à la restriction virale.

La protéine OAS1 (2'-5'-Oligoadenylate Synthetase 1) est aussi connue pour réguler le VIH-1. Les membres de la famille des protéines OAS synthétisent des composés activant les RNase L, des endoribonucléases dégradant les ARNs cellulaires et viraux. Cette protéine a été étudiée chez les cellules myéloïdes et est exprimée en réponse à l'interféron. Par exemple, chez les monocytes isolés de patients ayant une haute charge virale, une étude

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montre une surexpression des gènes de la famille OAS [166]. Chez les macrophages, l'IFN- λ3 diminue la réplication virale en induisant l'expression d'OAS1 [167]. Ces résultats vont dans le même sens des nôtres, où l'un de nos siRNA (siOAS#2) a augmenté l'infection de moitié à un temps court d'infection. Cependant, l'autre ARN interférent (siOAS#1) a diminué de moitié l'infection. Le niveau protéique d'OAS1 suite à la transfection des siRNA devra être mesuré pour vérifier si les deux modulations contradictoires auraient un lien avec l'efficacité du siRNA.

Bien que les 4 protéines discutées précédemment ne sont pas nouvelles dans le contexte de l'infection au VIH-1, elles nous ont permis de démontrer que notre criblage pouvait reproduire certains résultats, tout en nous en apprenant un peu plus sur le rôle de ces protéines dans la régulation virale chez le macrophage primaire. D'autres études plus poussées devront être faites pour assurer la véracité de nos résultats, mais le projet s'est plutôt dirigé vers des protéines que nous trouvions plus intéressantes à étudier, soit par leur rôle dans la cellule ou par l'absence d'études dans le contexte du VIH-1.

La première de ces protéines est FABP9 (Fatty Acid Binding Protein 9). La famille des FABP est impliquée dans le métabolisme des lipides et interagit aussi avec eux pour le transport [168]. FABP9, quant à elle, est peu étudiée, mais elle est connue pour jouer un rôle dans l'immunité innée des invertébrés [169]. Nos résultats ont montré que chez les macrophages humains, FABP9 restreint l'infection par le VIH-1. Les 2 siRNAs utilisés ont augmenté l'infection d'au moins de moitié chez les MDMs. L'enveloppe virale étant composée d'une bicouche lipidique provenant de l'hôte, cette protéine cytosolique pourrait interagir avec le virion lors du bourgeonnement, empêchant la sortie du virus ou troublant l'assemblage des protéines virales à la membrane cellulaire. Il est aussi possible que le virus nécessite un composé provenant du métabolisme des acides gras pour compléter l'une des étapes du cycle viral. Malheureusement, nous n'avons pas réussi à montrer l'efficacité de nos ARNs interférents sur ce gène sur la quantité d'ARNm. Nous devrons donc nous assurer que le niveau de protéines diminue bel et bien avant de poursuivre les études. La deuxième protéine, la Gamma-Glutamyl Hydrolase (GGH), montre aussi une restriction de l'infection. Cette enzyme travaille de concert avec la FPGS (folylpolyglutamate synthase) pour assurer un niveau adéquat de THF-polyglutamate. La FPGS ajoute des

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glutamates au THF (5,6,7,8-Tetrahydrofolate) pour former le THF-polyglutamate tandis que GGH les retire. Nos résultats montrent qu'en diminuant le niveau de GGH chez les macrophages, les cellules sont plus sujettes à l'infection (signal 1.5 fois plus élevé chez les cellules transfectées avec le siGGH). L'efficacité des siRNAs sur le niveau d'ARNm a été montrée et devra être confirmée sur les protéines. Un niveau de glutamate élevé est aussi retrouvé dans le liquide cérébro-spinal et le plasma de patients atteints de maladies neurologiques associées au SIDA [170]. Une autre équipe a montré que le niveau de glutamate intracellulaire chez des macrophages infectés diminue tandis que celui extracellulaire augmente, phénomène causé par la protéine virale Vpr [171]. Ces résultats vont dans le même sens que les nôtres. En inhibant l'action de GGH, l'enzyme FPGS utiliserait le glutamate et pourrait causer une diminution du niveau intracellulaire de cette molécule menant à la hausse d'infection productive. Le niveau de glutamate devra être mesuré suite à la transfection pour s'assurer que la diminution de l'expression de GGH a bel et bien un impact notable. Si c'est le cas, nos résultats, ainsi que ceux décrits précédemment, pourraient montrer un certain rôle du glutamate dans la restriction virale chez les macrophages. GGH n'a d'ailleurs jamais été décrit comme étant une protéine régulatrice du VIH-1.

La Lysyl Oxidase Like 3 (LOXL3) est la troisième protéine identifiée comme étant un régulateur négatif de l'infection et n'est pas connue pour interagir avec le VIH-1. La famille des LOX est composée de 5 membres, la Lysyl Oxydase (LOX) et de 4 Lysyl Oxidase Like (LOXL1 à LOXL4). Étudiée principalement en oncologie, la famille LOX est connue pour catalyser les réactions de réticulations (cross-linking) entre les polymères de collagènes dans l'espace extracellulaire [172]. Ces protéines sont localisées soit dans le noyau ou dans l'espace extracellulaire [173]. Des analyses d'immunofluorescence sur nos MDMs ont montré que LOXL3 est bien situé dans le noyau (données non présentées). En diminuant l'expression de LOXL3 avant l'infection, nous avons observé le double d'intensité de fluorescence pour le premier ARN interférent et une hausse variable dépendamment du temps d'infection pour le deuxième siRNA. LOXL3 semble donc être un régulateur négatif du VIH-1. Cette protéine n'est d'ailleurs pas connue pour jouer un rôle dans l'établissement de l'infection. En prenant en compte sa localisation cellulaire, il est probable que LOXL3 agisse au niveau de l'intégration ou l'expression des gènes viraux ou encore qu'il interagisse

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avec le virus avant son attachement à la cellule. En oxydant les résidus Lys des protéines virales, LOXL3 affecte peut-être la stabilité de celle-ci, rendant la production de nouveaux virions moins efficace. Il faudra déterminer précisément quelle étape du cycle viral est affectée par ce facteur de restriction potentiel avec des tests d'intégration, d'activité de transcriptase inverse ou encore de production de nouveaux virions avec ou sans la présence de LOXL3.

5.2. Identification de MDM2 comme régulateur positif de l'infection