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Chapitre  5   Analyse  macro  :  description  et  analyse  des  relations  entre  les  facteurs

5.1   Identification  et  analyse  des  facteurs  structurants  dans  le  dispositif  eTandem

théorie de l’activité

La théorie de l'activité (AT), développée par Engeström (1987) en suivant le « concept of tool mediation » de Vygotsky (1934,1985) et la notion d’activité de Leontiev (1978), est un courant des sciences humaines qui comprend et analyse l’activité humaine comme « un système cohérent de processus mentaux internes, d’un comportement externe et de processus motivationnel qui sont combinés et dirigés pour réaliser des buts conscients » (Bourguin, 2000 : 7). La AT est non seulement un cadre théorique philosophique et interdisciplinaire pour analyser les pratiques humaines en tant que processus développementaux dans lesquels interagissent en même temps les niveaux individuel et social (Kuutti, 1996), mais aussi un outil descriptif pour comprendre l’échange en télécollaboration en tant que système d’activités complexe créé par les interactions des individus, leur environnement social et les artefacts de médiation (Antoniadou, 2011).

Le « activity triangle model » proposé par Engeström incorpore les éléments nécessaires à un système d'activités humaines qui contient des personnes qui s’engagent dans ces activités

comme « Subjet », « Objects » et « Community » et les médiateurs de ces activités, notamment « Tools », « Rules » et « Division of Labour » (figure 14, Engeström, 1987).

Figure  14.  The  Triangle  Model  (adapté  de  «  The  structure  of  Human  Activity  d’Engeström,  1987  :  Figure  2.6)  

Dans un système d’activités tourné vers l’apprentissage, les éléments de son modèle peuvent être définis brièvement comme suit :

•   Sujet : l’individu ou groupe à analyser, par exemple, les apprenants,

•   Objet : un objectif d’apprentissage à atteindre ou une tâche à réaliser, par exemple, développer la prise de conscience,

•   Outil : les outils matériels ou symboliques qui médiatisent l’activité, par exemple, Internet, logiciels,

•   Communauté : ensemble des sujets qui partagent le même objet, par exemple, l’équipe pédagogique,

•   Division du travail : la répartition des actions entre les sujets et les membres de la communauté, la hiérarchie des pouvoirs et les statuts qui lient les acteurs entre eux,

•   Règles : les normes, conventions, habitudes implicites et explicites qui maintiennent et régulent les actions et les interactions, par exemple, l’évaluation.

« Cette représentation schématique compte dès lors sept pôles : le sujet dont les relations à la communauté sont médiatisées par des règles et par la division du travail, ainsi qu’un objet ou but vers lequel il tend et qu’il réalise au moyen d’outils spécifiques. Le septième pôle concerne le résultat de l’activité observée. Pour bien comprendre la dynamique du système, il s’agit de définir chaque pôle et ensuite d'y analyser les interactions » (Beauné, 2010 http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article77 ).

Engeström souligne que les systèmes d'activité ne sont pas statiques, mais subissent un développement constant dans le temps (Engestrӧm, 1987; 2001) : « Contradictions are not the same as problems or conflicts. Contradictions are historically accumulating structural tensions within and between activity systems. […] Such contradictions generate disturbances and conflicts, but also innovative attempts to change the activity » (2001: 137). Ainsi, une

compréhension de ces tensions dans leur dimension longitudinale et transformatrice est importante.

Françoise Blin ajoute aussi l’intérêt de regarder, comprendre et analyser ces contradictions pour améliorer la conception curriculaire :

« The analysis of contradictions emerging in a variety of CMCL contexts (i.e. activity system) will enable researchers and designers to better understand the complexity and dynamic nature of their mediational structure, and will thus provide directions to enhance the design of the curriculum, both visibleand hidden » (Blin, 2013: 99-100).

D’après nous, le dispositif eTandem chinois-français peut être considéré comme un système relevant des activités humaines (figure 15), dotés de tous les éléments nécessaires, dynamiques et évolutifs (Blin, 2013). Nous identifions et définissons les sept pôles à partir du contexte et de notre point de vue :

•   Sujets : l’apprenant individuel de CLE et de FLE, le binôme et le groupe d’apprenants local,

•   Objet : les objectifs à atteindre qui incluent le développement des compétences communicatives en L2, la prise de conscience interculturelle et l’autonomie de l’apprenant,

•   Outils : les outils contiennent la plateforme LMS et le logiciel de visioconférence, les ressources en ligne, les outils langagiers (le français et le chinois),

•   Communauté : les apprenants qui travaillent en tandem, les équipes pédagogiques qui viennent des différents établissements, la coordinatrice et la tutrice (l’auteure) et l’équipe technique,

•   Division du travail : les binômes travaillent pour accomplir les tâches demandées, l’équipe pédagogique collabore pour décider des tâches et procéder à leur évaluation, la coordinatrice/tutrice assure la collaboration au sein de l’équipe pédagogique et facilite la communication entre les apprenants, l’équipe technique maintient la plateforme et fournit le support technique,

•   Règles : il s'agit des exigences institutionnelles, des règles d’évaluation et d’organisation de chaque établissement et de leurs cultures éducatives respectives.

   

Figure  15.  Le  système  des  activités  du  dispositif  eTandem  chinois-­français  (d’après  le  modèle  d’Engeström,  1987)  

Nous avons constaté que ce système des activités offre aussi une plateforme à la rencontre de cultures différentes, la culture chinoise et la culture francophone, plateforme révélatrice des collisions ou des contradictions interculturelles. Cependant, ce module ne permet pas de les rendre visibles et identifiables. Il est donc nécessaire d’analyser la dimension interculturelle dans un autre chapitre.

Pour localiser et analyser les contradictions, nous appliquons la méthodologie « Activity Notation » de Mwanza (2001) et nous décomposons le système en triangles de sous-activité (« sub-activity triangle ») (tableau 16, figure 16).

Apprenants  (seul,  en  

Tableau  16.  Décomposition  du  système  des  activités  (adapté  de  Mwanza,  2001)  

Nous essayons de répertorier les contradictions du point de vue des apprenants et du point de vue de la communauté en leur posant les deux questions suivantes :

•   Comment outils, règles (ici institution) et division du travail influencent-ils la manière avec laquelle les apprenants travaillent pour atteindre les objectifs ? (à gauche)

     Règles  (institution)  

travailler  en  binôme  pour  finir  les  tâches

collaborer  pour  décider  des  tâches  et  

•   Comment outils, règles (ici institution) et division du travail influencent-ils la façon de faire de la communauté pour aider les apprenants à atteindre les objectifs fixés ? (à droite)

Figure  16.  Décomposition  du  système  des  activités  du  dispositif  eTandem  (inspiré  de  Mwanza,  2011)    

Comme indiqué dans la partie précédente, les quatre phases (apprenant, enseignant, institution et curriculum) méritent réflexion car elles constituent les éléments essentiels nécessaires à l’intégration curriculaire du dispositif eTandem. Nous essayons d'analyser les contradictions entre ces deux questions en nous appuyant sur les quatre phases précitées. De plus, nous intégrons un paramètre d’« interculturalité » dans le but d’analyser ces contradictions du point de vue culturel, ce que nous jugeons pertinent pour approfondir la compréhension de celles-ci ; une analyse complémentaire sera effectuée au chapitre 6.

Les données récoltées pendant ces cinq cycles - les questionnaires, les enregistrements Moodle, les entretiens, la transcription des vidéos sur les échanges, les résultats du test oral, l’évaluation officielle du cours, les billets (posts en anglais) dans les forums, etc. - nous permettent d’effectuer cette analyse.

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