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i Des données partielles produites à l’échelon local

Au démarrage de la rédaction du plan de gestion, les niveaux de connaissance sur les différents impacts étaient répartis de manière très inégale, le niveau de mortalité anthropique des anguilles n’étant pas connu pour une partie d’entre eux. Les spécialistes du GRISAM ne possèdent d'estimations que pour la pêche professionnelle légale. Les pêches amateurs aux engins, les pêches aux lignes étaient peu renseignées, hormis dans le bassin de la Loire. L’existence de données diffère aussi selon les bassins, certains étant plus renseignés que d’autres. De même, il n’existait quasiment aucune donnée sur les impacts des ouvrages à la montaison et à la dévalaison. Les experts du GRISAM ont cependant produit une estimation pour le plan de gestion et évalué que les sources de mortalité autres que la pêche légale représentaient 50% de la mortalité naturelle. Cet expert nous raconta lors d’une discussion informelle que cette estimation aurait été faite « au doigt mouillé ».

Les connaissances varient selon les stades de l’anguille, et proviennent de sources différentes. Il s’agit soit de données commerciales, en provenance des données de pêche, soit de données techniques issues de pêches électriques réalisées par les organismes de gestion.

Malgré leur caractère partiel, les données existantes permettent d’établir un état des lieux de l’évolution du recrutement en civelles. Comme le précise le PGA (p 17), ces données sont pour une grande part issues des données de captures commerciales d’anguilles : « capture de pêcherie commerciale ; capture par unité d’effort – CPUE – de pêcherie commerciale et de recrutement total ». Comme il est remarqué dans le PGA : « toutes les séries convergent, à l’image des analyses menées à l’échelle européenne, pour indiquer un niveau stable de 1960 à 1980, puis une chute importante et continue jusqu’à nos jours, d’environ 8% par an. Le niveau moyen de recrutement des 5 dernières années (2004 à 2008) est à seulement 8% de celui des années 1970

(PGAN). Les données sont disponibles de manière disparate selon les bassins. Les estimations ont été réalisées à partir des estuaires de la façade atlantique, dans la mesure où il n’existe pas de séries de données aussi longues sur les façades Manche et Méditerranée.

La situation est différente pour les anguilles jaunes. Les données produites proviennent d’un réseau de surveillance des populations piscicoles (réseau hydrobiologique et piscicole), RHP, comprenant environ 700 stations, qui sont pêchées annuellement depuis 1995 (PGAN). Les pêches réalisées dans le cadre de la DCE (Réseau de contrôle de surveillance – RCS), sur 1500 stations, sont intégrées à cette base de données. Ces données constituent la base de données BDMAP gérée par l’ONEMA.

Comme pour la civelle, il n’existe pas de suivi national de dévalaison de l’anguille argentée. Seules deux séries existent en France, l’une sur le Frémur (un suivi scientifique 1996-2007), l’autre sur la Loire (un suivi commercial 1987-2007). Ces deux séries, selon le plan de gestion, n’expriment pas de tendance claire.

Les données disponibles sur la civelle et l’anguille jaune permettent de confirmer le diagnostic européen d’un stock en diminution. La diminution du stock en place est estimée à 3,4% par an depuis 1983 dans les stations les plus favorables.

Une partie des connaissances produites sur l’anguille au niveau européen et au niveau national sont issues des données produites localement. Les experts du GRISAM s’interrogent d’une part sur la qualité des données produites, d’autre part sur leur traitement et leur analyse. « Comment seront récoltées, traitées, analysées, validées et diffusées les données de captures d’anguilles, essentielles pour ce plan ? Car actuellement il semble que ces données soient très peu accessibles et d’une qualité souvent remise en cause localement par les différents acteurs. » (avis GRISAM, p 14). Ce représentant du ministère constate une difficulté à centraliser les données sur la pêche au niveau national. Selon lui, le protocole existant mérite d’être amélioré. Pourtant, il est essentiel pour le niveau national de disposer d’une manière jugée cohérente de la connaissance produite dans les bassins. La centralisation des données au niveau national constitue un enjeu, mais qui peut être contrecarré par le souhait des bassins de disposer des données pour eux- mêmes. Nous avons vu dans quelle mesure la centralisation de déclaration des données de pêche de civelles contrariait les représentants locaux des pêcheurs, qui ont cherché à mettre en point un système afin de pouvoir disposer eux aussi des données déclarées.

Produites au niveau du bassin, c’est à ce niveau que les connaissances doivent être organisées, mais pour ce représentant du ministère, « il y a besoin d’avoir un vrai pilotage de bassin. La

remontée des données n’est pas structurée et la descente apparaît autoritaire. Le plus compliqué, c’est la gestion des réseaux. Les COGEPOMI ont leur autonomie. Chaque bassin fait un peu comme il l’entend ». Il exprime le souhait d’avoir de la remontée de données, mais selon lui, les bassins ne sont pas « avides d’être cadrés ».

Une autre difficulté à la compilation des données réside dans le fait qu’elles sont gérées par deux organismes différents, l’un pour les pêcheurs fluviaux, l’autre pour les marins pêcheurs. Malgré les mesures prises dans le cadre du plan de gestion pour améliorer la compilation et l’analyse des données de la pêche professionnelle, des manques sont encore signalés par les acteurs. Les données de capture de civelles, qui devaient être facilement et rapidement accessibles afin de connaître le niveau de consommation du quota imparti, ne le sont pas vraiment.

Le GRISAM constate qu'à l'organisation centralisée des connaissances au niveau national correspond la multiplication des acteurs locaux impliqués dans la gestion des cours d'eau et le suivi des milieux aquatiques. Des connaissances sont produites par différents organismes scientifiques et techniques. Dans le bassin Garonne-Dordogne-Gironde, ces connaissances sont centralisées par MIGADO, qui recueille les connaissances produites par les différents acteurs concernés par l'anguille, tout en animant le réseau d’acteurs concernés. Elles sont constituées de données relatives à la pêche professionnelle et aux autres pêches. Les acteurs font le constat d'un manque de données sur la pêche de loisir à la ligne. La seule référence mobilisée concerne le secteur de la Loire, où existent des données sur les prises d’anguilles jaunes par les pêcheurs à la ligne. Le CIEM a procédé à des extrapolations pour estimer les prises dans les autres bassins français. Ces extrapolations ne paraissent pas opportunes pour établir une estimation du nombre d'anguilles prises par les pêcheurs aux lignes dans l'ensemble des territoires concernés. MIGADO a réalisé des estimations très largement inférieures à celles du CIEM. Il estime en effet les prises à 3,6 tonnes dans le département de la Gironde tandis que celles du CIEM étaient de 52 tonnes (Le Bail, 2011). Ces constats posent aussi la question de l’uniformisation et de la généralisation des données produites au niveau supérieur.

La production de connaissances constitue un objectif majeur du plan de gestion. Différentes mesures ont été prévues aux différents échelons. Au niveau national, un programme de Recherche & développement concerne l’amélioration des connaissances concernant les obstacles à la migration des anguilles. Au niveau du bassin, différents types de suivi et d’études ont été mis en place : pêches électriques dans les rivières Index, programme d’études de l’anguille en milieu profond par marquage-recapture avec les pêcheurs, mise en place d’étude auprès des pêcheurs aux lignes et des pêcheurs amateurs aux engins…