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v L’application du plan, la mobilisation de l’échelon local

A. Un suivi coordonné par le groupe technique

Le suivi des actions du plan de gestion est effectué dans le COGEPOMI, notamment dans le groupe de travail « anguilles ». Le groupe se réunit entre une et deux fois par an, une première

fois pour faire l'état des lieux de la mise en place du plan de gestion, une seconde fois pour faire le bilan des actions menées. Cette deuxième réunion est aussi souvent l'occasion de solliciter les financeurs pour les actions à mettre en place7. Ce groupe est pensé comme étant un groupe

technique, composé de techniciens, et non des personnalités élues des structures participant à ce groupe, qu’il s’agisse des représentants des pêcheurs ou du président de la Fédération de pêche aux lignes. « Pour tous les organismes, c’est des techniciens parce que c’est une groupe technique, et on essaie de traiter les questions techniques, parce que les élus, après, ont la parole en COGEPOMI » (animatrice groupe technique anguilles). Les participants font bien la distinction entre ce groupe technique et les séances de COGEPOMI, où dans le premier sont traitées les questions dites techniques et dans le second les questions dites politiques.

En tant qu'instrument d'action publique, le COGEPOMI fournit un cadre pour structurer l'action collective lié aux poissons migrateurs. Mais on constate que l'application du plan de gestion de l'anguille dépasse largement ses limites de compétence, notamment ce qui ressort de la libre circulation. D'autres réseaux d’acteurs, que ceux directement concernés par cette instance, sont peu ou proue impliqués dans la mise en place des mesures prises, notamment ceux qui sont liés à l'aménagement des territoires, et particulièrement les zones humides. Le lien entre le plan de gestion et cet échelon local passe d’une part par les administrations déconcentrées en charge des milieux (DREAL, DDTM…), d’autre part par les collectivités territoriales, notamment le Conseil général, qui en Gironde cofinance le réseau CATERZh (Cellule d'Animation Territoriale pour l'Entretien des Rivières et des Zones Humides), initié par l’agence de l’eau. Les techniciens de syndicats que nous avons rencontrés participent à des réunions organisées par le réseau CATERZh. L’administration de la DREAL joue un rôle de coordination dans la dynamique de ces réseaux.

B. La mobilisation des acteurs locaux

L'observation du fonctionnement du groupe de travail anguille au niveau du bassin nous amène à revenir sur la définition de la notion d'échelon local. Selon que l'on se place à l'échelon européen, national ou du bassin, la notion d'échelon local ne regroupe pas les mêmes réalités territoriales. L'échelon du bassin est perçu comme étant un « échelon local » du point de vue national. Pourtant, cet échelon ne correspond pas à la définition qu'en donne Colette Méchin anthropologue, quand elle analyse le rapport au cormoran, à savoir, le niveau où les acteurs sociaux sont en contact avec le cormoran et son biotope (2005). On peut appliquer cette définition à toute autre espèce. Tel que défini, le niveau local correspond généralement à une

7 Mais un technicien nous signalait le fait que l’obtention de financements pour monter des projets sur l’anguille est chose relativement aisée.

unité « réelle » de gestion, une parcelle, un site, un bateau de pêche ou le territoire d’action d'un gestionnaire. Cela concerne le pêcheur, le propriétaire d'un terrain sur lequel est présent un vannage, un propriétaire de marais ou de moulin, ou encore un gestionnaire d'unité de production hydroélectrique. Le niveau de bassin, bien que dénommé « local », quand il est envisagé de Paris, constitue plutôt un niveau intermédiaire de gestion, notamment consacré à l'organisation et la coordination de la gestion entre les différents acteurs de la gestion locale.

Comme les autres poissons migrateurs, l'anguille rentre dans les grands cours d'eau estuariens de la côte atlantique. Mais c'est un poisson d'une grande plasticité, qui fréquente tous types de milieux. Outre ces « autoroutes » que sont les estuaires et les grands fleuves, elle recherche aussi les marais saumâtres, les chevelus, toutes les zones marécageuses, les rivières d'eau douce. Pour restaurer la population d'anguilles « tous les petits cours d'eau, tout les marais littoraux, tout est à faire, mais ce n'est peut-être pas très compliqué », nous explique ce technicien. Selon les configurations, la gestion de la circulation de l'anguille concerne une multitude de petits acteurs locaux, propriétaires de marais, de vannages ou de moulins, de syndicats de marais ou de rivière, ou bien d'acteurs socio-économiques comme EDF. Elle illustre le second principe de subsidiarité, la déclinaison de la gestion à la plus petite échelle possible.

Ilustration 7 Portes à flots, obstacle à la circulation des poissons

Pour certains techniciens de marais rencontrés, le règlement européen et le plan de gestion ne semblent pas être des documents que l’on consulte. Les principes de gestion qu’ils appliquent ne se réfèrent pas forcément à ce plan mais aux problématiques globales de la continuité écologique. Une approche mono-spécifique leur paraît trop réductrice, et les questions centrées

sur l’anguille finissaient par les ennuyer quelque peu. Selon ce technicien, il faut éviter de se focaliser sur l’anguille au détriment d’autres espèces. Ses actions de gestion ne portent pas que sur l’anguille, mais aussi sur les autres poissons. « Je tire la sonnette d’alarme. On se préoccupe de l’anguille, mais il y a d’autres espèces, le brochet, l’alose, le maigre… » (technicien).

La gestion de l’anguille constitue un élément parmi d’autres de la gestion des territoires ou de la pêche, les actions menées à ce niveau s’inscrivent dans une approche globale. Les techniciens des syndicats de marais doivent composer avec différents éléments. Les marais du Médoc se situent dans une zone estuarienne où la remontée de l’eau salée a été bloquée par des portes à flot. L’eau salée ne doit pas remonter dans les rivières sous peine de compromettre les productions viticoles situées à proximité. La préoccupation envers l’anguille n’est pas dans les priorités des propriétaires de vignobles, qui s’inquiètent plutôt de voir la remontée d’eau salée compromettre leurs cultures. La mise en place d’un système de ralentissement des portes à flot a été pensée au regard de son intérêt technique, mais aussi parce qu’il permettait de concilier l’objectif de libre circulation avec les autres objectifs présents dans ce territoire. Le suivi effectué autour de cette innovation ne montre pas d’impacts négatifs de ce système qui semble à la fois satisfaire les poissons, les gestionnaires et les exploitants.

C. Les effets sur la pêche

Les pêcheurs non représentants que nous avons rencontrés ne connaissent pas tous le plan de gestion, ou bien ils disent en avoir une vague connaissance. Ils expliquent ne pas forcément être mis au courant par leurs représentants, mais cherchent-ils à s'informer ? Ceux qui lisent la revue Le pêcheur professionnel peuvent être amenés à se tenir au courant. Son application n’en a pas moins des conséquences directes sur les pêcheries. L’objectif de diminution des captures a eu pour conséquence un arrêt de la pêche par une partie des pêcheurs professionnels. En cohérence avec l’objectif de réduction de la capacité de la pêche française, un plan « sortie de flotte » a été mis en place. 195 navires ont abandonné la pêche (CNA, 31 mai 2012). En outre, cette nouvelle réglementation s’applique dans un contexte tendu pour les pêcheurs professionnels. Un moratoire sur la grande alose, autre poisson migrateur ciblé par les pêcheurs professionnels dans le bassin de la Garonne-Dordogne-Gironde s’applique dans le bassin depuis 2008 et pour une durée de cinq ans. En outre, des interdictions de commercialisation et de consommation s’appliquent aux anguilles pêchées dans la Garonne, du fait d’une contamination aux PCB. Ces événements contribuent, chacune ensemble et séparément, à accabler un peu plus la profession des pêcheurs maritimes et fluviaux.

vente, a rendu beaucoup moins attractive la pêche de l’alevin.

La déclinaison locale du plan de gestion est questionnée par différents acteurs au regard de la question du braconnage de la civelle. Les prix élevés auxquels elle était exportée avaient rendu cette activité intéressante. Le braconnage de la civelle constitue une activité non estimée, mais jugée très importante. L’objectif du plan de gestion est de verrouiller la filière commerciale en mettant en place un circuit de traçabilité. Les pêcheurs sont pour cela soumis à la déclaration de leurs prises sous 48 heures, ces données étant croisées avec celles fournies par les mareyeurs. Cependant, les points de débarquement qui devaient être identifiés au niveau des bassins, permettant de regrouper les débarquements, et donc de mieux les contrôler, n’ont pas été mis en place à l’heure de l’évaluation du plan de gestion en juin 2012. Comment faire accepter aux pêcheurs d’effectuer 20, 30 km voire plus, pour débarquer leur pêche ?

Les agents chargés des contrôles font de leur part état d’un manque de moyens humains affectés à cette tâche. Les frontières administratives ne facilitent pas non plus les choses.