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Hyperplasie kératinocytaire induite par les cytokines pro-inflammatoires

A. Physiopathologie

3. Hyperplasie kératinocytaire induite par les cytokines pro-inflammatoires

inflammatoires

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Les Kc sont les cellules majoritaires de l’épiderme et possèdent des capacités importantes de production de nombreux facteurs solubles comme les cytokines, les chimiokines et les peptides antimicrobiens. Dans le psoriasis, plusieurs études indiquent un doublement du nombre de Kc en mitose et une altération des signaux apoptotiques. La durée du cycle cellulaire serait de plus réduite de 8 fois, alors que la production quotidienne de Kc serait augmentée de 28 fois. Le renouvellement des Kc est donc anormalement accéléré dans le psoriasis, et cette prolifération accrue empêche le programme de différenciation des Kc de se dérouler correctement et aboutit à la formation d’une couche cornée non complètement différenciée. Ce sont les étapes terminales de la différenciation des Kc en cornéocytes qui sont altérées (fig. 11). La couche granuleuse (intermédiaire entre la couche cornée et le corps muqueux) est absente tandis que la maturation des Kc est incomplète avec conservation de leurs noyaux. De plus, des troubles de la kératinisation sont associés, avec :

- blocage de la synthèse de la filaggrine (normalement synthétisée dans la couche granuleuse pour participer à la constitution des grains de kératohyaline) et de la loricrine alors que sont précocement exprimées transglutaminase et involucrine (protéine essentielle de l’enveloppe cornée) ;

- présence de kératines de prolifération K6, K16 et K17 non exprimées dans l’épiderme normal, absence ou apparition retardée des kératines de maturation K1 et K10 dans l’épiderme et persistance des kératines basales K5 et K14 dans les couches suprabasales, la kératine basale K15 y étant diminuée.

Figure 11 : Schéma des modifications observées dans l’épiderme psoriasique : extension du compartiment germinatif et altérations (36)

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voire plusieurs mois. On peut en conclure que les Kc constituent la cible de l’inflammation psoriasique mais également peut-être sa source via une anomalie intrinsèque de ces Kc qui serait révélée par l’activation des DC et des LT et la production locale de cytokines. En effet, comme vu précédemment, la production d’un peptide antimicrobien par les Kc, la cathélicidine LL37, pourrait constituer l’anomalie primitive et l’activation kératinocytaire qui en résulterait serait le premier signal nécessaire au développement de l’inflammation psoriasique.

a) Anomalies biochimiques kératinocytaires

Ces Kc psoriasiques possèdent certaines caractéristiques fonctionnelles différentes des Kc de sujets normaux, ce qui confirme la présence d’une anomalie intrinsèque des cellules épithéliales dans le psoriasis. Outre les gènes anormalement exprimés, le Kc est la cellule qui comporte le plus d’anomalies : anomalies de la kératinisation, production d’innombrables cytokines et marqueurs de surface anormaux.

- l’expression suprabasale de bêta-1-intégrines (glycoprotéines membranaires normalement exprimées uniquement dans la couche basale) est d’un grand intérêt. En effet, ces molécules ont un rôle important non seulement dans l’adhésion des Kc aux protéines de la matrice extracellulaire, mais aussi dans la prolifération et l’initiation de la différenciation des Kc. En outre, un modèle de souris transgénique avec expression suprabasale de ces intégrines développent une dermatose psoriasiforme suggérant que ces anomalies pourraient être en cause dans la genèse du psoriasis ;

- La protéine CCHCR1 (coiled-coil α-helical rod protein 1), dont l’expression est contrôlée par l’IFNγ et qui régulerait la différenciation (négativement) et la prolifération des Kc, est surexprimée par les Kc dans les lésions psoriasiques. De même, il a été montré que la protéine CDSN (cornéodesmosine), exprimée par les Kc terminaux différenciés et assurant leur cohésion dans les couches supérieures de l’épiderme, était surexprimée dans les lésions psoriasiques, et cette surexpression dans les cornéocytes psoriasiques pourrait être à l’origine de la desquamation aberrante observée au cours du psoriasis, les domaines terminaux de la CDSN essentiels pour l’adhésion cellulaire étant clivés au cours de la desquamation.

- l’expression de Bcl-2 dans le cytoplasme des cellules épidermiques. Cette protéine empêche la mort cellulaire programmée des Kc et induit une extension du compartiment proliférant qui explique l’accélération du renouvellement de l’épiderme psoriasique ;

- de la même manière que le récepteur de l’EGF est codé par un oncogène de la famille erb-B, il a été montré une diminution de l’expression de l’oncogène c-fos, qui a un rôle spécifique dans le contrôle de la différenciation kératinocytaire, pouvant expliquer l’altération de celle-ci ;

- la production de β-défensines dans les lésions psoriasiques. Ce sont des peptides antibactériens qui sont produits par les cellules épithéliales, facteurs permettant d’envisager le psoriasis comme une réaction cutanée antibactérienne contrôlée par les LT ;

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diminution de la voie de la cyclo-oxygénase qui permet la production des prostaglandines, et augmentation des voies 5 et 12 lipo-oxygénases entraînant une nette augmentation des leucotriènes B4 et du 12 HETE à activité pro-mitotique et pro-inflammatoire ;

- les principaux systèmes de transduction qui permettent la transmission des signaux extérieurs à la cellule et jouent le rôle de second messager cellulaire sont perturbés dans le psoriasis :

* des anomalies portant sur l’expression de protéines de liaison cellulaires et

nucléaires des dérivés de la vitamine A, les RAR (retinoic acid receptor), qui jouent un rôle fondamental dans le contrôle de la prolifération et de la différenciation des Kc, ont été montrées ;

* la distribution du calcium intracellulaire dans l’épiderme, caractéristique selon

l’état de différenciation du Kc, serait anormale. Le calcium est un second messager cellulaire qui joue un rôle important dans le contrôle de la prolifération et de la différenciation des Kc. De même, il a été montré que la synthèse de la forme active de la vitamine D par l’épiderme était diminuée ;

* des anomalies ont été décrites, tant au niveau de l’adénylate cyclase que des

nucléotides eux-mêmes, avec une augmentation de l’acide guanosine monophosphorique cyclique (GMPc) par rapport à l’acide adénosine monophosphorique cyclique (AMPc), pouvant être responsable d’une hyperactivité cellulaire. Le point le plus intéressant est sans doute la diminution de l’activité de la protéine kinase A (AMPc dépendante) présente non seulement dans la peau, mais aussi dans les globules rouges. Ce déficit se retrouve aussi chez les membres non atteints des familles de psoriasiques et est redressé sous rétinoïdes ;

* plus récemment, des anomalies de la voie du phosphatidyl inositol phosphate ont

été décrites : augmentation de l’activité de la phospholipase C aboutissant à une production accrue de diacylglycérol (activateur de la protéine kinase C (PKC)) et d’inositol triphosphate (capable d’activer la phospholipase A2). Le rôle de l’activation de la PKC dans le psoriasis n’est pas

clairement établi, dans la mesure où son activité serait secondairement réduite par un rétrocontrôle négatif ;

* les voies de signalisation intracellulaire activées en réponse à l’interaction des

cytokines/chimiokines avec leur récepteur membranaire apparaissent perturbées pour NF-kB et STAT3, ces facteurs de transcription participant à la prolifération cellulaire. De même, une diminution de l’expression de JunB, facteur de transcription régulant négativement la prolifération cellulaire et favorisant la différenciation cellulaire, a été mise en évidence dans des Kc de lésions psoriasiques.

Cependant, la révélation de ces anomalies et l’induction de la pathologie nécessitent l’activation des cellules de l’immunité spécifique, en particulier les LT, et la production locale de TNFα.

b) Hyperproduction de facteur de croissance kératinocytaire

L’hyperprolifération kératinocytaire semble initiée par les cytokines sécrétées par les LTh1 et LTh17, qui activent les cellules résidentes cutanées, et en particulier les Kc dans les lésions de

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psoriasis. Ils peuvent également être activés par l’IL-20 produite par les mDC. Les Kc activés produisent alors des chimiokines et des cytokines favorisant l’inflammation, le recrutement lymphocytaire et la dérégulation de leur propre prolifération. C’est ainsi le « cercle vicieux » du psoriasis qui s’établit.

Les facteurs de croissance potentiellement inducteurs de la dérégulation kératinocytaire sont nombreux :

– TGFα (transforming growth factor-α), KGF (keratinocyte growth factor) et amphiréguline stimulent la prolifération des cellules basales ;

– GM-CSF favorise la production médullaire de nouvelles cellules phagocytaires ;

– FGF-10 (fibroblast growth factor-10), mitogène habituellement impliqué dans la réparation épithéliale ;

– IL-19 et IL-20, surexprimées dans le psoriasis, et associées à la prolifération kératinocytaire et à l’inflammation.

– VEGF qui stimule la prolifération et la migration des cellules endothéliales, PDGF (platelet-derived growth factor) et EGF qui stimule l’activité proliférative des cellules cibles.

c) Activité pro-inflammatoire secondaire des kératinocytes activés

Les Kc, une fois activés par ces facteurs de croissance, produisent également des médiateurs pro- inflammatoires contribuant ainsi au développement des lésions de psoriasis en permettant le recrutement et l’activation des PN, des monocytes, des LTh1 et Th17 ainsi que d’autres cellules de l’immunité au sein des lésions :

– IL-1 : active la présentation antigénique ;

– IL-8 : responsable de l’infiltrat neutrophilique intraépidermique ;

– CCL2 (MCP-1), CCL5 (RANTES), CXL10 (IP-10) : induisent la migration des monocytes et des cellules Th1 ;

– ICAM-1 : molécule d’adhésion favorisant la rétention des LT dans l’épiderme et leur activation.

– IL-15 : essentielle pour l’activation des LT, des monocytes et la résistance à l’apoptose des Kc (renforce l’action de Bcl-2 sur l’apoptose des Kc) ;

– IL-18 : régule la migration des LC ;

– CCL20 (MIP-3α) et CCL13 (MCP-4) : orientent la circulation des DC immatures et des LT.

4.

Réseau cytokinique dans le psoriasis

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