CHAPITRE II : LA MAISON‐JARDIN DE HUE
PAYSAGES CULTURELS Définition
IV. 2 Hué au patrimoine mondial
IV. 2 Hué au patrimoine mondial
« Ensemble des monuments de Hué », c’est ainsi que l’inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité désigne les objets protégés. Nous avons enregistré que parmi les recommandations du Comité du patrimoine mondial, datées de juin 2011, l’élargissement au « paysage culturel » était proposé. Entre les deux il y a la ville !
Certes la ville de Hué, contrairement à sa voisine Danang ou aux deux capitales du Nord et du Sud, n’a pas connu de décollage économique, ni industriel ou commercial. Elle reste une ville administrative, capitale provinciale, héritière de la capitale impériale. De cette position « centrale », elle n’a guère profité que de destructions puis de l’attention symbolique liée à l’offensive du Têt et ses conséquences conduisant tout droit à la patrimonialisation. La plus vaste enceinte constituant le centre de la ville, le Thanh Noi, forme d’un carré de 2,5 km de côté (500 hectares) et abrite 65 000 habitants (Source de service de statistique de la Province de Thua Thien Hué 2011). Les murs de la citadelle et de la ville impériale ont été largement débordés vers l’est, le marché et les quartiers commerçants actuelle rendant impossible le tracé d’une limite entre la ville et la campagne urbaine des résidences, où sont aussi les autres monuments royaux comme les tombeaux et les temples. La loi de 2001 interdit toute construction dans la zone 1 autour de ces monuments.
LOI SUR LE PATRIMOINE CULTUREL
Le 12 juillet 2001, Le Président Tran Duc Luong a signé officiellement La loi du patrimoine culturel. Cette loi composée de 7 chapitres, 74 articles, est valable à partir du 1er janvier 2002.
Article 29
Vu la valeur de l’histoire, de la culture, des sciences, des monuments historiques‐ culturels, des pagodes célèbres et sites pittoresques (appelés monuments) : 1. Les monuments classés au niveau de la province ont des valeurs représentatives de la région; 2. Les monuments nationaux ont des valeurs représentatives de la nation; 3. Les monuments nationaux particuliers sont de ce qui ont les valeurs particulières et typiques de la Nation; Article 32 1. Les zones protégées: a) Zone protégée I qui compose des monuments et toute la zone déterminée (précisée) est un élément originaire constitué des monuments doivent protéger en premier état. b) Zone protégée II est toute la zone entourant la zone I des monuments, dans cette zone on pourrait construire un travail servi à faire valoir la valeur des monuments mais il n’a pas prise sur l’architecture, le paysage naturel et l’environnement‐ écologie des monuments.
Au sud de cet ensemble s’emboîtent la Cité impériale puis la Cité pourpre interdite. La Cité pourpre (300 mètres de côté) a été dévastée par l’incendie de 1947. La Cité impériale et surtout sa porte sud en forme de phénix face à la Rivière des Parfums, ont été restaurées avant même le classement Unesco.
La ville « moderne », c’est‐à‐dire coloniale s’étend au sud de la Rivière qui est elle aussi inscrite au patrimoine mondial en compagnie des monuments dispersés que sont les temples, les tombeaux et surtout les maisons‐jardins rattrapées par cette forme d’urbanisation au sud. Les maisons‐jardins qui font l’objet de l’attention patrimoniale sont comme des îlots dans la ville moderne occidentale, quartier des administrations, en représentant le « paysage culturel » du Vietnam unifié et de l’élite d’ancien régime régi par des principes qui seraient toujours présents au fond du peuple.
Figure 38 : Hué, ses enceintes et son débordement sans limite ville‐campagne.
L’inscription de Hué sur la liste du patrimoine mondial s’inscrit dans une suite historique et institutionnelle, voire politique, qu’il est bon de reconstituer.
Capitale impériale de 1802 à 1945, dont la moitié du temps sous domination coloniale, la ville de Hué pourrait prétendre à un classement comme ville historique. Ce n’a pas été le critère retenu, mais bien, en 3 et 4, l’héritage de la féodalité orientale. Même moins dynamique que beaucoup d’autres villes vietnamiennes, Hué n’est pas une ville morte ni un témoin archéologique, pas même la citadelle. Quant à la Cité pourpre, il s’agit d’un palais dont les soubassements seuls ont été conservés alors que la Cité impériale relève plutôt du monument historique. En vérité, c’est la discontinuité spatiale qui enlève à Hué la possibilité d’être présentée comme ville historique. Ses monuments sont dispersés, les plus remarquables étant finalement les temples, dont la fameuse pagode Chua Thien Mu, et les tombeaux royaux (7) puis les résidences princières au milieu de leur vaste jardin modèle de la maison.
L’architecture des palais et des résidences est une transition entre l’architecture royale et l’architecture folklorique traditionnelle de Hué. Les palais et les résidences
sont aussi les maisons de Ruong (maison en bois) mais de rang supérieur. Comme le docteur Phan Thanh Hair, directeur du centre de la conservation le note : « Elles sont construites sur un sol plus haut, les murs sont en pierre (đá thanh) et en brique (gạch vồ), le sol est pavé en brique de Bat Trang ou en brique et en ciment ; les bords de faîte et de toit sont décorés comme le palais royal mais moins affecté » (Phan Thanh Hair, 2008 : 8).
Comme la maison‐jardin de Hué, les palais et les résidences sont toujours là mais ils ont changé de physionomie. Plusieurs palais et résidences ont disparu, beaucoup ont été séparés en petites parties ; certains sont devenus des cafés, des restaurants.
Les palais et les résidences sont des lieux où a été conservé le genre de vie « noble » (mê) de Hué : profond, doux mais subtil. Ce sont aussi les lieux de naissance de grands hommes, les intellectuels du peuple Vietnamien comme Tùng Thien Vuong Miên Tham, Tùy Lý Vuong Miên Trinh. Le monde littéraire, le cénacle des poètes ont aussi été fondés ici. Les palais et les résidences sont aussi les lieux où s’est maintenu l’art gastronomique traditionnel de Hué avec une centaine de plats et plats végétaux, les compotes liquides de Hué (chè Hué), le thé à la mode locale. Ils sont connus par le livre Thuc pho bách thiên (100 plats de Hué) à l’origine de palais Tung Thien Vuong ( Phan Thanh Hai, 2008).
Hué historique a pour centre un monument en soi : la cité impériale. La ville historique est discontinue, se présentant à l’extérieur comme une forêt. Les maisons‐ jardins dans le prolongement culturel des palais, mais aussi des temples et des tombeaux royaux, pourraient alors servir de réponse à la recommandation du centre du patrimoine mondial concernant le « paysage culturel » dépassant la ville historique qui n’est pas très unifiée. L'inscription des centres historiques et des quartiers anciens est recommandée chaque fois que la densité et la qualité monumentales sont directement révélatrices des caractéristiques d'une ville d'intérêt exceptionnel. Il est déconseillé de faire des propositions ponctuelles portant sur plusieurs monuments isolés mais nullement complémentaires, censés évoquer à eux seuls une ville dont le tissu urbain a perdu toute cohérence.
Centre du patrimoine mondial, 2012, p. 95.
Mais si les maison‐jardins doivent servir de support à une extension du classement, encore fait‐il dépasser le discours patrimonial en l’actualisant. La maison‐ jardin n’et plus ce qu’elle était. Elle est toujours habitée mais autrement. Faut‐il alors en muséifier quelques‐unes, ou admettre la mutation sociale et engager la population actuelle dans le folklore ? Ou bien encore se contenter d’un paysage extérieur ? Les options sont ouvertes (chapitre 6). Les lacs ou les bosquets encore touffus sont les restes de ce qui n’existe plus (1/4 sud‐ouest de la citadelle, Thuan Hoa, le premier de la capitale.
Figure 39 : Hué, Thuan Hoa