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Historique du mouvement des soins palliatifs

Dans le document en fr (Page 65-70)

UNE ACTIVITE DE SANTE IMPORTANTE, DONT LES MODALITES DE DEVELOPPEMENT

D’UN DIAGNOSTIC DE CARENCES AUX PREMIERES INITIATIVES

1.2. LE MOUVEMENT DES SOINS PALLIATIFS ORIGINE ET INSPIRATIONS AMELIORER LES CONDITIONS DE PRISE EN CHARGE DE LA FIN DE VIE

1.2.1. Historique du mouvement des soins palliatifs

L’objet de cette section est de fournir quelques repères sur les origines et les inspirations du mouvement des soins palliatifs. Bien qu’il soit classique de faire remonter les prémices de ce mouvement à la création des premiers hospices53, nous avons choisi de nous placer dans un contexte plus général de l’histoire de l’accompagnement des mourants et opter pour une approche historique. Cette façon de procéder permet de montrer que la question de l’amélioration des conditions de la fin de vie n’est pas nouvelle en soi. Un des mérites du mouvement des hospices est probablement de lui avoir donné davantage d’ampleur et su lui apporter des réponses inédites.

Nous présentons dans le tableau suivant les principaux points à retenir dans l’élaboration du mouvement des soins palliatifs.

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ce qui implique un refus de l’acharnement médical, de l’abandon thérapeutique et de tout acte qui viserait à hâter leur mort, ainsi que la préconisation d’un soulagement de la globalité de leur souffrance

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Tableau – Approche historique du mouvement des soins palliatifs

Cadre général Mouvement des hospices

- La tradition judéo-chrétienne La vie, valeur sacrée

- XVIème-XVIIIème siècle (Humanistes, Encyclopédistes, philanthropes des Lumières) Une conception laïque de l’accompagnement

- XIXème siècle (Jeanne Garnier)

Mise en place d’œuvres de charité chrétiennes, dont celle de Jeanne Garnier (Oeuvres des Dames du Calvaire, France, 1842)

- Cicely Saunders Angleterre, années 60

Mise au point de techniques antalgiques Le concept de «douleur totale»

1967 : ouverture du Saint-Christopher’s Hospice

- Elisabeth Kübler-Ross USA, années 60

Psychiatre : introduction des aspects relationnels et psychologiques dans les prises en charge.

Les 5 étapes du mourir

- Balfour Mount Canada, 1975

Création de la 1ère Unité de Soins Palliatifs en milieu hospitalier (Royal Victoria Hospital)

1.2.1.1. La tradition judéo-chrétienne : la vie, valeur sacrée

L’accompagnement des mourants est très empreint d’aspects religieux, et il convient donc de présenter la façon dont la tradition judéo-chrétienne envisage la question de la fin de vie.

• La tradition juive

Les textes fondamentaux du judaïsme, religion ancienne de 3.300 ans, soulignent l’importance d’accompagner les personnes en fin de vie et de soutenir leurs familles. En première approche, on peut mettre ici en avant deux commandements bibliques : l’Amour du Prochain («Tu aimeras ton prochain comme toi-même») [Lévitique 19:18] et l’interdiction absolue de tuer («Tu ne tueras point») [Exode 20:1-17, 6ème des Dix Commandements].

Comme l’explique le Grand Rabbin de France, JH Sitruk, dans l’audition qu’il a tenue à l’Assemblée Nationale dans le cadre de la Mission d’information sur l’accompagnement de la fin de vie, en s’appuyant sur les commentaires des sages du Talmud, la Vie présente dans le judaïsme un «caractère absolument sacré» : elle ne nous appartient pas (pas même la nôtre), mais elle est la propriété de Dieu [Sitruk, 2003]. Ce grand principe, qui rend la vie hautement respectable, exclut de fait tout acte qui y mettrait intentionnellement fin, tels que l’euthanasie

ou le suicide (même médicalement assisté), et rejette toute forme de souffrance (tout cela dans un contexte où l’Homme est reconnu «libre» et entièrement «responsable» de ses actions). Ne pas abréger la vie des malades de quelque manière que ce soit, œuvrer à atténuer leurs multiples souffrances (tout en prenant garde à ce que l’administration de morphiniques, par exemple, n’active pas leur décès), maintenir du mieux possible leur conscience pour leur permettre de «vivre leur mort» entourés de leurs proches, les rassurer et leur apporter ses soins, les aider à espérer en une possible réversibilité des choses et espérer avec eux, tout cela résume la façon dont le judaïsme appréhende la fin de vie et l’«équilibre» subtil et singulier que doivent trouver ceux qui accompagnent les malades [Sitruk, 2003]. Si les soins palliatifs ne sont pas érigés ici en mouvement (au même titre que celui des Hospices), ils constituent, en revanche, l’une des valeurs essentielles et immuables du judaïsme, l’un de ses piliers. En cela, la visite des malades hospitalisés, qu’ils soient ou non en fin de vie, représente l’une des actions les plus louables que l’homme peut accomplir.

• La tradition chrétienne occidentale

Dans le christianisme, l’Amour du Prochain et l’interdiction de tuer constituent également deux préceptes fondamentaux. La Vie est aussi valeur sacrée et l’accompagnement des mourants fait partie des actes de charité. Dans un cadre traditionnel, cet accompagnement consistait à entourer la personne, dont on savait la fin proche, de prières et de sacrements, de façon à lui éviter toute damnation éternelle. La souffrance était alors considérée comme une façon d’expier ses péchés et n’était donc pas combattue [Thominet, 2003]. Le XVIème siècle amorce, comme nous allons le voir à présent, de profondes transformations dans la façon dont le christianisme appréhende la question de la fin de vie.

1.2.1.2. XVI-XVIIIème siècle : une conception laïque de l’accompagnement

A partir du XVIème siècle, la conception chrétienne occidentale de l’accompagnement fait place à une conception laïque. C’est l’époque des Humanistes. L’idée que la souffrance est source de rédemption est rejetée et l’adoucissement des conditions du mourir, recherché (Thomas More, Francis Bacon). [Thominet, 2003]. Mais ce n’est qu’au XVIIIème siècle que ces propos ont été entendus et amplifiés, via la voix des encyclopédistes et des philanthropes des Lumières [Thominet, 2003].

1.2.1.3. XIXème siècle : Jeanne Garnier et la création d’Œuvres de charité chrétiennes

Le XIXème siècle est marqué par un important essor industriel et par la naissance de la classe ouvrière [Thominet, 2003]. Face à une nouvelle forme de pauvreté, des œuvres de charité chrétiennes se mettent en place. Ainsi, les Œuvres des Dames du Calvaire sont créées en 1842, à Paris, sous l’impulsion de Jeanne Garnier. Cette œuvre prend en charge des femmes veuves atteintes de cancers incurables et qui ne peuvent être hospitalisées. Comme le note Pinell, une des conséquences de la médicalisation des hôpitaux a été d’exclure de ce système les personnes pour lesquelles on estime que «le secours à l’art de guérir» n’est pas ou plus nécessaire, c’est-à-dire en particulier les patients cancéreux en phase avancée ([Pinell, 1992], cité dans [Bounon, 1997]). A cette époque, on pensait par ailleurs que le cancer était contagieux et qu’il faillait isoler les personnes malades, en les regroupant dans des structures spécialisées [Thominet, 2003].

1.2.1.4. Les années 1960-70 : le temps des pionniers (C. Saunders, E. Kübler-Ross, B. Mount)

Si l’accompagnement de la fin de vie a pris son essor grâce à des mouvements catholiques et protestants, deux femmes ont contribué, chacune à leur niveau, à faire en sorte que ce mouvement, appelé «mouvement des hospices», prenne de l’envergure et du sens : Cicely Saunders et Elisabeth Kübler-Ross. Leur rôle en matière d’amélioration de la qualité des soins en fin de vie a été si déterminant, que l’on réduit souvent l’histoire des soins palliatifs à ces deux noms. Il faut en ajouter un troisième : celui de Balfour Mount, qui créa la 1ère Unité de Soins Palliatifs en milieu hospitalier et avec elle, la dénomination «Soins palliatifs». Certains auteurs voient dans l’émergence de cette nouvelle médecine un «retour de l’humain», en décalage total avec les révélations faites après la seconde guerre mondiale sur les expérimentations nazies [Thominet, 2003].

• Cicely Saunders (le concept de «souffrance globale» («total pain»))

Cicely Saunders est née en Angleterre en 1919. Après une formation d’infirmière, puis de travailleuse sociale, elle entreprend, à l’âge de 33 ans, des études de médecine [Lamau, 2001]. Très sensible à la façon dont les patients atteints de cancer étaient abandonnés à leur douleur,

quand les traitements devenaient inefficaces, elle est convaincue que beaucoup reste à faire pour améliorer leurs conditions de vie. Elle met ainsi au point, dans les années 60, un ensemble de protocoles cliniques. Ces protocoles reposent notamment sur des techniques antalgiques (administration régulière de morphiniques par voie orale), dont elle montre le caractère non accoutumant pour le patient. L’effet de ces nouvelles techniques est central, car il permet au malade, soulagé voire délivré du poids de la douleur, de pouvoir s’extérioriser et de mieux vivre ses derniers instants. Les autres apports de Saunders sont d’avoir mis en évidence une relation étroite entre plusieurs formes de souffrances (physique, mentale, sociale, spirituelle) [Saunders, 1995], relation qu’elle englobe sous la notion de «douleur totale» («total pain»), et d’avoir souligné la richesse potentielle que peut comporter une fin de vie, pour le patient, comme pour ceux qui l’accompagnent (familles, soignants).

En 1967, Cicely Saunders ouvre à Londres la première structure de soins palliatifs dans le monde : le Saint-Christopher’s Hospice. Il s’agit d’une association caritative religieuse, qui utilise des procédés de médecine moderne pour prendre en charge les patients qu’elle accueille. La mort y est acceptée comme un processus naturel, le patient est considéré comme un être pluri-dimensionnel et autonome et ses proches sont inclus au dispositif de soins [Lamau, 2001]. Le Saint-Christopher’s Hospice est aujourd’hui un lieu de référence pour tous ceux qui s’intéressent aux techniques palliatives [Ministère Réf. 2, 2002].

• Elisabeth Kübler-Ross (les 5 étapes du mourir)

Elisabeth Kübler-Ross est née en Suisse en 1926 et immigra aux Etats-Unis. Elle fit des études de médecine et se spécialisa en psychiatrie [Lamau, 2001]. Convaincue que la prise en charge d’un patient en fin de vie nécessite bien plus que des soins techniques, elle identifie et définit les aspects relationnels et psychologiques, spécifiques à cette période de l’existence. Dans son ouvrage, «On death and dying» [Kübler-Ross, 1969] («Les derniers instants de la vie» [Kübler-Ross, 1996]), elle distingue cinq phases ou étapes, traversées par les malades à qui on annonce un diagnostic grave : la dénégation, la colère, le marchandage, la dépression et l’acceptation.

Dans un premier temps, le patient refuse, par un processus de défense appelé «dénégation», l’annonce qui lui est faite. La maladie évoluant, il se rend compte de la situation délicate dans laquelle il se trouve, et réagit par un sentiment de «colère» («pourquoi moi ?») et d’agressivité

à l’égard de ceux qui l’entourent. Passée cette période, le patient entre dans un processus de «marchandage», au cours duquel réalité et espoir s’affrontent : c’est le moment où le patient, qui puise dans ses dernières forces, cherche à accomplir des choses qui lui tiennent à cœur. Puis, le patient, fatigué, en perte d’autonomie, douloureux, qui sent sa fin proche, traverse une phase de «dépression», qui implique pour ceux qui l’entourent calme et écoute. Le patient pourra alors atteindre une certaine «acceptation» de sa condition, et quitter ce monde avec sérénité. Si ce schéma est trop linéaire, il a un double mérite :

- il montre que le patient est mu de sentiments multiples, parfois contradictoires, et qu’une connaissance de ces sentiments permet à ceux qui les accompagnent de mieux apprivoiser leurs propres comportements et mécanismes de défense ; cette idée a été reprise et largement développée par M Ruszniewski [Ruszniewski, 2002].

- il met en évidence que le patient n’est pas un objet passif, mais bien un sujet, qui pense, parle, espère, et qui nécessite d’autres formes de savoir et de compétence qu’une stricte technique médicale.

• Balfour Mount (la 1ère

Unité de Soins Palliatifs en milieu hospitalo-universitaire)

Après une formation au Saint Christopher’s Hospice sur la prise en charge de la fin de vie, Balfour Mount créée à Montréal la première Unité de Soins Palliatifs intra-hospitalière (Royal Victoria Hospital, 1975) [Lamau, 2001]. Reprenant à la fois les travaux de Saunders et de Kübler-Ross, il utilise des techniques médicales, para-médicales et relationnelles adaptées aux besoins des personnes en fin de vie. Pour se démarquer du mouvement en cours et dépasser la connotation péjorative associée au terme «hospices», il regroupe ces procédés sous l’expression, reprise en France, de «soins palliatifs».

Dans le document en fr (Page 65-70)