• Aucun résultat trouvé

CONCLUSION DU CHAPITRE 2 (LES SOINS PALLIATIFS EN FRANCE : UN IMPORTANT BESOIN NON SATISFAIT)

Dans le document en fr (Page 134-138)

UNE ACTIVITE DE SANTE IMPORTANTE, DONT LES MODALITES DE DEVELOPPEMENT

CONCLUSION DU CHAPITRE 2 (LES SOINS PALLIATIFS EN FRANCE : UN IMPORTANT BESOIN NON SATISFAIT)

Le mouvement des soins palliatifs a émergé en France dans les années 80, soit une vingtaine d’années après les premiers travaux de Saunders et de Kübler-Ross. Mais si son apparition est relativement tardive, le mouvement est soutenu par tous les gouvernements qui se succèdent depuis 20 ans. Légitimé par de nombreux textes ministériels (dont une loi et deux plans nationaux de développement), il constitue aujourd’hui un véritable enjeu médical, social et politique et sa logique humaniste est reconnue.

Deux grands résultats ont été mis en évidence au travers de ce chapitre : d’une part, le faible développement des équipes hospitalières de soins palliatifs dans les hôpitaux français (malgré leur potentiel énorme de développement), et d’autre part, leurs faibles espoirs d’expansion.

- Le faible développement des équipes hospitalières de soins palliatifs, malgré leur potentiel de développement

Nous avons vu que les équipes hospitalières de soins palliatifs ont un potentiel de développement non négligeable et que les missions humanistes qu’elles se fixent sont reconnues. Mais, si leur existence traduit un vrai besoin de prise en charge, en revanche, les impératifs de rationalisation des dépenses de santé ne jouent pas en faveur de leur expansion. Après une période soutenue de créations d’USP et d’EMSP (1986-2001), le développement de ces équipes commence, en effet, à stagner, voire à régresser, au profit d’organisations de soins jugées a priori plus rentables. Ainsi, les notions de «lits dédiés de soins palliatifs», de «démarche ou de culture palliative», de «soins de support» (qui n’existaient pas au moment où nous nous sommes engagés dans ce travail de thèse) ont fait leur apparition dans l’univers hospitalier (au grand dam des professionnels des soins palliatifs, cf.

&3.3.2.), et les soins à domicile sont fortement encouragés. Compte-tenu du caractère restreint des ressources disponibles et de l’ampleur des autres activités hospitalières à assurer (curatives, notamment), la question du financement des soins palliatifs constitue ainsi un véritable problème pour les décideurs : où, en effet, trouver les moyens nécessaires à leur développement ?

Dans ce cadre, où logiques humaniste et financière, sont en conflit, l’optimisation des ressources existantes paraît être a priori un bon compromis120, en tout cas, une façon rationnelle de gérer la pénurie de moyens financiers. Si cette voie semble séduisante, elle ne peut néanmoins s’entreprendre sans précaution. Il convient en particulier de s’assurer d’une part, que les coûts d’hospitalisation en service classique (avec ou sans lits dédiés de soins palliatifs, avec ou sans sensibilisation des soignants à la démarche palliative) sont effectivement inférieurs à ceux associés aux USP, et d’autre part, que la qualité des prises en charge y est au moins équivalente, ce qui pose deux questions subsidiaires : celle de l’évaluation de la qualité des prises en charge palliatives (comment évaluer le résultat de ces prises en charge ?) et celle de la place du palliatif au sein du curatif (les malades en fin de vie ont-ils leur place dans des services dont les efforts médicaux et soignants visent avant tout la guérison ou le rétablissement ?). Sur ce second point, rappelons que prendre en charge une personne en fin de vie et accompagner ses proches, n’est pas une tâche facile121, quand bien même les soignants ont bénéficié d’une formation à ce type de démarche. Nous reviendrons sur ces questions en seconde partie de thèse (chapitre 5).

- Les faibles espoirs d’expansion des équipes hospitalières de soins palliatifs

En seconde approche, ce chapitre nous a permis de montrer que le système hospitalier est perméable aux idées humanistes défendues par les professionnels des soins palliatifs. L’émergence de nouvelles modalités organisationnelles en matière d’accompagnement de la fin de vie, nous rend, en effet, témoins de la diffusion certaine de l’idéologie palliative au sein des établissements de santé. Si cela paraît tout à fait satisfaisant, eu égard aux difficultés que rencontrent traditionnellement les soignants lorsque leurs patients ne répondent plus aux traitements (cf. &1.1.), force est de constater que ces alternatives de prises en charge se développent, non pas parallèlement, mais au détriment des équipes porteuses de l’idéologie. L’étude des objectifs ministériels pour 2007 en matière d’USP et d’EMSP montre, en effet, que l’espoir d’expansion de ces équipes est quasiment nul, malgré le potentiel de personnes qui nécessitent leurs compétences (ou qui en nécessiteront dans un proche avenir) (cf.

&2.2.1.). De fait de nombreuses demandes d’admission en USP ne peuvent être prises en charge122 et les EMSP peinent à trouver leur place. Cela pose la question de l’accès aux soins palliatifs «à tout citoyen dont l’état le requiert» (loi du 9 juin 1999)… alors même que d’importants efforts ont été faits

120

Cette orientation préfigurait dans la Circulaire Laroque de 1986, mais les modalités de cette optimisation restaient à définir

121

Notamment en cas de pénurie de personnel et de conditions de travail stressantes (cf. &1.1.3.)

122

Selon des chiffres que nous a fourni un responsable d’USP près de 90% des demandes d’admission adressées à son équipe font l’objet d’un refus, faute de lits disponibles (en 2004 : 1.850 dossiers reçus, pour 220 entrées) (cf. &3.3.2.)

par le Ministère de 2002 à 2005 pour faire connaître au grand public ce que sont les soins palliatifs (axe 3 du 2ème plan national de développement des soins palliatifs : «sensibiliser et informer l’ensemble du corps social», cf. &2.1.1.3.).

En outre, le développement fulgurant des lits dédiés de soins palliatifs, notamment dans les établissements privés à but lucratif, paraît surprenant. Il suggère que les cliniques privées y trouvent un intérêt particulier et donc, que ces lits d’un type nouveau présentent une certaine attractivité financière. Ce point sera analysé dans le chapitre suivant (cf &3.3.1.).

Au final, le bilan que l’on peut dresser sur les équipes hospitalières de soins palliatifs s’avère mitigé : certes, des ressources matérielles et humaines leur sont dévolues, mais leurs capacités d’offre sont bien en deçà de leur potentiel énorme de développement et, en tout état de cause, inférieures à ce qui peut être observé dans d’autres pays (Royaume-Uni notamment). Dans un contexte financier qui pousse à optimiser l’utilisation des ressources existantes et à rationaliser la délivrance de soins, les équipes de soins palliatifs paraissent fragiles et la question de leur devenir, légitime. Le Colloque organisé le 9 Mai 2006 à l’Assemblée Nationale, par la Maison Médicale Jeanne Garnier, reflète l’inquiétude des soignants de soins palliatifs sur l’avenir des USP (qu’ils qualifient à plusieurs reprises d’«ossature» du mouvement), et sur l’orientation économe que prend désormais le développement des soins palliatifs en France [Assemblée Nationale, 2006]. L’insuffisance des moyens destinés aujourd’hui aux équipes hospitalières de soins palliatifs (qui se traduit parfois par la disparition de certaines unités) a largement été signalée au cours de ce Colloque, ce qui a conduit certains journalistes de presse à parler de véritable «misère» («La misère des soins palliatifs» [Pérez, 2006]). L’idée que les équipes de soins palliatifs puissent bénéficier, en vertu de leurs missions d’intérêt général, de financements mixtes (c’est-à-dire à la fois publics et privés, sanitaires et psychosociaux) a été suggérée au cours de ce Colloque [Desfosses, 2006]. Cela renforcerait les moyens disponibles dans les équipes de soins, irait «dans le sens d’une plus grande justice» [Desfosses, 2006] et permettrait d’«améliorer le quotidien des malades» [Lapiana, 2006]. Si cette idée semble pertinente, ses modalités de concrétisation doivent être définies, l’exemple britannique pouvant servir de base à ces réflexions, en raison notamment du poids important que les aides privées représentent dans le fonctionnement de certains hospices et de leur expérience en matière de collecte de fonds (cf. &2.2.4.).

CHAPITRE 3

LE FINANCEMENT DES SOINS PALLIATIFS DANS LES HOPITAUX FRANÇAIS :

Dans le document en fr (Page 134-138)