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Index des termes Indonésiens

HISTOIRE D’UN SYSTÈME DE CULTURE DURABLE

Genèse des agroforêts à hévéa : une réponse innovante à une nouvelle incitation du marché

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, la pénéplaine orientale de Sumatra est principalement couverte de forêt primaire. L’autosuffisance alimentaire est atteinte par la culture itinérante de riz pluvial, tandis que la chasse et la cueillette de produits forestiers complètent de manière substantielle la diète des habitants. La densité de population est faible (moins de 5 habitants/km2) et seulement une part mineure du paysage est cultivée. Chaque famille cultive un essart, ‘ladang’ en indonésien, pendant une ou deux années consécutives, ensuite remis en jachère pour une période de 15 à 20 ans (Levang et al. 1997 ; Ruf et Lançon 2004). Les besoins monétaires sont assurés par la vente aux commerçants malais et chinois de produits chassés ou récoltés en forêt tels que des résines, du caoutchouc naturel, du rotin. Cette combinaison de culture itinérante et d’activités de chasse et cueillette est durable d’un point de vue écologique autant qu’économique (Levang et Gouyon 1993) dans les conditions de faible densité démographique de l’époque.

L’avènement de la révolution industrielle en Europe et en Amérique du Nord dans la seconde moitié du XIXe siècle se traduit par une croissance exponentielle de la demande en matières premières naturelles telles que le caoutchouc naturel et les résines. A Sumatra, la forte hausse du prix du caoutchouc entraine une surexploitation des plantes forestières productives - Palaquium spp., Dyera costulata, et dans une moindre mesure Ficus elastica – allant jusqu’à l’épuisement de la ressource. Face à des coûts de récolte de plus en plus élevés, les paysans trouvent une solution en remplaçant la cueillette d’espèces locales par la culture d’une espèce exotique Hevea brasiliensis, introduite à Sumatra par les grandes plantations coloniales au début du XXe siècle. Avec un minimum de travail supplémentaire, les plants d’hévéa sont complantés dans les essarts, au milieu du riz. Après la seconde récolte de riz, la parcelle est laissée en jachère et les plants d’hévéa continuent à se développer au sein du recrû forestier, bénéficiant d’un avantage de deux années sur les espèces concurrentes. Après une dizaine d’années, lorsque les hévéas sont prêts à être saignés, l’agriculteur revient sur sa parcelle pour ouvrir des chemins d’accès aux arbres, et un certain espace autour des arbres à saigner (Levang et al. 1997). Un nouveau système de culture ‘traditionnel’ est né : l’agroforêt à hévéa.

Les agroforêts sont des plantations paysannes combinant des cultures de rente pérennes telles que l’hévéa, avec d’autres plantes utiles comme des arbres à bois, des arbres fruitiers, des cultures vivrières, des matériaux pour l’artisanat (palmier, rotin, bambou), et des plantes médicinales (Gouyon et al 1993 ; Michon et De Foresta 1997 ; Huxley 1999). Dans une certaine mesure, les agroforêts copient la forêt naturelle. Les espèces végétales pionnières, post-pionnières et climaciques qui se succèdent dans l'établissement d’une forêt naturelle sont remplacées par une succession de cultures aux besoins en lumière similaires. La première étape après l’abattis brûlis consiste à remplacer la phase pionnière par un stade de cultures héliophiles à développement rapide et cycle de production court (riz, légumes, bananiers, papayer) de manière à occuper l’espace et inhiber la croissance des espèces pionnières, considérées comme des adventices. Ce premier stade de culture crée un micro-climat ombragé et humide au niveau du sol, favorable à la germination et au développement d’espèces forestières (hévéa, fruitiers, palmiers et arbres à bois). La phase post-pionnière, est dominée par des cultures à croissance rapide et à immaturité courte, entre 4 et 8 ans, telles que les caféiers, poivriers, canneliers, ou girofliers. Cette phase maintien un milieu biophysique favorable à la croissance des jeunes arbres et bénéficie des opérations d’entretien réalisées en faveur des cultures annuelles (fertilisation, désherbage). Après 15 à 20 ans, l’agroforêt présente une architecture végétale complexe, comparable à celle d’une forêt secondaire

du même âge, avec une canopée haute et fermée dans laquelle de nombreuses espèces post-pionnières ont spontanément trouvé leur place. Le renouvellement de l’agroforêt repose ensuite sur la mort et la chute des arbres, qui créent des chablis dans lesquelles une nouvelle génération de plantes peut se développer, spontanément ou avec l’aide du cultivateur (Michon et Bompard 1987). Du fait de la régénération continue et spontanée de nombreuses espèces, les agroforêts à hévéa présentent une structure forestière dans laquelle des arbres de tous âges sont représentés. Les premières études des agroforêts indonésiennes, réalisées par des écologues, soulignent leur remarquable capacité à préserver l’environnement. La conversion de la forêt en agroforêts permet de conserver de nombreuses espèces végétales et animales, en particulier d’oiseaux (Rasnovi 2006 ; Rasnovi et al. 2006 ; Beukema et al 2007 ; De Foresta 2008), ainsi Thiollay (1995) évalue que plus de 50% des oiseaux et des espèces végétales présents dans les forêts naturelles avoisinantes sont préservés par les agroforêts (Thiollay 1995). La plupart des fonctions écologiques des forêts est également préservée, en particulier en termes de régulation des flux hydriques, protection des sols et maintien de l’habitat écologique de nombreuses espèces (Michon et al. 1986 ; Michon et Bompard 1987). Les agroforêts ont ainsi un potentiel remarquable pour servir de zone tampon entre les villages et les forêts de protection ou les parcs nationaux. Elles établissent un espace de transition écologique entre les écosystèmes forestiers fermés et les champs cultivés, en évitant la fragmentation du couvert forestier, et constituent une barrière géographique entre la forêt naturelle et l’environnement anthropisé. La majorité des produits et services économiques des forêts sont maintenus dans les agroforêts, en particulier les activités de chasse, cueillette et pêche. Cette caractéristique peut-être considérée comme une réappropriation des ressources forestières par l’agriculture (Michon 2005). Les agroforêts contribuent également à la préservation des cultivars locaux d’arbres fruitiers, et de variétés sauvages d’espèces non commercialisées (Michon et al. 1986). En conservant un haut niveau de biodiversité dans leurs agroforêts, les agriculteurs maintiennent la possibilité d’exploiter de futures ressources pour lesquelles il n’existe pas encore de marché localement (Michon 2005). La pression sur les forêts naturelles diminue du fait de l’augmentation de la distance entre celle-ci et l’habitat, et également du fait de la présence de nombreux produits forestiers dans les agroforêts. Les agroforêts remplacent ainsi la forêt naturelle pour la quasi-totalité des activités qui s’y déroulaient.

Les habitants de Sumatra sont passés d’activités de chasse et cueillette à la culture itinérante de riz, puis aux agroforêts. Ils ont intégré et même développé des innovations techniques de manière à bénéficier de nouvelles opportunités économiques ou à dépasser des contraintes techniques. Ils ont converti la forêt primaire en forêt secondaire puis en agroforêts, en maintenant chaque fois un niveau de biodiversité élevé et la plupart des fonctions écologiques des forêts (Michon et Bompard 1987). Pour cela, les agroforêts sont souvent présentées comme le résultat de la sagesse paysanne des populations locales. Ce serait une erreur, cependant, de considérer la conservation de la biodiversité comme intentionnelle de la part des agriculteurs. Ces derniers n’estiment pas la biodiversité en tant que telle. C’est surtout la rareté du travail qui permet le recrû forestier dans les plantations d’hévéa. Les agriculteurs ne favorisent pas cette végétation, ils la laissent juste pousser. De plus, une certaine part de la biodiversité est loin d’être appréciée par les habitants, en particulier les mammifères comme les sangliers, les tigres, les éléphants et les singes. Ces pestes majeures sont considérées comme inévitables à cause des restrictions alimentaires des populations locales musulmanes, du statut d’espèce protégée de certains animaux, ou simplement du manque de moyens de contrôle (Levang et Sitorus 2006).

L’essor des agroforêts à hévéa et la disparition des forêts naturelles (1910-1990)

Introduit à Jambi en 1904, l’hévéa est rapidement devenu la principale production de la pénéplaine orientale de Sumatra. La demande croissante en caoutchouc pour l’industrie des

années 1920. Les autorités coloniales encouragent alors le développement des plantations paysannes d’hévéa (Dove 1994). Les commerçants chinois et malais organisent rapidement la filière en profitant de la proximité du port de Singapour. La province de Jambi connait alors une période de richesse sans précédent (Le Fèvre 1927). Les paysans décident de planter des hévéas dans tous leurs essarts. Ce faisant, ils convertissent leur système de culture itinérant en système permanent (Gouyon et al. 1993). Le travail investi dans l’ouverture d’un nouvel essart est mis à profit pour planter les hévéas. L’établissement d’agroforêts à hévéa en lieu et place des ladang a un impact profond sur le mode de tenure foncière local, puisqu’il implique la reconnaissance des droits individuels sur la terre et les arbres (Gouyon et al. 1993). L’introduction des cultures pérennes donne une valeur monétaire à la terre, là où jusqu’alors seul le travail était monnayable. Ainsi les agroforêts introduisent une notion inexistante dans les systèmes de culture itinérants, la notion de capital productif. Cette nouvelle et unique opportunité d’accumuler de la richesse et de la transmettre à ses héritiers se traduit immédiatement en une sévère différenciation économique des ménages (Levang et Gouyon 1993). Pour les agriculteurs locaux le seul choix est de rejoindre le mouvement d’expansion des agroforêts ou de perdre l’accès à la terre. Bientôt toutes les terres accessibles sont converties. Cette expansion rapide des agroforêts entraine des besoins croissants en main d’œuvre. De nombreux migrants javanais et chinois sont alors employés comme saigneurs dans les agroforêts.

Le boum dure jusqu’à la crise financière mondiale débutant en 1928, durant laquelle le prix du caoutchouc naturel chute. L’économie régionale est en crise. Les migrants employés comme saigneurs et ne possédant pas de terre partent chercher du travail en ville. Cependant, même pendant la crise, les paysans continuent de planter des hévéas dans leurs essarts. Comme la période improductive dure de 10 à 15 ans, les planteurs espèrent que le prix remontera avant la mise en saignée. De plus, planter des arbres dans les ladangs assure la propriété foncière sur la nouvelle parcelle. L’hévéaculture paysanne survit ainsi à la crise, de même que l’industrie du caoutchouc survit à Jambi. L’absence d’alternative commerciale intéressante à cette époque explique également la continuité de l’expansion des agroforêts à hévéa pendant la crise (Penot 2001).

Durant la période de prix bas, les familles doivent de nouveau assurer leur autosuffisance alimentaire. La production de riz avait diminué durant la période faste, le riz étant importé à bas prix de Java. Les migrants javanais et chinois ont développé la riziculture inondée derrière les berges de rivières, mais les paysans sumatranais préfèrent la riziculture itinérante pour subvenir à leurs besoins alimentaires. Puisque l’accès aux forêts est encore aisé, et l’hévéa une source de patrimoine et une marque de propriété foncière, les agriculteurs choisissent de préférence d’ouvrir de nouveaux ladangs au détriment des forêts primaires plutôt que de réutiliser d’anciennes agroforêts qui appartiennent déjà au patrimoine familial. Un autre frein au renouvellement des agroforêts est la dépendance des familles à une unique source de revenu monétaire. Ainsi dans le district de Bungo en moyenne 70% du revenu total des ménages est généré par l’hévéaculture (Joshi et al. 2002). Sur la durée totale du cycle de production d’une agroforêt à hévéa, les hévéas génèrent approximativement 85% du revenu à l’hectare (Gouyon et al. 1993). La coupe à blanc d’une plantation implique plus de 10 ans sans production de revenu sur la parcelle considérée. Ainsi un ménage doit posséder suffisamment de plantations pour supporter l’arrêt de production d’une parcelle.

L’expansion des agroforêts à hévéa à Jambi ne s’arrête qu’au début des années 1990. A cette époque, les agroforêts productives sont éloignées des villages, qui sont entourés des plantations les plus vieilles et les moins productives. Les agroforêts à hévéa couvrent 0,5 million ha dans la province au début des années 1990 (Joshi et al. 2002), et 3 à 4 millions ha sur l’ensemble de la pénéplaine orientale de Sumatra (Levang et Gouyon 1993).

Parmi les ardents supporters de l’agroforesterie paysanne (et des savoirs traditionnels), nombreux sont ceux qui oublient la principale condition de leur durabilité, à savoir leur continuelle expansion au détriment de la forêt naturelle. Les jeunes hommes peuvent facilement gagner leur vie en saignant les agroforêts appartenant à leurs aînés, sur une base de métayage. La récolte (ou son revenu, en fonction de la volonté du propriétaire) est généralement partagée équitablement entre le métayer et le propriétaire de la plantation. Mais lorsque le travail est rare, comme dans le district de Bungo, le saigneur perçoit deux tiers de la récolte alors que le propriétaire de la parcelle n’en reçoit qu’un tiers. Aucun travail de maintenance n’est impliqué. Ainsi les agriculteurs âgés conservent leurs plantations jusqu’à leur décès, en les mettant en métayage, ce qui leur assure un revenu régulier similaire à une retraite. Les jeunes ménages qui souhaitent se procurer une source de revenu et un capital n’ont d’autre choix que d’ouvrir de nouveaux essarts dans la forêt pour y planter des hévéas. En introduisant une plante pérenne dans leur ladang, les agriculteurs sortent la parcelle considérée du cycle de rotation rizicole et des terres communautaires dédiées à la culture du riz. La ressource en terre pour les nouveaux foyers est limitée, et ceux-ci n’ont d’autre solution que de s’attaquer à la forêt pour accéder à la propriété foncière. Ainsi, longtemps avant le développement de grandes plantations industrielles, les forêts primaires de Sumatra ont été victimes de l’expansion ininterrompue des agroforêts.

Les agriculteurs sont restés les principaux consommateurs de terres forestières de Sumatra jusqu’au début du XXe siècle. Mais rapidement avec le nouveau siècle de nouveaux acteurs se sont présentés, réclamant des droits sur les forêts de Sumatra, pour leur conservation, leur exploitation ou leur conversion. Le gouvernement colonial néerlandais, probablement inquiet de la rapide déforestation du pays, a créé de vastes réserves naturelles dès les années 1930 (Gouyon 1995). Ces réserves ont été rigoureusement conservées jusqu’à l’Indépendance de l’Indonésie en 1949, mais sont rapidement tombées après celle-ci, victimes de la hache des paysans locaux (Levang et Gouyon 1993). Avec la réorganisation des services forestiers et l’établissement d’un nouveau système de concessions forestières mis en place dans les années 1970, la forêt primaire est devenue propriété de l’Etat, et les communautés ont parfois perdu l’accès à leurs territoires coutumiers, souvent sans même le savoir. D’autres larges étendues forestières ont été dévolues au programme de transmigration (Levang 1997). Dans le cadre de ce programme et en dehors, la forêt de Sumatra a également été condamnée par le développement de plantations industrielles d’hévéa et de palmiers, et de plantations de bois pour pâte à papier.

La dénégation des droits d’accès à la forêt naturelle des communautés locales au début des années 1970 a limité les possibilités d’expansion des agroforêts. Certains chercheurs (dont Levang et Gouyon 1993 ; Michon et al. 1995) ont prédit que la saturation progressive de la terre allait obliger les agriculteurs à convertir leurs vieilles agroforêts faiblement productives en plantations monospécifiques plus intensives. Cette prédiction ne s’est confirmée que dans quelques villages. Ailleurs, la saturation foncière a poussé au renouvellement des agroforêts à hévéa. La lente propagation des techniques d’intensification de la production de caoutchouc explique en partie ce maintien inattendu des pratiques agroforestières. Les techniques hévéicoles intensives, en particulier l’usage de variétés améliorées (clones de GT 1 et PB 260), n’ont pas été massivement adoptées par les paysans. Quelques mauvaises expériences – comme la plantation de plants d’hévéa vendus sous le label ‘variété améliorée’ mais qui, 10 ans plus tard, se sont révélés moins productifs que les variétés locales – se sont traduites par une perte de confiance dans la qualité du nouveau matériel végétal. Les agriculteurs déçus ont préféré en rester aux pratiques agroforestières, sans coût de fertilisation ou d’achat de plants (les plants des cultivars locaux étant produits par les agriculteurs). En outre, l’augmentation de la population dans les villages est restée limitée du fait de la forte émigration des jeunes à la recherche de terre ou d’emploi, vers la ville, les sites de transmigration, voire la Malaisie. En conséquence de cette faible augmentation de la

productivité de la terre un objectif mineur. L’adoption de pratiques de culture plus intensives est également limitée par un manque de capital initial pour l’achat de plants de variétés améliorées, de fertilisants et de produits phytosanitaires. Dans tous les projets de développement où les coûts d’établissement de la plantation et les risques relatifs étaient pris en charge, les petits planteurs ont adopté les clones et les techniques intensives avec enthousiasme (Levang et Sitorus 2006).

Les défis de la durabilité et la perte de vitesse de l’agroforesterie hévéicole (1970-présent)

Le contexte socio-économique de l’agroforesterie hévéicole a évolué au cours du temps, tout comme les besoins et désirs des paysans. Avant l’introduction de l’hévéa, les communautés locales étaient déjà en contact avec les marchés national et international par la récolte et la vente de produits forestiers. Le développement de l’hévéaculture a favorisé leur complète intégration dans l’économie de marché. Les formes de consommation, les besoins et les priorités des villageois ont changé. Aujourd’hui les enfants vont à l’école, parfois même jusqu’à l’université, souvent loin de leur village d’origine, ce qui impose de nouvelles dépenses aux familles. Quand ils reviennent au village, ils ont de nouveaux loisirs, de nouvelles habitudes, de nouvelles exigences. L’électrification des zones rurales et le développement des routes bitumées apportent de nouveaux désirs tels que la télévision, les jeux vidéo, les téléphones portables, les réfrigérateurs, les motos ou les voitures. L’amélioration de l’accessibilité et de l’information signifie de nouvelles opportunités pour le village, la diffusion de nouvelles techniques, l’accès à de nouvelles productions agricoles et de nouveaux marchés.

Les agroforêts sont toujours appréciées pour leur faible coût d’installation et de conduite. Leur durabilité écologique n’est pas remise en question. Mais si les coûts d’installation et de conduite des agroforêts à hévéas sont faibles, le revenu qu’elles peuvent générer à la surface ou à la journée de travail sont très faibles en comparaison du produit de plantations de clones améliorés, entretenus avec une fertilisation adéquate et de bonnes techniques de saignée. Dès lors, l’amélioration de la productivité des agroforêts et une condition sine qua non de leur préservation. Mais est-il possible d’améliorer la productivité d’un système de culture relativement extensif sans l’intensifier ? Plusieurs instituts de recherche et organisations non gouvernementales ont cherché des alternatives à la disparition des agroforêts à travers l’augmentation de leur productivité, mais en maintenant leur composition végétale complexe. L’introduction de clones de variétés améliorées dans les agroforêts a été testée. Mais l’adoption par les paysans est faible, en effet le coût élevé des jeunes plants d’hévéa amélioré pousse les paysans à vouloir les protéger de toute concurrence et donc à se tourner vers la monoculture. Quel que soit le succès des plantations intensives, leur adoption par les paysans ne signifiera probablement pas une monospécificité stricte. Certains aspects des agroforêts survivront. Les exemples d’agriculteurs ayant réinterprété les innovations techniques proposées par les projets de développement étatiques pour les adapter à leurs pratiques agroforestières sont fréquents. Certains agriculteurs ont ainsi planté d’autres espèces dans les rangs d’hévéas, d’autres ont essayé de greffer en champ du matériel clonal, d’autres enfin ont planté des graines de variétés améliorées récoltées dans les plantations industrielles (Chambon 2001). Une enquête réalisée à Kalimantan-Ouest a ainsi montré que 40% des agriculteurs d’un projet de plantation d’hévéa ont introduit des espèces différentes dans leurs plantations (Chambon 2001).

Augmenter la productivité des agroforêts implique d’augmenter les besoins en travail pour désherber la plantation et favoriser les espèces les plus rentables sur les autres, et de remplacer les arbres improductifs ou âgés par des arbres à fort potentiel de production. En raccourci, l’intensification risque de convertir progressivement les agroforêts en systèmes de plus en plus