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Histoire de la phagocytose : de l’amibe au macrophage

1. Le cuivre

1.5. Le cuivre au sein de l’interaction hôte-pathogène

1.5.1. Histoire de la phagocytose : de l’amibe au macrophage

La phagocytose est un mécanisme complexe mais pourtant ancestral. Les capacités phagocytaires des cellules immunitaires des mammifères sont bien connues mais ces cellules ne sont pas les seules à en être dotées. En effet, il est possible de trouver des organismes unicellulaires très similaires aux macrophages : les amibes.

Les amibes sont des cellules eucaryotes, observées et « décrites » pour la première fois en 1701 par Antoni Van Leeuwenhoek (Leeuwenhoek, 1701), qui ont émergé tôt de la branche qui conduit aux moisissures et aux métazoaires, après séparation de cette branche d’avec celle des plantes (Eichinger et al., 2005). Les amibes sont ubiquitaires et très présentes dans les environnements (sols, eaux, animaux …). Plus de 3000 espèces d’amibes ont déjà été décrites mais les estimations tendent vers 12000 à 13000 espèces (Adl et al., 2007). Les amibes évoluant relativement rapidement, elles possèdent une capacité d’adaptation importante qui a permis à ces organismes de coloniser très rapidement des structures créées par l’humain. On les trouve dans les piscines, les douches, les systèmes de distribution des eaux, les bassins de sédimentation et dans les tours aéroréfrigérantes (Thomas and Ashbolt, 2011). Les amibes sont présentes sous deux formes : les trophozoïtes qui sont les formes actives et les kystes qui sont les formes de résistance. Ces derniers présentent une paroi à structure complexe permettant de résister à des conditions extrêmes (Thomas et al., 2004).

Figure 14 : Arbre

phylogénétique. Il est possible de voir que Dictyostelium discoideum représentant des amibes dans cet arbre se situe entre les plantes (en vert) et les Champignons / animaux (en bleu et rouge) avant la séparation de ces derniers.

38 Les amibes environnementales sont capables d’importer les nutriments extérieurs comme n’importe quelle cellule, mais se qui caractérise ces cellules sont leur capacité phagocytaire. En effet, dans les environnements pauvres en nutriments, les amibes utilisent la phagocytose pour se nourrir des microorganismes environnants. Divers microorganismes peuvent être phagocytés mais les principaux restent les bactéries. Les amibes sont donc des régulateurs importants des populations et communautés bactériennes (Rodríguez-Zaragoza, 1994). A l’instar des macrophages, les amibes « digèrent » les bactéries grâce à l’action de leurs phagolysosomes appelés vésicules digestives. La fusion de ces vésicules avec les endosomes contenant les bactéries phagocytées entraine une acidification, un burst oxydatif, un appauvrissement en certains métaux ou une augmentation d’autres, et la production de nombreuses hydrolases (Greub and Raoult, 2004; Hao et al., 2016).

Il est intéressant d’observer que si les amibes se nourrissent de bactéries, de nombreuses bactéries ont évolué pour résister à la phagocytose (Hao et al., 2016). D’autres vont même jusqu’à persister et se multiplier dans les amibes comme Legionella pneumophila (Greub and Raoult, 2004). Même des bactéries du genre Bordetellae semblent capables d’utiliser les amibes pour se répandre, comme décrit récemment (Taylor-Mulneix et al., 2017). Il est probable qu’une certaine proportion de ces bactéries, passées de proies à parasites, ait continué leur évolution vers l’endosymbiose. En effet, de nombreuses amibes dépendraient de certaines de leurs bactéries intracellulaires (Jeon and Jeon, 1976). Les bactéries du genre

Chlamydia sont très présentes dans les parasites et seraient devenues des endosymbiontes

d’amibes. Par exemple, chez les amibes du genre Acanthameoba, 5 % des bactéries sont des

Chlamydiae (Fritsche et al., 2000).

Figure 15 : Sur le panel de gauche, il est possible d’observer l’augmentation des tailles de génomes des bactéries présentes dans les amibes, alors que les bactéries pathogènes ont plutôt tendance à perdre des gènes, tendant à prouver que l’amibe est un lieu d’échange génétique. Sur le panel de droite on voit que les bactéries résistant aux phagolysosomes ont des génomes plus grands que les bactéries spécialisées à la vie intracellulaire dans un seul hôte. (Moliner et al., 2009)

39 En plus de la pression de sélection qu’exercent les amibes, elles permettent d’augmenter les échanges horizontaux chez les bactéries. Les Rickettsia sont de bons exemples dans ce domaine (Wang and Wu, 2017). Ces bactéries sont des parasites des cellules amibiennes et animales. Elles ont la particularité de détourner l’ATP produite par leur cellule hôte. Il semble que l’ATP/ADP translocase qui permet à ces bactéries d’importer l’ATP soit issue d’un transfert horizontal qui s’est produit avec une bactérie du genre Chlamydia au sein des amibes (Greub and Raoult, 2003).

Les amibes sont donc un lieu d’échange de matériel génétique entre bactéries, permettant l’adaptation accélérée à cette pression de sélection que représente l’amibe. En effet les bactéries vivant au sein des amibes semblent voir leur génome augmenter grâce aux transferts horizontaux (Moliner et al., 2009).

Comme nous avons pu le voir, de nombreuses bactéries semblent avoir acquis des systèmes de résistance aux cellules du système immunitaire au sein des amibes. L’amibe semble donc être l’étape évolutive majeure entre l’environnement et l’infection animale. Pour ces bactéries, les amibes ne représentent pas uniquement une pression de sélection mais tiennent aussi la fonction de réservoir. C’est le cas par exemple de Legionella

pneumophila et des réseaux d’eau (Thomas et al., 2006), où les amibes sont une source de

dispersion grâce à des mécanismes qui lui sont propres (comme la sporulation). Ces dernières sont capables d’empaqueter des bactéries cytoplasmiques et de les évacuer dans des vésicules permettant à l’amibe de limiter la multiplication des bactéries parasites intracellulaires et donc de retarder sa lyse (Greub and Raoult, 2002). Un autre exemple est l’utilisation comme vecteur des corps de fructification produisant des spores chez les amibes sociales (Taylor-Mulneix et al., 2017).

Quoique peu étudiée, l’amibe est considérée comme l’ancêtre évolutif des macrophages présents chez les métazoaires (Siddiqui and Khan, 2012). Nous avons vu que les mécanismes de phagocytose sont similaires entre les deux organismes. Il en est de même pour l’homéostasie des métaux, qui sera décrite dans la partie suivante. De nombreux autres systèmes sont très similaires. Les amibes possèdent des récepteurs semblables aux TLR des macrophages (Clarke et al., 2013) chargés d’induire la phagocytose et l’expression des gènes impliqués dans la bactéricidie. Chez Acanthamoeba castellanii, il existe une protéine NADPH oxydase quasi identique à celle présente chez les neutrophiles et dont la fonction est de générer un stress oxydant bactéricide (Davies and Edwards, 1991). Le cas le plus étonnant est l’amibe sociale D. discoidum, qui développe un semblant de système immunitaire. En effet, des groupes pluricellulaires s’organisent de façon à ce que certaines cellules expriment une protéine avec un domaine Toll/interleukine 1 receptor, qui va permettre de détecter et d’éliminer les bactéries du genre Legionella (Chen et al., 2007).

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