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Chapitre 1. Le contexte de la recherche 91

1.1   Histoire de la confection et du prêt-à-porter 91

La confection s’intéresse à une fabrication des vêtements en série. Elle concerne principalement dans le courant du XIXème siècle les tenues régionales et certaines tenues professionnelles comme les uniformes militaires (Aldrich in Ashdown 2007; Grumbach 2017). Avant les années 1950 la mode est bipolaire. D’un côté, une Haute Couture luxueuse

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qui crée des modèles griffés et habille sur mesure. A l’opposé, la confection produit des vêtements en séries industrielles. Elle tente de reproduire plus ou moins bien, plus ou moins vite, les créations lancées par la Haute Couture. Dans cette production de masse, la marque, la griffe n’existent pas ; on appose celle des clients détaillants. Entre ces deux systèmes existe une petite couture sur mesure produite par des petits établissements de couturières ou réalisée à la maison par les femmes pour elles-mêmes et leurs proches (Lipovetsky 1987 p81).

L’expression « prêt-à-porter » traduite de l’anglais ready to wear, fait son apparition en 1949-1950. Elle est lancée simultanément par deux chefs d’entreprise, Weill et Lempereur, gros confectionneurs qui ont chacun séjourné aux Etats-Unis dans le but d’améliorer leur production industrielle (Grumbach 2017 p206). A la différence de la confection traditionnelle, le prêt-à-porter s’est engagé dans la voie nouvelle de produire industriellement des vêtements accessibles à tous, mais néanmoins mode, inspirés par les dernières tendances du moment…le prêt-à-porter veut faire fusionner l’industrie et la mode , il veut mettre la nouveauté, le style, l’esthétique dans la rue (Lipovetsky 1987 p128).

Plusieurs nouveautés sont instaurées. D’abord la griffe : alors que précédemment les détaillants apposaient leur griffe sur les vêtements confectionnés, reléguant les noms des confectionneurs dans le secret des fichiers fournisseurs, ces noms font enfin leur apparition, modifiant ainsi la donne : le confectionneur n’est plus un pion dans l’ombre dont on peut disposer, mais une entreprise qui développe son image et choisit ses clients. Pour développer leur image, les confectionneurs utilisent une autre nouveauté pour leur industrie, la publicité qui les fait connaitre et fait accroitre leur chiffre d’affaires. Trois conséquences : l’une pour le tissu commercial l’autre pour le tissu industriel et enfin la dernière pour la création. Au niveau commercial les gros confectionneurs se mettent à développer l’usage de représentants exclusifs plutôt que multicartes, ce qui développe encore plus le chiffre d’affaires et la notoriété. Au niveau production, les confectionneurs faisaient historiquement largement appel à la sous-traitance. Or la souplesse de ce système a son inconvénient, celui de la non-maitrise de l’outil de production partiellement externalisé. Certaines maisons vont alors s’industrialiser afin d’internaliser sur Paris ou en province la main-d’œuvre et mieux gérer les flux et les délais (Grumbach 2017 p206). Enfin d’un point de vue créatif, les confectionneurs, sur le modèle de ce qu’ils ont vu aux Etats-Unis, vont développer un département de création en faisant appel à leurs propres stylistes. C’est à cette époque qu’apparait le premier salon du PAP féminin en 1957. Depuis lors, deux salons du PAP ont lieu chaque année à la porte de Versailles. Les

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premiers cabinets indépendants de conseil en style font leur apparition (comme Promostyl créé en 1966). Avec le stylisme, le vêtement industriel de masse change de statut, il devient un produit mode à part entière (Lipovetsky 1987 p129) qui s’affranchit peu à peu des créations de la Haute Couture pour devenir force de proposition esthétique.

Actuellement presque tous les vêtements se rangent dans la définition du PAP, du bas de gamme Tati au PAP de luxe Saint Laurent. Deux types de vêtements font exception et ne se rangent pas dans cette définition : la Haute Couture qui produit des pièces vendues uniquement sur mesure (soit environ 200 acheteuses dans le monde)6 et les « vêtements faits

maison ».

Pour répondre à la demande d’activistes qui réclament une mode inclusive (très petites comme très grande taille) on remarque récemment une nouvelle tendance grâce au e- commerce, celle de proposer un large spectre de tailles par référence (voir les sites Asos, Dorothy Perkins). Nous percevons une nouvelle tendance où le PAP n’a plus pour rôle - historiquement premier- de proposer une mode basée sur la standardisation des tailles à moindre coût versus le sur mesure. Aujourd’hui le PAP doit s’adapter à un nombre croissant de morphologies et de tailles, sans pour autant perdre en rentabilité, et continuer à offrir les mêmes niveaux de prix. Une des solutions proposées sur internet : le « prêt-à-fabriquer ». On peut passer commande à partir d’un modèle choisi dans une e-collection, où formes et tissus (encore en rouleaux) sont prédéfinis. Il ne reste plus qu’à envoyer ses propres mesures afin que le modèle soit confectionné. Il suffit de chercher par mots clés sur le net pour en trouver des exemples7. Il est intéressant dans cette tendance de constater qu’après des siècles de

vêtements réalisés sur mesure à la maison ou en boutique, suivis par près de deux siècles de confection et prêt-à-porter cherchant à vendre le plus grand nombre de vêtements au plus grand nombre de consommateurs grâce à une fabrication normée en séries, se développe actuellement le concept hybride d’un « prêt-à-fabriquer ».

6 https://next.liberation.fr/culture/2005/09/02/quand-le-pret-a-porter-a-fait-craquer-la-couture_531065 7 Par exemple https://lechemiseur.fr/

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