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ASPECTS MICROSCOPIQUES DES BOULEVERSEMENTS ARCHITECTURAUX AU COURS DE LA TRANSFORMATION

III. ASPECTS DYNAMIQUES DE LA SEQUENCE HYPERPLASIE - ADENOME – CANCER

1. HISTOGENESE DES LESIONS DANS LA SEQUENCE

HYPERPLASIE-ADENOME-CANCER.

A partir de la séquence hyperplasie-adénome-cancer, on peut envisager l’histogénèse des lésions précancéreuses et cancéreuses coliques en rapport avec la mise en jeu de la voie de signalisation Wnt (100).

1.1. Histogénèse des lésions.

1.1.1. Foyers de Cryptes Aberrantes (ACF).

On considère ces lésions épithéliales microscopiques comme les plus petites lésions individualisables dans le colon précancéreux (98). Elles sont dysplasiques dans 5% des cas (micro-adénomes) (112). Dans les PAF, elles sont accompagnées par des mutations APC, par lesquelles on admet qu’elles seraient initiées ; en dehors des PAF, on a fait jouer le rôle

d’initiateur aux mutations de la β-caténine. Ces deux lésions ne sont pas toujours

retrouvées, mais on note la grande fréquence des altérations de l’expression de la β -caténine. Elles évoluent en adénomes.

Lorsqu’elles ne sont pas dysplasiques, on parle de polypes hyperplasiques. Ils seraient initiés souvent mais non toujours par une mutation de K-ras et pourraient progresser de l’ACF à la transformation adénomateuse.

Cependant, il existe une grande hétérogénéité moléculaire dans ces lésions. Ainsi, à côté de ces voies classiques, les phénomènes d’inactivation génique par méthylation du promoteur semblent très importants pour le passage des ACF vers les stades ultérieurs de la cancérogénèse ; on trouve en effet des sous-groupes caractérisés par la méthylation de hMLH1, avec ou sans perte de fonction du gène MGMT (25) avec ou sans mutation de K-ras.

1.1.2. De la Crypte Aberrante à l’adénome et au polype hyperplasique : le

modèle des lésions de PAF.

Si on considère que la crypte aberrante est la première lésion identifiable lors de la cancérogénèse colorectale, comment se fait le passage de la muqueuse normale à la crypte aberrante et à l’adénome ? Des travaux récents (17) menés dans des adénomes de PAF, ont 69

montré que des cellules possédant des marqueurs communs à ceux des cellules souches

intestinales du fond des cryptes1, connaissent une prolifération et une expansion

particulièrement considérables, qui les conduisent vers la surface des cryptes2 ;

parallèlement, les cellules qui expriment des marqueurs spécifiques de la surface des

cryptes3 se déplacent vers le bas des cryptes sans que leur nombre augmente. Ce

phénomène d’expansion des cellules de la base des cryptes, et donc, des cellules souches se ferait sous l’effet de mutations APC (15). Ce serait donc cette surpopulation de cellules souches qui serait à l’origine du déplacement des cellules proliférantes de la base des cryptes vers la superficie (77). Ainsi, à la base de la formation de l’adénome et du polype, il y aurait non seulement des modifications dans le compartiment de prolifération, mais également un accroissement de la proportion de certains types cellulaires, notamment ceux qui ont le phénotype des cellules de la base des cryptes. Un argument en faveur du rôle régulateur de l’APC sur la population épithéliale est l’existence d’un gradient décroissant de sa concentration de l’épithélium de surface vers le fond de la crypte. L’expansion des cellules prolifératives qui auraient migré vers la surface peut donc être limitée.

Ceci est en accord avec la présence maintenant bien documentée de cellules prolifératives tout le long de la crypte dans les adénomes, y compris dans la région supérieure de la crypte et dans l’épithélium de revêtement (105, 108). Quels seraient les mécanismes moléculaires à l’origine de cette prolifération particulière ? Si l’on admet avec les auteurs que le gène APC non muté régule le nombre des cryptes du colon, il pourrait le faire par la voie β-caténine/Tcf4. Il participe en effet au complexe qui dégrade la β-caténine. Or, on a vu qu’en l’absence de dégradation, la β-caténine s’accumule dans le cytoplasme, puis va dans le noyau, où elle va stimuler la prolifération par son actions sur ses gènes cibles, parmi lesquels la Cycline D1, c-myc et la survivin. Lorsque des mutations sur le gène APC l’empêchent de jouer son rôle, il n’y a plus dégradation de la β-caténine . Un autre mécanisme de contrôle de la prolifération au travers du rôle de l’APC sur la régulation de la β-caténine pourrait faire intervenir la survivin, molécule anti-apoptotique cible de la β -caténine. A l’état normal, la survivin se trouve exprimée dans la partie basse des cryptes, permettant l’accroissement de la population de cette partie basse tandis que les cellules des zones plus élevées qui ne sont plus sous l’influence de la survivin subissent l’apoptose; en cas de mutation du gène APC la régulation de la population cellulaire n’a pas lieu, et

1 Dans le travail cité : MSH2, Bcl-2, survivin..

2 Il y aurait donc accroissement de la population proliférative, ee son expansion la mènerait dans la partie supérieure des cryptes, puis en surface dans l’épithélium de revêtement.

parallèlement on observe la présence de survivin dans la partie moyenne des cryptes (c’est ce qu’on trouve dans des cryptes de PAF et dans les cryptes des adénomes, où la survivin est même exprimée particulièrement abondamment en surface).

Mais d’autres facteurs peuvent jouer un rôle important dans la migration cellulaire et la régulation de la population. Il a ainsi été observé (128) que l’expression de p27kip1 est importante dans la partie supérieure des cryptes dans l’épithélium normal, mais se déplace dans la partie basse des cryptes dans les adénomes. De même l’expression du TGF-β est importante en haut des cryptes de la muqueuse normale et se déplace vers le bas dans les adénomes. On peut en inférer que dans les adénomes les cellules migrent vers la base des cryptes, tandis que dans la crypte normale elles migrent vers la surface. Ceci suggère aux auteurs l’importance du rôle régulateur de p27kip1 et du TGF-β non mutés dans le cycle cellulaire où ils inhibent la progression de G1 à S (16). Ceci suggère également la possibilité que le TGF-β ralentisse le taux de prolifération des cellules dans la partie basse des cryptes. Cependant ce type de croissance est controversé. En effet, si l’on s’en réfère à ces observations, on explique mal la présence de cellules apoptotiques dans le fond des cryptes normales, et le sens de la différentiation cellulaire le long des cryptes, qui se fait vers le haut.

1.1.3. De la prolifération cellulaire à la formation des adénomes et des

polypes hyperplasiques : fission et bourgeonnement.

On vient de voir que l’anomalie majeure au début de la cancérogénèse rectocolique réside dans le développement excessif de la population des cellules des cryptes. A la fois dans des lésions prénéoplasiques de PAF chez l’homme et dans des lésions de néoplasie intestinale multiple (MIN) chez la souris porteuse de mutations APC, il a été montré qu’il en résulte un taux élevé de fission des cryptes (16, 154). Le processus débute par une bifurcation à la base de la crypte (159), qui est suivie par une division longitudinale de la crypte. Dans la PAF comme dans la MIN, ce processus de fission est accru aussi bien dans les cryptes normales que dans les cryptes aberrantes. Le processus est particulièrement important dans l’intestin néonatal chez l’animal, où il aboutit à l’accroissement du nombre des cryptes et permet la formation de cryptes secondaires totalement mutées à partir de cryptes partiellement mutées1.

1 après injection de carcinogènes (94)

1.2. Quelques points singuliers dans la séquence

hyperplasie-adénome-cancer de certaines lésions

.

C’est à partir de l’étude des polypes que la séquence hyperplasie – adénome – cancer avec les mutations correspondantes, a été établie par Vogelstein. De façon générale, dans le modèle séquentiel qui mène de l’épithélium normal à l’hyperplasie, à la dysplasie puis à la dysplasie de haut grade et à l’état précancéreux, on considère actuellement que les mutations de la voie APC/β-caténine, à l’origine de la séquence, peuvent être remplacées par l’intervention d’autres protéines Wnt ; les mutations K-ras sont impliquées au stade de l’adénome. Les mutations p53 sont un événement tardif.

Les lésions non polypoïdes décrivent la même séquence adénome-cancer en passant par des stades précurseurs, mais ne semblent pas déterminées par les mêmes mutations : ainsi, la mutation K-ras, précoce dans les lésions polypoïdes, ne se rencontre pas dans les lésions planes, alors qu’inversement la mutation p53 y semble précoce.

Sur la base de ces données, on en est arrivé à la conception prônée par l’école japonaise, de deux voies que nous appellerons morphogénétiques, de la cancérogénèse colorectale (118). On décrira ici quelques mécanismes biologiques de la séquence hyperplasie-dysplasie-cancer particuliers à certains types de lésions.

1.2.1. Adénomes « en dents de scie » (serrated adenomas)..

La formation de ces lésions précurseurs du cancer fait intervenir deux étapes : une inhibition de l’apoptose, puis une altération du mécanisme de DNA repair. D’où le spectre évolutif suivant : ACF non dysplasique-polype hyperplasique- polype mixte- adénome en dents de scie.

Dans leur mécanisme de survenue on privilégie actuellement un mécanisme par méthylation des promoteurs avec inactivation épigénique des gènes, analogue à celui observé dans les ACF, dont ils seraient donc directement issus (49) Des associations entre la méthylation de MGMT et les mutations ras, ont été observées (117).

1.2.2. De l’adénome « en dents de scie » au CCR MSI-H.

Cette séquence a pu être retrouvée essentiellement dans les CCR sporadiques, de phénotype MSI, avec perte d’expression de hMLH1, ou méthylation de hMLH1, ou

mutation de TGFβRII, IGFR2R, BAX.

- démonstration dans des polypes hyperplasiques de sous-clones dysplasiques avec le profil MSI-H ;

- fréquence accrue de polypes hyperplasiques dans les CCR MSI-H ; - phénotypes mucineux similaires ;

- les adénomes traditionnels n’ont pas le profil MSI-H ;

- on ne trouve pas le spectre mutationnel classique dans les CCR MSI-H.

1.2.3. De l’adénome « en dents de scie » au CCR MSI-L.

On peut trouver, dans l’adénome « en dents de scie », comme on les trouve dans le CCR MSI-L, des altérations sur le chromosome 1p, une grande fréquence de mutations du gène K-ras, une inactivation par méthylation du gène MGMT.

1.2.4. Adénomes modèle « de haut en bas ».

Il s’agit morphologiquement d’un bouton latéral sur une crypte parentale. Il naît à partir d’un tubule d’épithélium immature et proliférant qui va migrer pour « tomber » à partir de l’épithélium de surface. Il donne naissance à partir de sa base à un microadénome par croissance latérale. La répétition de cette séquence conduit à une croissance exophytique ou polypoïde. Ce modèle est fréquent dans les PAF. Il implique la mise en jeu de la voie de l’APC, mais également une dysrégulation de la prolifération et une inhibition de l’apoptose.

1.2.5. Adénomes modèle « de bas en haut ».

Ce modèle est retrouvé dans les adénomes « en dents de scie ». La zone proliférative reste dans la partie inférieure, les cellules maturent et cessent de se diviser dans leur migration vers le haut. Le mécanisme principal est l’inhibition de l’apoptose et le défaut d’exfoliation superficielle des cellules (ou anoïkis). On peut déjà à ce stade trouver des anomalies moléculaires (méthylation de hMLH1 et HPP1, MSI-L ou H, perte d’expression de hMLH1 etc…). Cette séquence est fréquente dans les CCR sporadiques, MSI-H ou MSI-L.