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LA PROTECTION JURIDIQUE DU HANDICAPÉ MENTAL EN DROIT PUBLIC SUISSE

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auraient pu être subventionnés par la Confédération et non plus seule-ment par l' Assurance-invalidité.

D'ailleurs, même l'inscription d'un droit à la formation dans la Constitution ne résoud, à elle seule, aucun problème. En effet, il y a lieu de ne pas se leurrer. Si l'on veut éviter qu'il en aille des écoles spécialisées comme des établissements spéciaux prévus pour les délin-quants, qui n'existent souvent pas encore, plus de trente ans après l'adoption du Code pénal, l'initiative pour la création des écoles spé-cialisées viendra des particuliers intéressés à la question. Il n'y a, en effet, aucun moyen autre que politique d'obliger le législateur à légiférer et le gouvernement à agir dans ce domaine.

En effet, même l'affirmation du Conseil fédéral, dans son message précité, que le nouvel article 27 /1 ouvrirait aux individus la voie du recours de droit public 13 ne saurait convaincre, car, ce recours a des effets uniquement cassatoires, c'est-à-dire qu'il permet d'obtenir l'annu-lation de décisions illégales ou inconstitutionnelles, mais n'est pas un moyen d'obliger l'étUtorité à fournir une prestation - soit en l'espèce à construire une ècole spécialisée ou créer des cours particuliers. Un 1el recours permet donc de s'opposer efficacement à une discrimina-tion dans l'accès à l'instrucdiscrimina-tion ou à un établissement existant (voir déjà art. 4 Cst), à une contrainte obligeant un enfant à suivre une formation ne correspondant ni à ses gouts ni à ses aptitudes (liberté individuelle non écrite) à un refus des subsides légalement prévus.

li ne permet en revanche pas d'obtenir que le législateur se conforme à son obligation de créer les conditions nécessaires pour que les handi-capés mentaux bénéficient d'une formation adéquate et que l'exécutif mette effectivement sur pied de telles conditions. Enfin, dans la mesure où un enseignement spécialisé est dispensé dans les écoles primaires publiques, la loi sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 ouvre à son article 73 un recours au Conseil fédéral si un écolage est exigé.

Dans le domaine scolaire, il y a lieu de tenir en outre compte du droit cantonal. Ce droit varie considérablement d'un canton à l'autre 14 • On peut, semble-t-il, distinguer trois situations : les cantons qui con-fèrent aux handicapés un droit à une éducation spécialisée et ont créé des écoles ou classes spécialisées, les cantons qui connaissent des dis-positions les obligeant à créer des écoles spécialisées ou des classes particulières et les cantons qui prévoient le simple subventionnement

13 Ibid., p. 417.

14 Voir rapport publié par l'OFAS précité, p. 107-122.

DROIT PUBLIC 23 de l'éducation de ces enfants. Le canton de Genève tombe dans la seconde catégorie mais connaît aussi un subventionnement limité (art.

23 de la loi sur l'instruction publique du 6 novembre 1940).

A part ces droits, le droit constitutionnel suisse ne connaît pas d'autres droits sociaux généraux. On ne voit donc pas que les handi-capés aient un droit constitutionnel au travail, à des soins, ou à la sécurité économique. Cependant, ceci n'empêche pas que, grâce à la législation sociale, des soins leur soient donnés, un travail leur soit fourni et une certaine sécurité économique leur soit accordée. On admet, en effet, en général que les droits sociaux de rang constitutionnel ne sont efficaces que si une législation d'exécution les met en œuvre. En Suisse, nous n'avons, dans ce domaine, certes guère de tels droits sociaux, mais la législation d'application existe déjà. Le besoin pratique est ainsi, au moins en partie, satisfait.

D) Les demandes à l'administration.

Certaines décisions touchant les particuliers sont prises d'office par l'administration. Ces décisions peuvent, sans doute, être prises envers un handicapé mental comme envers tout autre individu (par exemple taxation d'office 15, signalisation routière et mesures de police admi-nistrative).

En revanche, la plupart des décisions administratives nécessitent une demande des intéressés. Ces décisions administratives sont souvent divisées en décisions créant, modifiant ou annulant des droits ou des obligations, décisions de constatation de droits ou d'obligations et décisions rejetant des demandes tendant à l'obtention de décisions du premier type ou les déclarant irrecevables. On pourrait certes, sur le modèle du droit privé, distinguer parmi ces décisions celles qui impli-quent l'acquisition de droits à titre gratuit et celles qui entraînent des obligations pour les administrés, on en déduirait que le handicapé mental capable de discernement, même sous tutelle, devrait, en tout état de cause, pouvoir présenter seul toutes les demandes tendant à obtenir des décisions lui assurant des avantages gratuits.

Cette conception ne nous paraît pas satisfaisante en droit public car îl nous semble que, dans ce domaine du droit, la notion même

d'avan-15 Signalons, à propos du droit fiscal, que l'art. 31 de la loi sur les contri-butions publiques de Genève permet aux parents de déduire certaines sommes forfaitaires de leur revenu imposable au titre d'enfants handicapés, majeurs ou non, autorise la déduction des frais médicaux et la défalcation des rentes inva-lidité. Sur le plan fédéral, les rentes sont imposables à 80 % mais les parents peuvent aussi déduire une somme forfaitaire par descendant handicapé néces-siteux.

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tage gratuit n'existe pas, sauf, peut-être, en ce qui concerne les sub-sides scolaires ou les rentes de sécurité sociale. En effet, la demande déclenche l'application du droit public et administratif avec ses avan-tages et ses désavanavan-tages légaux. Il nous paraît, en conséquence, qu'en règle générale, le handicapé ne doit pouvoir présenter seul les demandes que s'il n'est pas 8ous tutelle et s'il se rend compte de la portée de sa demande et de ses conséquences, c'est-à-dire, s'il est capable de discer-nement. En outre, il va sans dire que la demande ne peut recevoir un accueil favorable que si le handicapé réunit les conditions dont la loi prévoit d'une façon générale qu'elles doivent être remplies dans la personne de l'administré.

Sur cette base, on pourrait, peut-êtr.e, faire les distinctions suivantes : 1) Certains actes administratifs ne mettent pas en cause la personne elle-même mais ses biens (par exemple un permis de bâtir, une décla-ration d'impôts). il ne paraît pas y avoir de difficultés pour qu'à leur égard le handicapé (niveau IV et peut-être III) qui aurait la faculté de discernement et qui ne serait pas sous tutelle puisse adresser les informations requises à l'administration ou solliciter une décision. Si le handicapé est sous tutelle, mais a la capacité de discernement néces-saire, sa demande ou sa déclaration doit être considérée, en règle générale, comme nulle, sauf si le tuteur la ratifie ; ces actes dépassent, en effet, en général, des actes de la vie courante que l'interdit capable de discernement peut accomplir seul ; le handicapé doit être protégé contre lui-même. Si le handicapé n'a pas la capacité de discernement et est sous tutelle, il est évident que seul le tuteur peut agir en son nom.

Si, en revanche, le handicapé qui n'a pas la capacité et n'est pas sous tutelle adresse quand même une demande à l'administration, celle-ci est tenue, selon l'article 368 du Code civil, de signaler le cas à l'autorité de tutelle si elle se rend compte de l'état du demandeur. Si elle ne s'en rend pas compte, la demande ou l'information devrait être considérée comme sans effet juridique (voir la solution analogue de l'article 18

du Code civil). Il en irait de même de l'acte administratif pris ensuite de cette demande ou réclamation, dès que l'incapacité de discernement serait invoquée.

2) Certains actes administratifs et notamment certaines autorisations administratives mettent en cause la personne elle-même (par exemple permis de conduire, permis de chasse, permis de pêche, certificat de capacité professionnelle). Ces autorisations ne peuvent être accordées que sous réserve que les conditions posées par la loi quant à la per-sonne du demandeur soient remplies, par exemple un examen portant sur des connaissances abstraites, notamment d'ordre juridique.

L'exa-DROIT PUBLIC 25 men devrait révéler le handicap, ou l'absence de discernement en tout cas dans les niveaux I à Ill. Quant au niveau IV, la situation paraît plus délicate. Si le handicapé de ce niveau, sous tutelle ou non, a la capacité de discernement, il peut, en principe, obtenir ces autorisations si la loi ne prévoit pas que seul le tuteur éventuel peut présenter la demande (art. 34 de la loi sur la nationalité, par exemple). S'il ne l'a pas et est sous tutelle, le tuteur ne peut, par définition, agir pour le handicapé. S'il ne l'a pas et n'est pas non plus sous tutelle, nous nous retrouvons dans le dernier cas décrit ci-dessus.

En ce qui concerne, en particulier, le permis de conduire, l'arrêté du Conseil fédéral concernant les exigences médicales requises des conducteurs de véhicules et l'examen médical du 28 avril 197116,

prévoit que le candidat doit remplir un questionnaire. Celui-ci comporte notamment des questions sur l'existence de maladies mentales, d'épi-lepsie ou crises analogues, d'infirmités en général et sur la tutelle.

Si les réponses fournies, ou l'examen médical sommaire que subissent tous les demandeurs de permis, créent des doutes sur l'aptitude du candidat, il est renvoyé devant un médecin-conseil. L'arrêté du Conseil fédéral prévoit que le permis de conduire une automobile légère ou un motocycle doit être refusé si le candidat a une grave maladie des nerfs, une maladie mentale importante, une oligophrénie, une psychopathie, ou des troubles ou pertes de connaissance périodiques.

3) Enfin il ne paraît pas y avoir de difficultés à ce que les handicapés des niveaux III et IV, capables de discernement, puissent, qu'ils soient sous tutelle ou non, demander des décisions de pure constatation con-cernant leur personne, comme l'octroi d'un passeport ou d'un acte d'origine. Pour les handicapés des niveaux I et II et les autres handi-capés incapables de discernement, les demandes devraient être sou-mises par le tuteur, sinon elles seraient sans effet.

E) l'internement ou le placement.

1La Constitution fédérale ne prévoit pas de droit à l'internement ou au placement du handicàpé mental, pour protéger sa santé par exem-ple. L'internement ne peut, dès lors, intervenir que si l'ordre public l'exige, c'est-à-dire si la santé, la sécurité, la tranquillité ou la moralité publiques le rendent nécessaire. Il s'agit en effet, de la privation d'un droit fondamental de la personne : celui d'aller et venir librement, droit qui ne peut être restreint que pour des motifs d'intérêt public.

16 Recueil des lois fédérales 1971, p. 479.

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