très petite taille, ce qui explique la moindre dimension de ce vêtement, dit aussi houppelande
bâtarde
246. Deux vêtements portant ce nom ont été réalisés pour Philippe le Bon en 1432, l’un
de drap gris, doublé de trois aunes de toile, le second de drap noir. Le premier était porté avec
un manteau et un chaperon. Il était découpé « par dessous », c’est-à-dire dans la partie
inférieure, et fait « par la poitrine a façon d’un glasson
247». Cette appellation fut ensuite
totalement abandonnée. Ces deux pièces représentent vraisemblablement l’ultime survivance
d’un vêtement voué à disparaître.
1.2.2.1.1.5. La huque
La huque d’après les descriptions des articles comptables était un vêtement de dessus,
dépourvu de manches, entièrement fendu sous les bras. Nous pouvons suivre la définition de
Françoise Piponnier et Perrine Mane
248, à l’exception de l’aspect flottant, nuancé par une
243
« la jupe de ce vêtement, attribué aux fous de la cour, est composée de triangles », Se vêtir au Moyen-Age, op. cit., p. 192.
244
Bruxelles, KBR, ms 9242, f. 165 r° par exemple.
245
Le terme de houppelande disparaît au moment où la robe ne désigne plus un ensemble, mais un vêtement unique, à la fin du XIVe siècle et au début du XVe siècle. Elle persiste dans le costume féminin pour désigner un vêtement unique.
246
BEAULIEU Michèle et BAYLE Jeanne, Le costume en Bourgogne, op. cit., p. 48-49, PIPONNIER Françoise et MANE Perrine,Se vêtir au Moyen-Age, op. cit., p. 191.
247
ADN, B 1945, f. 191 r°. Le mot « glaçon » désigne pour Godefroy une sorte de corselet ou de cuirasse, équivalent au « halecret » qui servait autrefois dans l’infanterie française pour armer les piquiers.
248
Vêtement flottant, entièrement fendu sous les bras, PIPONNIER Françoise et MANE Perrine,Se vêtir au Moyen-Age, op. cit., p. 192.
huque « juste devant et volant derrière », portée par Philippe le Bon en 1433
249. Nous pouvons
aussi nuancer la chronologie que proposent Michèle Beaulieu et Jeanne Baylé
250. Les dernières
huques furent citées en 1442.
Ce vêtement était d’abord adapté au costume militaire. Les huques que portait Philippe
le Bon sur les champs de bataille étaient dites « huques d’armes » en 1433
251. Elles étaient
aussi « mi-parties », ou « écartelées », c’est-à-dire présentant plusieurs couleurs en même
temps sur le vêtement. Pendant la campagne de 1433, deux huques étaient destinées à être
portées « dessoubz son harnoiz ». Dérivant de leur usage militaire, les huques étaient utilisées
dans les cérémonies de représentation avec une forte valeur symbolique. Faites de drap de
laine ou de soie, doublée de drap de laine ou de toile, leurs couleurs étaient héraldiques. Le
noir et le gris étaient associés aux huques de Philippe le Bon, des archers, des pages, valets de
chambre et palefreniers. Les conférences de paix d’Arras marquent l’apogée de la huque à la
cour de Bourgogne. C’est ce vêtement chargé d’orfèvrerie qu’a choisi le duc de Bourgogne
pour célébrer la réconciliation franco-bourguignonne
252. Philippe d’Etampes et Jean de Clèves
eurent la possibilité de faire réaliser des huques à leurs couleurs pour eux et pour leur
personnel. Les archers portaient la huque sur le jaque de futaine blanche jusqu’au siège de
Calais en 1436. Elle était brodée aux devises ducales et chargée d’orfèvrerie.
Comme la robe, elle portait les tendances de la mode. Dès le début de la période, la
plupart était découpée, de diverses manières selon la même chronologie décrite pour les
robes
253. On précisait l’emplacement des découpures : sur les côtés, en bas, au niveau du
corps, « tout alentour », et la technique : « au fer et au taillant » jusqu’en 1436. En 1432, le
jeune Cornille revêtit une huque « verde doublée de fustaine, bordée par les costéz et par
dessoubz du verd mesmes, decoppée au fer et taillant, et par le corps décoppée de feuilles
254».
En 1433, six huques appartenant à Philippe le Bon « qui estoient de façon trop vieze à son
249
ADN, B 1948, f. 311 r°. Michèle Beaulieu et Jeanne Baylé ont aussi repréré cette forme, Le costume en Bourgogne, op. cit., p. 45-56.
250
« on en trouve mention dans les comptes du début du XVe siècle et qui disparaît vers 1435 », Le costume en Bourgogne, op. cit., p. 45-56.
251
ADN, B 1948, f. 306 v°.
252
Voir 2. [1435]
253
Des huques de drap d’or étaient loquetées en 1430 au mariage ducal ; au voyage de Bourgogne en 1433, les huques écartelées de noir et gris des archers étaient « bordées tout du long des côtés et par dessus toutes découpées ».
254
gré » furent refaites « à sa devise ». Mais Haine Necker n’a pas précisé la nature de ces
transformations
255.
On reconnaît mal les formes du vêtement. Sans doute plusieurs devaient coexister. On a
vu en 1433 une huque militaire « juste devant et volant derrière ». Dans leur usage civil,
certaines étaient plus longues : en 1433, Haine Necker fut payé pour avoir défait une longue
huque noire d’orfèvrerie et « icelle refaite pour lui armer
256». Sur quel détail portait la mode
« italienne » de certaines pièces ? Cela n’est jamais précisé. Doit-on faire confiance à celle que
porte le marchand Arnolfini peint par Jan Van Eyck en 1434
257, c’est-à-dire ample, longue et
dépourvue d’ouverture sur le devant ? Il n’est pas sûr que la longueur soit acceptable. Celles
que portaient les archers en 1433 étaient dites « italiennes », or, une trop grande longueur
aurait sans doute gêné leurs mouvements. L’aunage nécessaire à leur fabrication, 2,41 aunes
par pièce, confirme qu’elles n’étaient pas très longues. En revanche, l’examen de quelques
images italiennes rend les deux autres caractéristiques séduisantes
258. Le duc en portait en
1434, en 1435 et en 1442.
Comme celle que porte Arnolfini sur le tableau, huit huques ducales furent fourrées au
cours de la période. Elles étaient toutes taillées dans des draps de soie très précieux, velours,
figuré ou broché d’or, satin broché d’or. Invariablement, c’est la martre zibeline qui fut choisie
par le prince. La dernière au moins était taillée dans un velours noir, selon le modèle italien, ce
qui la rapproche singulièrement de celle que porte précisément le marchand de Bruges. Mais si
les formes semblent proches, les matières, particulièrement précieuses dans le cas des huques
de Philippe le Bon devaient suffir à marquer la distinction entre le prince et le marchand.
A la suite du traité d’Arras, la huque fut encore portée au siège de Calais, mais elle
disparût progressivement par la suite. Dans le civil, elle était aussi portée pendant les
255 ADN, B 1948, f. 306 v°. 256 ADN, B 1948, f. 306 r°. 257
National Gallery, Londres. Voir illustration en annexe.
258
Par exemple une miniature extraite de la bible de Borso d’Este entre 1455-1464 (Biblioteca Estense, Modène, vol. 1, f. 139 r°) présente un vêtement de ce type, long jusqu’aux genoux, légèrement cintrée par une cordelette au niveau de la taille. Un autre modèle, moins ample, porté par un soldat est visible dans une miniature de la bible de Marco dell’Avogaro, peint vers 1455-1461 (Biblioteca Estense, Modène, Ms VG 12, vol. 1, f. 9 r°) (Voir illustration en annexe). Deux promeneurs portent ce type de vêtement, cette fois-ci très ample, dans une édition d’Avicenne, Canon de la médecine, daté de la première moitié du XVe siècle (Bibliothèque universitaire, Bologne) ; un homme occupé à se masser le pied posé sur un tabouret, dans un autre ouvrage d’Avicenne, Le canon Maior (bibliothèque universitaire de Bologne) (voir illustration en annexe) ; voir aussi les personnages de la fresque de Francesco Cossa, Palais Schiffanoia, Ferrare, XVe siècle.
cérémonies de mariage, et plus généralement associée à la fête. La huque verte que Cornille fit
faire en 1432 était sans doute destinée à la fête du 1er mai. Jean de Nevers en portait une de
drap d’argent violet aux noces de son frère Philippe d’Etampes en 1439. Les dernières pièces
attestées à la cour, de type italien, furent portées aux noces de Louis de la Viefville en 1442 à
Dijon. Philippe le Bon porta encore deux huques entre 1440 et 1442 : la première de satin noir
était doublée de drap noir, faite à plusieurs plis sur toute la longueur du vêtement, dite « à la
façon d’Allemagne ». Est-ce une indication pour nous de l’origine de ce type de plis très
attesté au cours de années 1440 parmi les robes ? Etait-elle découpée à la manière
germanique ? L’autre huque, faite en 1442, était divisée en quatre quartiers, et comportait
« sept ploiz chacun quartier décoppé en bas par lambeaux tout pertuziez
259». La destination
n’est pas précisée, mais il est vraisemblable qu’elle fut portée au cours de la campagne du
Luxembourg.
Il semble que la huque était aussi un vêtement porté lors des joutes, au caractère
semi-militaire. Au tournoi de Bruxelles en 1439, Philippe le Bon en fit réaliser deux : une de
velours, l’autre de satin, toutes deux doublées de blanc. On apprendra plus tard qu’elles étaient
pourvues de plis farcis de drap de laine noir
260.
1.2.2.1.1.6. Le paletot
Vêtement répandu sur toute la période, le paletot faisait partie des vêtements de dessus.
Pour Françoise Piponnier et Perrin Mane, il s’agit d’un vêtement masculin flottant, court, muni
de manches courtes
261. Mais cette définition semble très raccourcie au regard des multiples
formes présentes dans la comptabilité bourguignonne. Il est dommage que Françoise Piponnier
ne l’ait pas rencontré dans la comptabilité d’Anjou. Il est possible aussi de revenir sur une
partie de la définition fournie par Michèle Beaulieu et Jeanne Baylé
262. « Le paletot qui doit
son nom à ses constantes applications d’orfèvrerie apparaît au cours du second quart du XVe
siècle et semble remplacer progressivement la huque et la jaque, puisque les archers de corps
du duc portent successivement ces trois vêtements, un peu plus long que le pourpoint, doublé
de tissu ou fourré. Le paletot comporte des manches qui sont parfois arrêtées à la hauteur du
coude. Le paletot est aussi un court vêtement d’apparat revêtu sur l’armure ou le pourpoint
avant les joutes ou pendant les défilés ».
259 ADN, B 1975, f. 164 v°. 260 ADN, B 1978, f. 245 r°. 261
PIPONNIER Françoise, MANE Perrine, Se vêtir au Moyen-Age, op. cit., p. 193.
262