comme siège de son ordre. Le petit Charles faisait partie de la promotion.
[1434]
Les dépenses vestimentaires en draps de soie du duc de Bourgogne faites en 1434 sont
pour la plupart de circonstance, réalisées dans un objectif précis, sur le moment. Deux
commerçants ont livré des draps de soie : Paul Melian et Karles Gilles
131. C’est parmi les
draps de laine qu’il faut chercher en cette année 1434 la constitution de stocks pour la
garde-robe
132: d’autres draps, blancs, gris ou noirs furent achetés, en petites quantités, en fonction
des besoins, et en grande partie remboursés aux artisans ducaux, Haine Necker
133, Pierre
Bossuot
134ou Jacob Fichet
135, chaussetier, pour compléter des vêtements en cours de
réalisation. Les achats et façons de fourrure renvoient également en majorité à une gestion de
circonstance pour l’année 1434, mais pour laquelle on n’a pas pu établir de rapprochement
129
Voir SOMME Monique, Isabelle de Portugal, op. cit., p. 51 à 54, et « Le cérémonial de la naissance et de la mort de l’enfant princier à la cour de Bourgogne au XVe siècle », dans Fêtes et cérémonies au XIV et XVe siècle, op. cit., p. 87-104.
130
ADN, B 1948, f. 312 r°.
131
Dans sa déclaration, le premier a donné ses dates de livraison, échelonnées entre le 26 janvier et le 6 juin 1434. Un seul article concernait la personne ducale, qui acquit le 6 juin vingt-trois aunes de velours noir pour faire des robes : c’est la seule mention de constitution de stocks en draps de soie pour l’année. Karles Gilles n’a pas précisé ses dates de livraison, c’est pourquoi sa déclaration a été attribuée par défaut à 1434. Il s’agissait de livraison de petites quantités de drap, pour des vêtements militaires, de diverses couleurs (noir, vert, gris et vermeil). dix aunes de satin gris servirent à faire des pourpoints, et sept aunes de drap cramoisi bien riche, or sur or, furent destinés à la réalisation « d’habits », sans plus de précisions, ADN, B 1951, f. 197 r°-198 r°, 206 v°-208 r°.
132
Un drap de Montivilliers rapporté de Paris par Pierre Longue Joe, vingt aunes de drap d’Ypres bleu pour faire son plaisir (pour donner à volonté ?), 32 aunes d’autre drap d’Ypres, pour faire des chausses, un drap entier appelé « Bellart » acheté à Lière à son passage dans la ville le 8 juillet 1434, et 31,5 aunes de blanchet pour doubler furent achetés à diverses reprises pour accompagner le duc dans ses déplacements, nombreux en 1434, ADN, B 1951, f. 188 r°-188 v°, 199 r°-199 v°, 208 v°-209 r°. 133 ADN, B 1951, f. 204 v°. 134 ADN, B 1951, f. 203 r°. 135 ADN, B 1951, f. 210 v°.
strict entre les achats de draps, la confection, et la fourrure, sauf exception
136: des peaux de
chamois et d’agneaux de Lombardie acquis auprès d’un certain Thierry Claude, marchand de
Genève, sans doute à l’occasion du voyage en Savoie, en février 1434
137.
La confection de vêtements en 1434 a été assurée surtout par Haine Necker, qui fournit
deux déclarations
138et Jacob Fichet le chaussetier
139. Perrin Bossuot fut payé en 1436, parmi
d’autres vêtements, pour un manteau et un paletot réalisés en 1434
140. La première déclaration
d’Haine Necker couvre des travaux réalisés avant le mois de juillet. Pour le duc, deux robes de
drap gris blanc figurent en première ligne
141, et, pour la chasse, un paletot et un chaperon
assortis, mais il n’a pas jugé utile de donner ses dates de livraison. C’est donc vers les
itinéraires ducaux qu’il faut se tourner pour leur attribuer une occasion.
Le 4 février, le duc et sa suite se mettaient en route depuis Chalon-sur-Saône pour la
Savoie, à Chambéry, où on s’apprêtait à célébrer les noces de Louis de Savoie, comte de
Genève et d’Anne de Chypre
142. Aucun vêtement n’a explicitement été reporté dans les
registres comptables pour ces noces, hormis un manteau « que mondit seigneur fist faire quant
il ala de sa ville de Dijon à Chambéry en Savoie aux nopces du duc de Savoye » payé à Perrin
Bossuot en 1436
143. Haine Necker, avant juillet 1434, a délivré à Philippe le Bon une série de
vêtements particulièrement riches : deux chaperons noirs et gris, découpés d’orfèvrerie, « une
hucque ytalienne de drapt d’or gris et noir, décoppée par bas, XL s. ; Item une autre hucque
136
Pour une robe à relever faite par Haine Necker, la fourrure fut achetée à Antoine Paret (ADN, B 1951, f. 210 v°), et l’apposition de fourrure remboursée au garde-robe (ADN, B 1951, f. 210 v°) ; des achats furent faits à Henri Esperonnet, dit Martinet, marchand de pelleteries pour fourrer plusieurs choses (ADN, B 1951, f. 200 v°), et la certification était signée de Pierre Brouillart, qui devait fourrer les vêtements (ADN, B 1951, f. 210 v°) ; à Jean Bellot, pelletier de Chalon-sur-Saône furent achetés un manteau et demi de Romanie, et huit peaux pour border, pour un paletot à grands poignets d’Allemagne (ADN, B 1951, f. 200 r°) ; il s’agissait peut-être du paletot réalisé par Haine Necker pour la chasse ? (ADN, B 1951, f. 204 r°). Enfin, parmi les achats de 1434, il faut citer les martres et agneaux achetés auprès de Jean de Lenchière, marchand de Bruges, pour les réserves ducales (ADN, B 1951, f. 209 v°). Une partie de ces peaux provenait de la foire d’Anvers, qui se tenait en septembre chaque année.
137
L’ordre de payement fut toutefois donné le 4 mars 1435 (ADN, B 1954, f. 169 r°).
138 ADN, B 1951, f. 204 r° et ADN, B 1954, f. 169 v°. 139 ADN, B 1954, f. 171 v°. 140 ADN, B 1957, f. 349 r°. 141
Des achats de draps de cette couleur furent effectués en 1432 : 26 aunes furent prises pour faire des habits à Jean le Jeune, drapier de Rouen (ADN, B 1945, f. 188 r°) ; le 4 mars 1435 fut ordonné le payement de quatre aunes de fin drap de Montivilliers gris blanc pour faire une robe à Etienne Chambellan, marchand de Dijon, dont la certification était signée d’Haine Necker (ADN, B 1954, f. 169 v°) ; s’il ne fait pas de doute que l’une des deux robes réalisées en 1434 par Haine Necker a été taillée dans un drap acheté sur le moment à Dijon, on a sans doute utilisé un drap de la garde-robe pour réaliser la seconde.
142
Le mariage fut célébré les 10 et 11 février, et Philippe le Bon regagna la Bourgogne dès le 13 février.
143
décoppée de drap noir tissu ouvré d’argent, XL s. ; Item pour la façon aussi d’un chapperon
de drap gris décoppé en façon d’orfaivrerie à euvre( ?) de damas, IIII l. ; Item pour une robe
de gris et noir toute couverte de décoppeures en façon d’orfaivrerie et ouvrée de damas ; et
pour la façon d’un chapperon de mesme
144». Le valet de chambre resta muet sur la destination
de ces belles pièces de vêtements, mais il est très probable que la correspondance avec la
broderie soit cette « riche robe de veloux que mondit seigneur lui fist richement faire de
brodeure et d’orfaivrerie, et pour un chapperon de semblable », et deux autres robes et deux
chaperons très riches, « de brodeure et d’orfaivrerie » pour le duc
145. Des hauts officiers de
l’hôtel reçurent également cette année-là vingt-cinq huques chargées d’orfèvrerie, de drap gris
et noir
146, dont on n’a pas précisé la destination.
Certains vêtements ont été décrits par Jean Lefèvre de Saint-Rémy, témoin occulaire des
fêtes savoyardes. Celles-ci, ce qui semble une chose curieuse pour Toison d’Or, ne
comprenaient pas de joutes et tournois : « ce fut une grande et noble assemblée de princes et
grans seigneurs, de dames et damoiselles, et fut la feste, sans tournoy et jouste, aussi belle
qu’on povoit veoir, et pour la beauté d’icelle je le mis par escript
147». Chaque soir, après le
souper, les bals à thèmes furent l’occasion d’étaler les richesses vestimentaires. Au cours des
repas, des musiciens de tous horizons venaient présenter leur art aux convives. Jean de
Cordecil et Jean Ferrant, « joueurs de luz
150» de la duchesse de Bourgogne, faisaient partie de
la fête, et ont reçu deux robes neuves à la livrée ducale
151. Le premier soir, « apprès soupper
commenchèrent les danses, où il y eult grant noblesse ». Le duc, avec vingt-cinq autres
danseurs, participèrent à une danse en couple : « lesquels chevalliers, escuyers, dames et
demoiselles furent tous vestus de drap de soie vermeil, et dessus batture à fachon de drap
d’argent, très richement faict. Et avoient les chevalliers et escuyers leurs robbes bordées de
martres, et les dames et damoiselles colliers et brodures de laitices ». La confection d’une
robe de couleur vermeille pour Philippe le Bon n’est pas attestée clairement dans la
comptabilité. On peut penser que l’une des très riches robes brodées par Thierry du Castel et
144 ADN, B 1951, f. 204 r°-204 v°. 145 ADN, B 1951, f. 206 r°. 146
Le drap fut payé à Pierre Scaillebert, marchand de Lille, ADN, B 1951, f. 211 v°.
147
LE FEVRE DE SAINT-REMY Jean, Mémoires, chapitre CLXXX, p. 534-538.
150
Joueurs de bas instruments, luth et vielle.
151
citée plus haut fut de couleur vermeille, convenant alors à la description donnée par Le Fèvre
de Saint-Rémy. De plus, Karles Gilles, marchand de Lucques demeurant à Bruges fournit au
duc avant octobre 1434, sept aunes de drap cramoisi bien riche, or sur or, pour faire des habits
pour le duc de Bourgogne
152.
Le second soir, les danseurs se présentèrent deux par deux, tous vêtus de blanc, leurs
vêtements chargés d’orfèvrerie et assortis de bourrelets pareils aux robes. Les chevaliers
avaient des robes à longues manches, et de grosses ceintures « plaines de clochettes » tandis
que les dames se présentèrent dans des robes ajustées. Pour ces vêtements non plus on ne peut
retrouver de façon claire la confection d’une telle robe pour Philippe le Bon, mais si on n’en
trouve pas trace, c’est peut-être, comme cela arrivait à la cour de Bourgogne, que certaines
robes, qui semblaient identiques ont été confectionnées par les artisans de la cour de Savoie.
Le troisième soir, le bal était déguisé : « lesquels [seigneurs et dames] furent tous vestus de
robbes, chapperons et chappeaux noirs couverts de clinquant, et sur les chappeaux grans
plumes d’icellui or, et leurs chapperons en formes, et les chevalliers et escuyers faulx visaiges
et les dames non. Si dansèrent en tel estat, excepté le duc, lequel fut lui dixième ou douzième
vestu de pallettes de drap vermeil, et par-dessus longhes robbes à queues traisnantes et très
déliées, et avoient sur leurs chiefs rons bourlais, et dessus lesdicts bourlais voilles pareilles
desdictes robes, et ainsi vindrent danser avecques les dames ». Il semble que le duc de
Bourgogne ait financé au moins une partie de ces tenues, puisque Georges Dansdans,
marchand de Genève et de Chambéry fournit « VIII
xxaulnes de draps de layne de diverses
couleurs, dont mondit seigneur fist faire le jour desdictes noces quarante robes et chapperons
chargés d’orclinquant et branlant, pour les mommeries que icellui seigneur et ses gens firent
aus dictes nopces
153». Le jour suivant, il n’y eut ni dîner ni souper, mais des danses, où
dix-huit chevaliers et écuyers furent vêtus de robes jaunes couvertes de clochettes, à la manière
des fous : « chapperons et robbes tenans ensembles et avoient les chapperons grans oreilles
comme fols ». De même il n’est pas question d’une telle tenue pour Philippe le Bon dans la
comptabilité bourguignonne, mais son fou, Coquinet, a reçu une vêtement du même genre en
1434. A-t-il lui-même participé à ce bal ? Enfin, le dernier jour, le jeudi, un dernier bal fut
donné, sans déguisements. Les convives quittèrent Chambéry dès le lendemain. Avant de
partir, le duc de Bourgogne a procédé à quelques libéralités : 40 aunes de drap de damas et 34
aunes de satin noir ont été données aux quatre maîtres d’hôtel, quatre panetiers, quatre
152
ADN, B 1951, f. 207 v°.
153