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électrons noyau (élastique) noyau (inélastique) PROJECTILE

II- 4) Les hétérogénéités des dépôts d’énergie dans les matériaux

II-4-1) Les hétérogénéités macroscopiques

Elles se manifestent à l’échelle des dimensions du matériau irradié et sont différentes suivant les particules irradiantes.

a) Cas des photons

Nous avons déjà évoqué pour les photons la distinction entre dose et KERMA. Nous avons d’autre part montré que celle-ci se manifeste uniquement entre surface du matériau dans des zones de non-équilibre électronique. La relation d’atténuation des photons avec du matériau est aussi valable pour le KERMA c’est à dire que l’on a, en appelant K0 le KERMA déposée en surface :

) x exp( K

K = 0 −µ (I-14)

Pour la dose absorbée, cette relation est aussi valable, sauf en surface sur une distance appelée épaisseur d’équilibre et qui correspond au parcours des électrons secondaires émis ayant l’énergie maximum, c’est à dire de l’ordre de grandeur de l’énergie du photon incident. La figure I-19 résume cette description et met donc clairement en évidence pour la dose déposée un effet d’hétérogénéité marquant.

Chapitre 1 : interaction rayonnement – matière ____________________________________________________________________________________________ ____

Figure I-19 : (a) variation relative du KERMA et de la dose absorbée près de la surface d’un absorbeur. Mise en évidence de l’épaisseur d’équilibre séparant les zones de non-équilibre

électronique des zones d’équilibre électronique.

épaisseur d’équilibre

KERMA

dose absorbée

KERMA ou dose relative

épaisseur (a) 0 5 10 15 20 25 30 0.1 1 10 é pais se ur m ass iq ue ( e n k g. m -2)

énergie photon incident (en MeV)

(b)

(b) variation de l’épaisseur d’équilibre (exprimée en kg.m-2) avec l’énergie du photon pour un absorbeur de bas numéro atomique [CLEG.91].

En pratique, notamment pour les irradiations γ à partir des sources de 60Co, on recherche plutôt un profil uniforme sur toute l’épaisseur de l’échantillon. Les problèmes d’hétérogénéité de surface évoqués précédemment sont supprimés en interposant un matériau identique à celui que l’on souhaite irradier. L’équilibre électronique est donc présent dans toute l’épaisseur du deuxième matériau. Si l’épaisseur de l’échantillon est faible comparée au libre parcours moyen des photons γ (cas des plaques de polymères irradiées), on a alors un profil de dose absorbée uniforme dans toute l’épaisseur du matériau.

b) Cas des ions

Pour les ions, l’hétérogénéité macroscopique provient de l’existence du pic de Bragg dans le tracé du pouvoir d’arrêt électronique en fonction de l’énergie.

La figure I-20 montre le profil de pouvoir d’arrêt, et donc de dose (eq I-13), obtenu pour des ions Hélium d’énergie 5 MeV dans du polyéthylène.

Chapitre 1 : interaction rayonneme ___________________________________________________________________________ 0 50 100 150 200 250 0 5 10 15 20 25 30 35 (d E/d X)e ( en k e V m -1) épaisseur (en µm) nt – matière __________ ___________

Figure 1-20 : profil du pouvoir d’arrêt pour des ions He de 5 MeV dans du polyéthylène. Calcul TRIM [TRI.00]

c) Cas des électrons

Les effets d’hétérogénéité macroscopique pour des irradiations aux électrons sont directement calculables à partir du logiciel PENELOPE. La figure I-21 montre le profil de dépôt d’énergie dans le polyéthylène pour plusieurs énergies du faisceau d’électrons incidents. La géométrie a été choisie plane, infinie (calcul à partir de PENLAYER) et le faisceau incident est normal à la surface de l’échantillon. On constate que la dose n’est pas répartie uniformément dans le matériau : le maximum de dose absorbée se situe environ à la moitié du parcours total des électrons incidents. Pour des électrons incidents de 1 MeV, énergie usuelle des accélérateurs d’électrons, le maximum de dose est d’environ 80 % supérieur à celui de la surface.

L’origine d’un tel phénomène a été discutée : la rétrodiffusion d’une partie des électrons primaires incidents créée une zone de non équilibre électronique en surface. En conséquence le maximum de dose déposée est situé en aval de cette surface.

Chapitre 1 : interaction rayonneme ___________________________________________________________________________ 0 0.5 1 1.5 2 2.5 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1

électron incident 0.3 MeV électron incident 0.7 MeV électron incident 1.0 MeV

électron incident 2.0 MeV

dose a bs or bé e nor mée par ra pp ort à la s urfa ce

épaisseur polyéthylène (en cm)

nt – matière

_____________ ________

Figure I-21 : mise en évidence d’hétérogénéités macroscopiques pour le dépôt d’énergie dans le polyéthylène. Dose absorbée, normée par rapport à la surface en fonction de l’épaisseur d’un film plan de polyéthylène pour plusieurs énergies du faisceau incident. Ce dernier est perpendiculaire à

la surface de l’échantillon. Calculs à partir du logiciel PENELOPE [BAR.95].

II-4-2) Les hétérogénéités à l’échelle nanométrique a) Outil de description : le TEL

Ce type d’hétérogénéité est dû à la nature stochastique des dépôts d’énergie : le ralentissement d’une particule photon, électron ou ion, n’est pas, à l’échelle nanométrique, une fonction continue de la distance parcourue. Entre deux interactions, la particule est libre et parcourt une ligne droite dont la longueur est le libre parcours moyen. Ce dernier est défini pour chaque interaction et peut nettement différer de plusieurs ordres de grandeurs suivant l’interaction mise en jeu (selon sa probabilité) et la particule. La densité locale d’ionisation, à dose absorbée moyenne égale, est donc variable suivant la particule irradiante. En effet une même dose peut être délivrée par :

- peu de particules de fort TEL : c’est le cas des ions.

- de nombreuses particules de faible TEL : c’est le cas des électrons et des photons. Pour ces derniers, rappelons que l’irradiation peut aussi se voir comme une irradiation par des électrons internes de la cible.

Le tableau I-3 indique la valeur du pouvoir d’arrêt moyen pour différents projectiles à des énergies caractéristiques.

Chapitre 1 : interaction rayonnement – matière ________________________________________________________________________________________________

PROJECTILES ENERGIE (MeV) TEL (keV.µm)

électrons 2 0.20

photons γ 60Co 1.25 0.27

rayons X 0.25 1

β 3H (électrons) 0.0055 2.6

particules α (noyau de He) 5 145

ions 13C 130 168

Tableau I-3 : valeurs de TEL moyens pour différents projectiles à des énergies caractéristiques [HIC.99].

On remarque, d’une part, que les photons γ du 60Co ont un TEL sensiblement identique à celui des électrons de 2 MeV. Compte tenu de la remarque précédente concernant les photons, ceci n’est pas étonnant. D’autre part, les électrons provenant de la désintégration du tritium ont un pouvoir d’arrêt cinq fois plus important que des électrons de 2 MeV. Cette variation est tout a fait en accord avec la variation du pouvoir d’arrêt par collision avec l’énergie étudiée dans la partie I-2-4-a. Finalement les ions ont un très fort pouvoir d’arrêt en comparaison avec les particules précédentes : la trace de l’ion est une zone de très forte densité d’ionisation.

Les valeurs de TEL précédentes sont des valeurs moyennes : en effet chaque particule irradiante émet des particules secondaires (essentiellement électrons secondaires si l’on néglige à basse énergie le rayonnement de freinage des électrons) ayant une distribution en énergie caractéristique. Le TEL dépendant de l’énergie, on a donc pour chaque particule irradiante d’énergie E donnée une distribution de TEL. Cette donnée permet alors de comparer plus précisément que précédemment les densités locales d’ionisation. La figure I-22 représente la fraction de la dose moyenne qui est délivrée par une particule d’un TEL donné.

Chapitre 1 : interaction rayonnement – matière ________________________________________________________________________________________________ LET de 5.3 MeV α traversant une certaine épaisseur

LET des électrons secondaires émis

par 5.3 MeV α

Pic de Bragg des électrons secondaires

LET (keV.µm

-1

)

fraction

Figure I-22 : loi de distribution du TEL pour plusieurs rayonnements [KIE.90].

Ce tracé, en accord avec le tableau I-3, montre que les ions, ici les particules α, sont beaucoup plus ionisants que les électrons de 2 MeV ou les photons γ. La distribution en TEL de la particule α d’énergie 5.3 MeV est constituée de deux parties bien distinctes : la première correspond aux électrons secondaires émis et représente environ 40 % de la dose déposée. La seconde partie linéaire représente la dose déposée par l’ion lui-même avec le TEL caractéristique du projectile. Celui-ci n’est pas unique car l’ion perd progressivement son énergie en traversant une épaisseur donnée de matériau. Pour les photons et les électrons de 2 MeV, la distribution en TEL est relativement proche conformément à la comparaison précédente des valeurs moyennes de TEL. On remarque la présence du « pic de Bragg » pour lequel la valeur du TEL est maximum.

Une manière plus visuelle d’évaluer ces hétérogénéités d’ionisation autrement que par la comparaison des distributions de TEL est la simulation Monte-Carlo. La figure I-23 représente la densité d’ionisation pour les particules des lignes 2 à 4 du tableau I-3. Chaque point représente une ionisation et la dose déposée dans les trois cas est la même (le nombre de points est identique dans les trois cas).

Chapitre 1 : interaction rayonnement – matière ________________________________________________________________________________________________ électrons 3H 5,5 keV photons X 250 keV photons γ 60Co électrons 5.5 keV du 3H TEL : 2.6 keV.µm RX 280 keV TEL = 1 keV.µm-1 60Co TEL = 0.27 keV.µm-1

Figure I-23 : comparaison, à partir de simulations Monte-Carlo, des différentes densités d’ionisation pour trois particules de TEL croissants. La dose déposée est la même dans les trois

cas. Chaque point représente une ionisation.

La description qualitative et quantitative précédente, ainsi que l’étude des interactions des photons, ions et électrons de la partie I, ont clairement montré que le dépôt d’énergie s’effectuait principalement par l’intermédiaire des électrons secondaires émis (pour l’ion une partie importante de l’énergie est cependant déposée par l’ion lui-même). Ce sont eux qui, suivant l’énergie communiquée par la particule incidente, induisent des dépôts d’énergie de plus ou moins grande densité d’ionisation. Ce processus se poursuit de manière stochastique le long de la trace de l’électron jusqu’à ce que celui ci soit thermalisé. Mozumder et Magee [MOZ.66] ont ainsi décrit cette trace en séparant plusieurs domaines d’énergie des électrons secondaires émis.

La figure I-24 représente ainsi un schéma de la distribution des sites d’ionisation dans la trace d’un électron.

Chapitre 1 : interaction rayonnement – matière ________________________________________________________________________________________________ lobes E de 100 à 500 eV lobes électron primaire traces courtes E< 5000 eV E> 5000 eV trace annexe E<100 eV raies delta

Figure I-24 : distribution des sites d’ionisation dans la trace d’un électron selon la classification de Mozumder et Magee [HIC.99]. E représente l’énergie déposée dans l’événement.

Ces sites sont appelés des grappes d'ionisation et ont des formes et des dimensions géométriques différentes suivant l'énergie de l'électron secondaire émis. Par ordre d'énergie croissante on a donc : - les lobes pour lesquels l'énergie déposée est inférieure à 100 eV. Ils ont une forme approximativement sphérique, un rayon inférieur à 2 nm et contiennent quelques sites d’ionisations. - les lobes où l'énergie déposée est comprise entre 100 eV et 500 eV. Ils génèrent des hétérogénéités en forme de gouttes d’environ 12 nm de long.

- les traces courtes à haute densité d’ionisation pour un dépôt d’énergie compris entre 500 et 5000 eV.

- pour des échanges supérieurs à 5000 eV, l’électron donne un embranchement dont la trajectoire est traitée théoriquement comme la trajectoire primaire en y comptabilisant les différents types échanges de type décrits précédemment.

Ces auteurs ont d'autre part construit un algorithme permettant de calculer pour une énergie donnée de l'électron primaire incident la distribution de chacun de ces sites d'ionisation.

La figure I-25 présente les résultats de leur calcul pour le cas de l’eau liquide H2O, matériau très proche des polymères pour ce qui concerne la formule simple (éléments légers) et la masse volumique.

Chapitre 1 : interaction rayonnem ______________________________________________________________________________ 0 20 40 60 80 100 103 104 105 106 107 Fra ctio n

énergie initiale de l'électron (en eV) lobes (E<100 eV)

traces courtes

lobes 100eV<E<500 eV

énergie photons 60Co

ent – matière

_______ ___________

Figure I-25 : fraction des différentes grappes d’ionisation dans l’eau en fonction de l’énergie initiale de l’électron incident [MOZ.56].

Pour des énergies comprises entre 500 keV et 2 MeV, ce qui représente la gamme d'énergie pour les accélérateurs d'électrons, la proportion de lobes contenant quelques sites d'ionisation se situe autour de 65 % tandis que les traces courtes représentent environ 25 % du total. Le reste concerne les lobes pour une part d'environ 10 %. On constate que les électrons secondaires émis par l'interaction des photons γ du 60Co induisent des proportions sensiblement égales. La distribution spatiale, à dose déposée égale, de ces diverses grappes d’ionisation n’est donc fondamentalement pas très différente lorsqu’on irradie un polymère par des photons γ du 60Co ou des électrons d’énergie caractéristique des accélérateurs.

b) La qualité du rayonnement

La notion de TEL est une mesure de la densité d’ionisation le long de la trajectoire de la particule irradiante. Ces différentes densités d’ionisation peuvent induire à, dose égale, des effets différents (chimiques, mécaniques, biologiques …) dans le matériau, plus ou moins importants selon la

Chapitre 1 : interaction rayonnement – matière ________________________________________________________________________________________________ TEL faibles et relativement proches, comme ceux des photons γ et des électrons émis lors d’une situation accidentelle à l’intérieur du bâtiment réacteur d’une centrale nucléaire, sont vraisemblablement comparables. Nous n'avons pas trouvé dans la littérature de résultats concernant l'effet de la qualité de rayonnement sur les polymères constituant les câbles irradiés dans les conditions d'usage (atmosphère oxydante) et dans la gamme de pouvoir d'arrêt caractéristique des β-γ.