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« Muret, Buchanan, les deux Scaliger, Lipsius, Thuanus, Crasso, Passerat, Campanelle, Fra Paolo Sarpi, Casaubon, le chancelier de L’Hospital, Charron, Michel de Montaigne, l’auteur François,

autrement nommé Rabelais, le divin Érasme, etc. Voilà les dieux tutélaires de ma bibliothèque1»

L'humanisme, le mouvement intellectuel de la Renaissance, qui dépasse de loin ses propres cadres spatio-temporels, est le dernier pan de la culture politique de notre érudit stoïcien. Ce courant de pensée qui a profondément marqué tout le XVIe siècle dans son ensemble marque aussi de son sceau les idées de Patin. L'affirmation de l'homme et la réflexion sur la place de celui-ci dans l'univers conduisent l'humanisme à repenser la société, et à travers elle, à remettre en cause certaines traditions. Ce « siècle si plein de lumière » est l'antithèse vivante des âges jugés barbares et ténébreux du Moyen Âge. L'humanisme s'affirme comme tel en réhabilitant les canons de l'Antiquité. Par cette remise en contexte, on saisit mieux l'apanage de la culture politique de notre médecin parisien.

En effet, l'ère médiévale n'existe pas chez Patin. C'est un gouffre que seul son intérêt pour les rois de France comble tant bien que mal. Cet attrait grimpe en flèche avec les rois qui ont symbolisé la fin du Moyen Âge et les débuts de cette Renaissance si chère au XVIe siècle. Le roi- chevalier de Marignan, comme son beau-père, est, effectivement, parmi ses rois préférés. Notre épistolier cicéronien partage plusieurs traits communs avec les acteurs de ce mouvement intellectuel, dont l'ampleur de sa correspondance à l'échelle du royaume de France et de l'Europe qui rappelle subtilement les grandes correspondances humanistes, celle d'Érasme en tête. Sa culture et son âme antique dignes d'un humaniste sont comparables à celles de Montaigne, un autre adepte des civilisations antiques qui connaissait lui aussi très mal le grec ancien et partageait avec Patin des influences communes, dont Ovide. Enfin sa curiosité encyclopédique a provoqué chez Patin un goût prononcé pour la compilation de tous les acquis, qu'il s'évertue à rassembler dans sa bibliothèque, l'une des plus importantes, après celle de Mazarin, par la somme de savoir qu'elle réunit.

Néanmoins, c'est principalement son admiration pour ce courant de pensée et ses plus grands érudits qui fait rentrer Patin de plain-pied dans la culture politique des humanistes. Il s'en réclame et la revendique par l'ardeur avec laquelle il nous fait partager ses idées. À l'instar de Rabelais et d’Étienne Pasquier, il a développé un amour de la patrie, en ligne directe avec le « pater patriae » des Romains. Comme Luther, il a combattu la papauté. À l'image de Michel de l'Hospital, il a manifesté une profonde tolérance. Effectivement, par le biais de notre démonstration, on va davantage éclairer un segment entier, et non des moindres, des engagements de Patin. L’Église fut l'objet des critiques acerbes des humanistes en fonction de leurs conceptions de l'homme et du monde en terme de rupture et non de continuité. La Religion chrétienne occupe également chez Patin un dispositif de réflexions substantielles dans ses prises de position.

Les réflexions sur le christianisme, mais également celles sur la formation des princes chrétiens, qui posèrent les humanistes en maîtres à penser de l'Europe, occupent une place fondamentale chez Patin. Ces thèmes sont d'ailleurs imbriqués et conduisent Patin à s'orienter vers l'humanisme éthique et politique. On va maintenant commencer notre démonstration de cet héritage, qui tient autant de l'humanisme italien, hollandais, anglais et français. Il ne se cantonne pas qu'au quattrocento ni au cinquecento italiens, mais il englobe tout l'Humanisme, des débuts de la Renaissance jusqu'à la fin du XVIe en passant par les guerres de religion.

Patin connaît et cite Pétrarque, Spagnoli, Buchanan, Calvin, Luther, Érasme, Rabelais, Budé, Juste-Lipse, Scaliger, Casaubon, Charron, Muret, Duplessis-Mornay, Étienne Pasquier, Hotman, Théodore de Bèze, Bodin. À ces humanistes s'adjoignent des hommes d’État contemporains marqués par ce courant de pensée. Ils appartiennent tous au mouvement intellectuel et culturel qui s'est épanoui de la Renaissance jusqu'à la fin du XVIe siècle. Ce mouvement est déterminant dans la culture politique de Patin comme son héritage pour ses prises de position. Tous les humanistes cités plus haut détiennent ainsi une place particulière au sein de ses idées politiques. Ils ont, par leurs convictions, leurs œuvres, leurs combats, détenu un rôle décisif au sein de son système de valeurs. On peut les catégoriser par trois spécificités transversales permettant d'identifier leurs influences, non seulement au sein de l'Humanisme, mais aussi dans les réflexions de Patin.

Cette classification atteste que l'attrait de notre bourgeois parisien pour l'humanisme se base essentiellement sur la deuxième moitié du XVIe siècle. Les débuts du mouvement ne sont pas en reste. Toutefois, ses préoccupations démontrent que ce courant est indissociable de la question du protestantisme et c'est ce qui va caractériser l'héritage humaniste chez Patin. L'humanisme est même l'épicentre de l'extension constante et croissante dans ce « beau XVIe siècle » de la Réforme allemande, engagée par Luther en 1517, et du protestantisme français qui, par la doctrine calviniste, va s'installer durablement en France, malgré la répression mise en œuvre pour l'endiguer. Ainsi Patin se positionne et révèle son parti pris vis-à-vis de l'état de guerres endémiques qui est la conséquence de la Réforme.

Les trois spécificités transversales suivantes rendent compte de la classification des humanistes appartenant à la culture de Patin en fonction de leurs localisations dans les bornes chronologiques de l'Humanisme, de leurs domaines de compétences et de leur religion. Ces « dieux tutélaires » peuvent être classés comme suit :

Via les bornes chronologiques de l'Humanisme Les débuts avec Pétrarque, Spagnoli, Budé, Érasme.

L'entre-deux avec Luther, Calvin, Rabelais, Scaliger (père), Montaigne.

La fin dans le méandre des guerres de religion avec Casaubon, Charron, Buchanan, Muret, L'Hospital, Bodin, De Thou, Juste Lipse, Scaliger, Hotman, De Béze, Pasquier, Duplessis-Mornay.

Via leurs spécificités intellectuelles

Les théologiens et réformateurs avec Érasme, Calvin, Luther, Buchanan, Duplessis-Mornay, Théodore de Bèze, Charron.

Les hommes politiques, juristes et théoriciens avec Bodin, Pasquier, Hotman, Michel de l'Hospital, Jacques-Auguste de Thou.

Les Poètes et écrivains avec Pétrarque, Spagnoli, Rabelais, Montaigne, Muret.

Historiens, philologues et bibliophiles avec Juste-Lipse, Budé, Scaliger père et fils,Casaubon. Via leur religion

Les humanistes protestants ou réformés avec Calvin, Luther, Duplessis-Mornay, Hotman, Théodore de Bèze, Casaubon, Buchanan, Charron.

Les humanistes catholiques avec Pétrarque, Pasquier, de Thou, Michel de l'Hospital, les Scaliger, Juste-Lipse, Spagnoli, Rabelais, Érasme, Budé, Muret, Montaigne, Bodin.

La présence de ces humanistes au sein de la culture de notre bourgeois stoïcien s'explique par leurs propres convictions et réflexions. Par surcroît, tous ces intellectuels et les cercles qu'ils assemblent autour d'eux ont en commun les thèmes politiques. Ceux-ci nous permettent d'évaluer leurs répercussions fondamentales sur les principes de Patin, dont la religion, la tolérance, le gallicanisme, le principe du bon gouvernement et d'un État fort, mais tempéré, la réhabilitation de la philosophie antique. Ces concepts sont notre fil conducteur et vont clarifier les affiliations entretenus entre les humanistes. Ces interactions sociopolitiques sont une autre clef de lecture.

Du reste, des notions abordées précédemment vont refaire surface et se recouper. Ainsi, pour étudier le caractère de cet héritage humaniste chez Patin, on a pris le parti d'une démonstration chronologique pour chacun des acteurs de ce mouvement qui sont présents dans sa correspondance. Nous avons choisi d'imposer ce fil d'Ariane pour d'autant mieux ériger les passerelles existantes avec les canons antiques, dont se réclament les humanistes, mais aussi pour celles reliant le XVIe au XVIIe siècle. Ces connexions se construisent au fur et à mesure des enjeux intellectuels du « siècle si plein de lumière » et si crucial pour comprendre les prises de position de Patin. Ainsi, le but est de faire jonction avec le siècle dans le lequel vit notre médecin parisien, qui est, de plus, l'objet de la démonstration succédant au chapitre actuel.

En suivant le fil d’Ariane que nous venons de définir, nous assisterons à la réalité politique du XVIe siècle au sein duquel se met en place la naissance de l’État moderne au sens propre du terme. Les humanistes, qui colorent la culture et les idées politiques de Patin, ont enrichi cette notion de l’État via leurs réflexions sociales, théologiques et politiques. Cette pensée se fixe sur la forme d'un État monarchique souverain que le Moyen Âge n'est pas parvenu à définir à cause de la féodalité. Tout au long de ce « beau XVIe siècle », si cher à Patin, cette notion abstraite fut de plus en plus définie par des juristes dans deux conceptions de l’État qui s'affrontèrent, celles de la papauté et celle de la royauté.

« Qui ne sont rien de moins qu’imbus de leur propre magnificence ». Patin a emprunté cet aphorisme à l'ouvrage Les Remèdes aux deux fortunes1, dans lequel la Raison répond à la Joie qui

lui a rétorqué « Je suis sage ». Cet extrait nous amène à réfléchir à Pétrarque qui en est l'auteur. Le fait que notre érudit virgilien se réfère au premier des grands humanistes de la Renaissance n'est pas anodin. En effet, l'attrait s'explique par son goût prononcé pour la poésie, comme nous l'avons vu avec les penseurs antiques, mais pas exclusivement comme le suggère cet aphorisme de Pétrarque que Patin cite dans l'une de ses lettres : « En récompense, il est fort peu de bons et sages médecins, qui aient été bien instruits et bien conduits. J’en vois même ici qui malunt errare quam doceri2,

combien qu’ils aient de beaux moyens de s’amender. Pour la campagne, elle fourmille de chétifs médecins qui de se nihil nisi magnifice sentiunt3».

Pétrarque a été initié aux cultes virgilien et surtout à celui de Cicéron par son père Pietro, notaire florentin. Patin est, comme Pétrarque, initié aux cultes virgilien et cicéronien. Toutefois, ce n'est pas uniquement pour la qualité reconnue des poèmes de Francesco Petrarca qu'il est amené à lire certaines de ces œuvres mais particulièrement pour leurs sujets. Et une fois encore dans sa culture politique, l'objet est de nouveau orienté vers l'histoire romaine. Effectivement, notre médecin parisien a lu l’œuvre latine de Pétrarque et au moins les parties exaltant la gloire de Rome à travers la grande figure de Scipion l'Africain. On peut l'affirmer par l'extrait que Patin cite à Nicolas Belin, le 27 mars 1649 : « Aucun des siècles futurs ne portera un tel homme4».

Lorsque l'on a connaissance du rôle politique fondamental de Scipion l'Africain dans l'histoire romaine, mise en perspective avec l’œuvre et les prises de positions de Pétrarque, les visées politiques de Patin prennent corps. Dans les faits, Scipion manifeste non seulement avec éclat les quatre vertus cardinales romaines, la virtus, la iusticia, la pietas et la clementia, mais surtout il est le vainqueur de Carthage. Proconsul d'Espagne, il réussit son pari de vaincre Hannibal et la menace qu'il constitue pour Rome en mettant fin à la Deuxième Guerre punique par une brillante expédition militaire en Africa. Ceci lui vaut son titre d'Africanus et de princeps5 par le Sénat.

Cependant, la vie et la carrière politique de Scipion sont aussi représentatives des défaillances de la République romaine, de sa corruption, des luttes aristocratiques internes qui la gangrènent, atteignant leur paroxysme, notamment, avec le « procès des Scipions » qui met fin à la vie publique de Scipion l'Africain et de ses proches. L’œuvre du proconsul romain n'aurait pas tout l'intérêt que Patin lui porte sans mettre en parallèle la carrière de Pétrarque. Patin se tourne vers celui qui aurait pu devenir par ses qualités d'homme d'État le premier consul perpétuel avant César.

1 De remediis utriusque fortunae est un traité entrepris vers 1354. Divisé en deux séries teintées d'une casuistique

érudite puisant dans toute la réflexion morale médiévale. Ainsi via de brefs dialogues, la Raison répond à la Joie, à l'Espérance, à la Douleur et à la Crainte. Pour l'enrichissement de notre démonstration, on peut citer ce que la Raison rétorqua à la Joie dans l'extrait ci-dessus : « Ordinairement, ceux qui sont imbus de leur propre

magnificence s’attaquent présomptueusement de toutes leurs forces à plus gros qu’eux, pour s’écrouler au milieu de l’effort et apprendre à leurs dépens ou à leur grande honte qu’ils devront être une autre fois meilleurs juges de leurs propres capacités ». De Sapientia, livre I, chapitre XII.

2 « qui aiment mieux se tromper que s’instruire ».

3 À Charles Spon, les 19 et 22 octobre 1649. BnF ms 9357, fol 63-64. ERP, tome II, lettre n°349.

4 « Similem cui nulla tulerunt / Tempora, nulla ferent ». {Les siècles passés n’ont pas porté ni les futurs neporteront son semblable}. Pétrarque, Africa, livre VII, vers 634-635. ERP, tome I, lettre n°93.

5 Ce titre, sous la République romaine, confère à celui qui le porte, le droit de parler en premier dans l'hémicycle sénatorial.

Pétrarque est certes italien et on connaît les aversions de Patin pour tout ce qui vient d'Italie : Machiavel, Mazarin et le Pape. Mais à certaines occasions cette appartenance italienne ne fait plus problème. Car en particulier ici, les principes de Pétrarque s'identifient à ses prises de position. En outre, pour lui, il aurait été impossible d'attaquer un humaniste, possédant par surcroît le même culte pour une latinité semblable par son éclat à la sienne. Francesco Petrarca a également combattu la corruption dans ses sonnets et ses épîtres, notamment celle de la cour papale d'Avignon, qu'il est amené à fréquenter.

Quels principes politiques vont intéresser notre bourgeois ? On y retrouve le souci de Patin de l'action morale et éthique, qui se conjugue avec la pérennité et la prospérité de l’État par son unité politico-territoriale. En pratique, Pétrarque a très tôt manifesté un intérêt croissant pour le sort politique de l'Italie, alors compromis par les rivalités municipales, l'anarchie nobiliaire, et les prétentions papales. Favorable à une rénovation morale et politique de la chrétienté à partir d'une réforme radicale des institutions romaines, il a prôné le concept centralisateur du rôle politique de Rome dans l'unification italienne. Cependant, on comprend davantage les convictions de Patin quand on lit ce qu'il a écrit à Spon au début de la régence d'Anne d'Autriche : « Le cardinal et M. le Prince ont tout le crédit du Conseil. Le pauvre Gaston y est nudum et inane nomen sine vi et potentia. La reine a fait commandement à tous les évêques qui sont ici qu’ils eussent à se retirer chacun en son évêché1».

Par sa culture politique fondée essentiellement sur l'histoire romaine, mise en relief avec les enseignements humanistes et sa propre expérience de l'histoire de France, Patin a conscience que la survie de l’État se joue dans cette période de régence appréciée par l'aristocratie pour faire valoir ses prétentions dans les affaires de l’État, auxquelles elle n'a plus accès depuis l'arrivée de Richelieu au Conseil d'en Haut en 1624. Le fait qu'il associe la diatribe de Pétrarque « un nom nu et vide, sans force ni pouvoir » à Gaston d'Orléans qui n'a cessé de se rebeller contre l'autorité de son frère en mettant l'unité du royaume en péril est révélateur de ses principes sur le rôle politique du roi, la clef de voûte de l'unification du royaume.

L'attention que Patin porte à Pétrarque démontre que l'Humanisme ne peut être délimité artificiellement. Cela conduirait à ne pas prendre en considération la multiplicité d'un mouvement qui prend ses racines dans la fin Moyen Âge, comme nous venons de le voir avec celui qui en jeta durablement les bases. Un autre Italien, faisant également partie des débuts de ce mouvement intellectuel, détient pareillement une place névralgique dans la culture de notre érudit. Il y exerce un rôle majeur, étant l'un des piliers du pont conduisant Patin vers l'Humanisme chrétien.

Jean-Baptiste Spagnoli, poète célèbre et auteur inexhaustible de poésie latine est considéré, en effet, comme un des principaux représentants de l'humanisme chrétien. De prime abord Patin semble paradoxal : Spagnoli est un moine de l'ordre des Carmes ! Pourtant, il le cite dans ses lettres, sans l'abattre pour autant. Les prises de position de Baptiste de Mantoue permettent de comprendre la situation. Les poèmes sont au centre de ses principes. Ils poussent Érasme à le surnommer « le Virgile chrétien », un titre haut en couleur et très symbolique pour Patin.

1 À Charles Spon, le 14 septembre 1643. ERP, tome I, lettre n°169. « Mr le prince » renvoie à Condé, prince de sang qui se rebella contre l'autorité du roi, représenté par la régente et son ministre.

Néanmoins, l'objet de ses poèmes suscite son attention. Objectivement, le poète carme est frappé par la propagation de la corruption du clergé. Il exprime son souci de réforme via sa plume latine, notamment dans De moribus curiae romanae, mais aussi dans un discours vibrant prononcé en 1489 devant le pape Innocent VIII et le consistoire. Certains de ses propos furent si sévères qu'ils ont certainement dû inspirer la haine viscérale de Luther pour la curie romaine et son représentant, le Pape. Patin fait de même en reprenant les diatribes de Spagnoli pour ses propres attaques contre le gouvernant de l’Église de Rome. Néanmoins, à l'image de Luther, il s'en inspire, non pas pour travailler au bien de l’Église romaine, mais pour la fustiger de ses critiques acerbes et violentes. Notamment dans les termes qu'il emploie dans sa lettre1 du 26 septembre 1669 pour Falconet : « le

roi a mandé à M. de Navailles qu’il revienne de Candie et qu’il ramène ses troupes puisque les Vénitiens et le pape n’y font pas leur devoir pour en chasser le Turc. On dit pourtant que le pape avait envoyé pour cet effet des pardons et des bulles : Quidquid Roma dabit, nugas dabit, accipit aurum2».

« Quoi que Rome donne, elle donnera des bagatelles, elle prend l’or ». Les racines du gallicanisme de Patin se font jour ici, et ne manquent pas d'expliquer que selon lui la politique papale va à l'encontre du bien-être de la France : il faut donc la combattre, comme on combat la corruption ! Dans les faits, la papauté s'est effectivement trouvée au cœur des alliances opposées aux prétentions françaises. La politique du Saint-Siège ne peut que rejaillir sur ses rapports avec l’Église de France, d'où les prises de position de Patin, teintées d'un sentiment d'appartenance à une entité politique, sinon à un pays. Spagnoli apparaît encore sous sa plume dans un nouveau cadre important pour notre étude. Patin utilise son raisonnement dans le contexte du culte de Naudé, qui est l'égal du sien pour les plus grands hommes de l'Antiquité. Il en tire ses conceptions organiques de l’État à la lumière de la physique stoïcienne qui est semblablement l'apanage des libertins érudits, dont beaucoup de ses représentants sont ses amis intimes : « la sève qui verdoie dans les feuilles vient des racines, tout comme les mœurs passent du père aux enfants avec la semence3».