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CHAPITRE IV : L’AFRIQUE CENTRALE COMME TEMOIN COMME TEMOIN

B- La guerre civile du Congo Brazzaville

La Crise brazzavilloise est la deuxième plus importante crise des trois conflits guerriers que nous allons aborder. Ce conflit se définit essentiellement comme une guerre civile

1-Origine du conflit

Le premier conflit du Congo Brazzaville se déroule en juillet 1959. Ce conflit est considéré par beaucoup comme étant un conflit ethnique 158qui a engendré la scission entre les élites politiques d'ethnies du nord du pays et celles du sud. Ce court conflit n'ayant pas trouvé de bonnes résolutions est à l'origine du conflit plus récent car l'identité ethnique dans le conflit de 1993 est très marquée. Le conflit de 1959 opposa Fulbert Youlou à Opongo.

Les trois leaders belligérants se côtoyaient depuis plus de 40 ans et ont été presque contemporains et actifs lors du premier conflit. Bernard Kolélas, militant de l'UDDIA 159 de Fulbert Youlou, Pascal Lissouba lié quant à lui aux premières heures du parti unique de l'époque, le MNR160, issu du mouvement insurrectionnel d'août 1963, Denis Sassou N'guesso qui représente le second épisode du parti unique le PCT 161 issu de la prise du pouvoir par les militaires. Ces trois dirigeants politiques avaient tous des rancunes internes qui se sont manifestées chez leurs partisans à un moment donné. Malgré quelques alliances, surtout celle plus prometteuse de paix entre Lissouba et Sassou après la conférence nationale162, les querelles se sont ravivées avec la ferveur du peuple pour les élections.163

158- E. Dorier-Apprillhttp://www.annalesdelarechercheurbaine.fr/IMG/pdf/Dorier-Apprill_ARU_91.pdf

159- UDDIA : Union Démocratique de la défense des Intérêts Africains. Parti politique congolais créé par Fulbert Youlou.

160- MNR : Mouvement National de la Révolution. 161- PCT : Parti Congolais du Travail.

162- Conférence Nationale : grande assemblée organisée à Brazzaville en 1991, pour mettre fin au système du parti unique du régime de Denis Sassou N’guesso.

159 La guerre civile qui a affecté le Congo-Brazzaville en trois phases (1993-1994, 1997, 1998-1999) remonte à la démocratisation qui s’est produite à Brazzaville au début des années 90. Elle a opposé tout d’abord les partisans du président nouvellement élu, Pascal Lissouba, à ceux de son rival malheureux au second tour de l’élection présidentielle d’août 1992, Bernard Kolélas. Ce dernier a défié l’autorité présidentielle, contestant la valeur des résultats du premier tour des élections législatives de 1993 et a appelé ses partisans, essentiellement des lari (sous-groupe kongo)164 des quartiers sud de la capitale, à boycotter la suite du scrutin, puis à ne pas reconnaître le gouvernement formé après celui-ci par Joachim Yhombi-Opango165 s’était rallié à Lissouba dans le cadre d’une confédération politique nommée “Mouvance présidentielle”. L’armée, divisée ethniquement et politiquement, refusa d’obéir aussi aveuglément que jadis au chef de l’Etat, d’ailleurs en rupture avec son prédécesseur, Denis SassouNguesso, qui l’avait pourtant fait élire. Les premiers combats entre milices rivales (“Ninjas” de Kolelas contre “Mambas” bembe du régime Lissouba) se produisirent durant l’été 1993. Diverses médiations internationales, notamment gabonaise, donnèrent de très fragiles résultats, avant un accord général de réconciliation fin 1994, puis un solennel “Pacte pour la paix” en décembre 1995, qui réunissait à nouveau les “Tcheks” (lari partisans de Kolelas) et les “Niboleks” (originaires des trois régions administratives du Niari, de la Lekoumou et de la Bouenza, soutenant Lissouba). L’atténuation progressive des affrontements armés et des tensions politiques permit à Kolelas de devenir, en 1994, maire de Brazzaville puis de se rallier plus ou moins à la coalition présidentielle. Cette première phase de la guerre civile, circonscrite exclusivement à Brazzaville, aurait fait “au moins 2 000 morts et plus de 100 000 personnes déplacées de part et d’autre de ce qui était devenu une ligne de démarcation interurbaine”.166

La deuxième phase de la guerre civile éclata quelques semaines avant l’élection présidentielle qui devait éventuellement renouveler le mandat de Lissouba, et alors que

164- Dans ce travail, les termes ethniques, tous d’origine bantu, seront mentionnés selon l’usage le plus habituel, consistant à supprimer le préfixe de classe au début du mot, sans introduire pour autant un signe éventuel de pluriel à la fin du mot. Ainsi, les balari (“balaadi”) seront désignés sous le nom de “lari”, les bakongo sous celui de “kongo”, etc.

165- Un militaire du nord du pays, ancien président de la République (1977-1979).

166- R. Pourtier, “1997: les raisons d’une guerre ‘incivile’”, Afrique contemporaine, n° 186 (avril-juin 1998), p.17

160 Sassou Nguesso, à nouveau candidat, semblait avoir plus de chances qu’en 1992. Le conflit commença le 5 juin 1997, alors qu’un détachement militaire français se trouvait à Brazzaville, du fait de la situation sur l’autre rive du Congo, où Kabila venait de renverser Mobutu, le 17 mai précédent, et de transformer ainsi le Zaïre en RDC (République démocratique du Congo). Mais la France se limita à évacuer les étrangers et à laisser les partisans respectifs de Lissouba et de SassouNguesso (milices “Cobras”) se battre le long d’une nouvelle ligne de partage, qui passait par l’aéroport de la capitale. Les quartiers sud, contrôlés par Kolelas et ses partisans.167

2-Déroulement du conflit

Dans ce conflit, certaines critiques mettent en avant l'implication directe de la multinationale ELF, qui avec Pascal Lissouba, se voyait en train de perdre le contrôle pétrolier au Congo en faveur d'une autre multinationale américaine.

Pour garder l'exploitation du pétrole au Congo, ELF arme lourdement la milice de Sassou Nguesso, favorable et plus rattaché aux intérêts français au Congo. Étant donc un militaire à la base Sassou Nguesso organise sa milice avec ses anciens lieutenants et certains autres partisans non militaires appelés dans le jargon populaire congolais : « les ratata civils » qui signifient rattachés civile.

Avec les élections présidentielles futures et la véhémence de Pascal Lissouba de négocier les prix du baril et de redistribuer l'exploitation, combinées à tout cela les anciennes rancœurs, le conflit fut aussitôt possible.

Et pourtant l'alliance MNR et PCT de Pascal Lissouba contre l'URD de Bernard Kolélas avait vu l'arrivée au pouvoir de Pascal Lissouba et promettait une alternative et une stabilité politique évidente168.

167- R. POURTIER, « Brazzaville dans la guerre », Crise urbaine et violences politiques », Vol 109, N°611, 2000, pp 3-20.

168- Suzie Guth, « Les collégiens et la guerre au Congo », Cahiers d’études africaine, N° 169-170, Cairn 2003, pp 337-350.

161 En juin 1993, une guerre civile éclata à Brazzaville. Cette guerre oppose trois parties: les partisans du président en exercice Pascal Lissouba, ceux du général SassouNguesso ancien président et ceux du maire de Brazzaville Bernard Kolélas leader incontesté de l'opposition depuis le premier mandat du président Sassou Nguesso. Mais les deux principaux protagonistes dans cette lutte restent Pascal Lissouba et Denis Sassou Nguesso.

Cette guerre, après des forts moments ou de turbulences est restée en veille. Le 5 juin 1997, l'engrenage de la guerre reprend. L'armée avec l'aide des zoulous (milice privée de Lissouba) tente de prendre l'assaut de la résidence privée de Denis Sassou Nguesso. Ce dernier par l'intermédiaire de sa milice privée les cobras repoussent ses assaillants. Durant quatre mois, Brazzaville se transforme en un véritable champ de bataille, la capitale congolaise est totalement dévastée et pillée de toute part. Cette guerre congolaise s'est transformée en conflit international car chaque camp avait sollicité des aides extérieures. Entre-temps, Lissouba s'allie à Bernard Kolélas et obtient entre autre le soutien militaire des pilotes d'hélicoptères Mi-24 des anciens pays communistes. Sassou Nguesso pour sa part reçoit l'aide logistique et matériel du président angolais Dos Santos qui avait mobilisé en faveur de Sassou Nguesso un important contingent de l'armée angolaise. Cette aide du président Dos Santos était la seule à être rendue officielle, mais en réalité plusieurs autres présidents voisins avaient apporté leur soutien à l'ancien président congolais SassouNguesso. Dès lors, les rapports de force se trouvent très déséquilibrés en faveur de Denis Sassou Nguesso. Cette situation de déséquilibre et de défaite presque évidente contraint les principaux dignitaires du régime au pouvoir de Pascal Lissouba à se se replier vers Pointe-Noire. 169

Ainsi, le 9 octobre 1997, l'aéroport de Brazzaville Maya-maya est aux mains des cobras et de l'armée nationale angolaise. Le 11 octobre de la même année l'aviation angolaise bombarde sèchement le palais présidentiel et les quartiers Bas Congo et Makelekélé, fief du président Pascal Lissouba. Lissouba est contraint à son tour de quitter la capitale congolaise pour se réfugier à Dolisie. Le 14 octobre 1997, les cobras et l'armée nationale angolaise entrent dans Brazzaville. Ils s'emparent ensuite de Pointe-Noire le 15 octobre. Lissouba et plusieurs de ses compères non plus d'autres alternatives que la solution de l'exil vers les pays

162 limitrophes pour échapper à la mort. Le président Lissouba trouve alors asile au Gabon. Sassou Nguesso s'autoproclame président de la république du Congo le 24 octobre 1997. 170

Le conflit s'était intensifié pour les raisons d'élections présidentielles prévues le 27 juillet 1997. Le conflit éclate gravement quatre semaines avant le scrutin. Pour les assaillants, il fallait anticiper sur les futurs événements après la proclamation des résultats car de toute façon les contestations étaient déjà affichées avant le scrutin. En plus, selon les observateurs, les conditions de la transparence de cette élection n'étaient pas évidentes171.

Bernard Kolélas quant à lui, se réfugie à Kinshasa.

3-Résolution

Le conflit s'apaise entre 1995 et 1997 grâce à l'entrée au gouvernement des membres de l'opposition. Mais la reprise du conflit en 1997 est provoquée par la ferveur des milices privées qui ne contrôlent pas leur enthousiasme.

Même si les tensions restent vives, ce conflit se termine par un accord de paix en décembre 1999. Mais pour certains spécialistes des conflits internationaux, la guerre civile congolaise ne prend fin véritablement qu'en 2002. La politique adoptée par les médiateurs du conflit avait été la réconciliation. Ce qui a permis à Bernard Kolélas de revenir à Brazzaville et d’être élu député de Goma Tsé-Tsé en 2007 et plusieurs membres de son parti politique sont admis dans le gouvernement de Sassou N’guesso172.

170- Source internationale, diplomaties et guerres, guerre et guérilla. Juin 1998.

171- P. Soni-Benga, les dessous de la guerre du Congo Brazzaville, Editions le Harmattan, 2007 pp 7-12. 172- P. Yongo, « La guerre civile du Congo Brazzaville 1993-2002, Chacun aura sa part », 2006, pp 3-19.

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