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ET UN GRAND DOMAINE AGRICOLE DU VAL-DE-RUZ AU XIX e SIÈCLE : LES PLANCHES

DES XVI et XVII SIÈCLES

ET UN GRAND DOMAINE AGRICOLE DU VAL-DE-RUZ AU XIX e SIÈCLE : LES PLANCHES

A l’écart de la circulation, les Planches sont connues des promeneurs par une très belle allée de tilleuls et d’érables (fig. 1) et par une maison qui n’est pas tout à fait de maître, bien qu’elle soit plus qu’une ferme1 (fig. 2).

C’est ce qu’il y a de plus appa-rent aujourd’hui de la propriété constituée dès 1821 par Jean-Jacques François Vaucher (1748-1825)2, riche négociant associé à Jacques-Louis de Pourtalès, propriété agrandie jusqu’à la fin du XIXe siècle par ses héritiers.

Jean-Jacques François Vaucher était déjà propriétaire d’un domaine à la Joux-du-Plâne3 lors-qu’il commença à acquérir des biens immobiliers aux Planches.

Il les transmit de son vivant à la veuve de son fils, aussi pré-nommé Jean-Jacques François (1782-1818), Charlotte-Henriette, née de Pourtalès (1788-1876)4. Celle-ci arrondit le domaine qui passa à sa fille, Charlotte-Louise

1 Cet article est en partie fondé sur des actes notariés originaux que Me Amiod de Dardel nous a obligeamment communiqués.

Nous l’en remercions.

2 Une notice biographique a été publiée dans Bulletin officiel de la ville de Neuchâtel, 22 juin 1972. Pour des informations généalo-giques sur la famille Vaucher, voir Archives de l’Etat de Neuchâtel (AEN), Dossiers de familles ainsi que Fichiers généalogiques.

3 AEN, Plans 430/160. Plan d’une montagne à J.-J. François Vaucher-DuPasquier, bourgeois de Neuchâtel, négociant, à la Joux-du-Plâne, 1808.

4 Sur la famille de Pourtalès, voir Louis MALZAC, Les Pourtalès. Histoire d’une famille huguenote des Cévennes, Paris, 1914, et R. CRAMER, Les Pourtalès, 1300-2000, s. d.

Fig. 1. L’allée de tilleuls et d’érables vue vers l’ouest.

Fig. 2. Maison construite par D.-F. Matthey (No 39-229).

(1815-1888), femme d’Auguste de Montmollin (1808-1898)5, puis à leur fils Jean (1835-1930), à la mort duquel il fut partagé : la grande maison et les terres vers l’est allant à Paul, fils de Jean, avant de devenir aujourd’hui propriété de la Fondation de la Tertillière ; les terres vers l’ouest allant à l’autre fils, Ernest de Montmollin, et de lui à Madame Françoise de Dardel, sa fille6.

La maison

Dans ses Souvenirs, écrits vraisemblablement au tournant des XIXe et XXesiècles, Magdeleine de Perregaux, fille d’Auguste de Montmollin, parle de l’acquisition, vers 1825, des Planches : « vaste domaine sur un plateau au-dessus de Dombresson. Il y avait là une immense ferme inachevée, bâtie par un pauvre paysan qui avait la manie des grandeurs et s’y était ruiné. »7 En effet, c’est bien du « tuteur et curateur judiciaire des enfants et famille de feu David-Frédéric Matthey, de Dombresson » que J.-J. Fr. Vaucher, père, acquit le 24 avril 1821 une maison « bâtie et édifiée à neuf » sur un terrain d’environ trois poses (

8100 m2) pour servir de « closel » et jardin.

L’acte mentionne aussi des « appartenances telles que cuve et citerne avec leurs pompe à eau en laiton fondu, bassins en pierre et en bois pour le bétail, arche farinière au grenier, couvercle de four et fourneaux, crémailler et tous objets de cette nature ». Le prix avait été fixé à 2000 francs tournois, y compris 100 francs pour les meubles, exempts de lods (droits de mutation)8. L’énumération des « appartenances » indique que cette maison était bel et bien achevée, mais, si elle avait été construite à usage agricole, elle ne fut sans doute jamais occupée à cet effet car, à la différence des contrats de vente de ferme, il n’est pas fait mention ici de reprise par l’acheteur de foin, de paille ou de fumier. Par ailleurs, l’immeuble était sis sur une superficie qui ne permettait ni élevage ni agriculture ; le domaine agricole attenant ayant été vendu antérieurement sur réquisition des créanciers de David-Frédéric Matthey9. Les mots « grange et écurie » furent même biffés dans le registre de 1861 de la Chambre d’assurance

5 Dominique de MONTMOLLIN, La famille de Montmollin au XXesiècle,Neuchâtel, 2006.

6 Jean-Paul de DARDEL, La famille Dardel,2eéd. Paris, 2003.

7 « Souvenir de Magdeleine de Perregaux, née de Montmollin (1839-1919) », préface de Dominique de Montmollin, Nouvelle Revue Neuchâteloise88, 2005, p. 41.

8 Acte passé par le notaire Josué Sandoz. (Les minutes des actes cités sont conservées aux Archives de l’Etat de Neuchâtel, à leurs dates, dans les registres des notaires mentionnés). Le terrain au nord de la maison est appelé aujourd’hui « Derrière chez Matthey ». Information due à M. Jean-Paul de Montmollin.

9 Actes passés le 23 avril 1822 par le notaire Josué Sandoz et le 25 avril 1822 par le notaire Pierre Josué Cuche.

contre l’incendie10, où l’on apprend que le toit était d’ardoise, alors que les fermes de la région étaient encore recouvertes de bardeaux.

Située en bordure du pâturage communal de Dombresson, cette maison, devenue résidence d’été, offrait au XIXe siècle une vue plus étendue que celle d’aujourd’hui à cause de la quasi-absence de forêt dans la côte au sud. Magdeleine de Perregaux en témoigne :

« [...] il est vrai que la ligne monotone de Chaumont borne son horizon au midi, cachant le lac et les Alpes, mais à l’est, la vue sur le Chasseral est charmante et, au couchant aussi celle qu’on a sur le Mont-d’Amin, Tête-de-Ran et l’entrée du Val-de-Travers. Dans mon enfance, le pâturage qui s’étend des Planches à Dombresson n’avait que de si petits arbres que de la maison on voyait à ses pieds l’église et le village. »11(fig. 3)

Afin de protéger cette maison du vent du nord, Charlotte-Henriette Vaucher fit planter l’actuel petit bois12, dont l’existence est mentionnée dès 183813; et l’année suivante fut semée de la graine de mélèze, origine sans doute des « superbes mélèzes près de la maison »14 qu’admirait déjà Magdeleine de Perregaux.

10 Les registres de la Chambre d’assurance contre l’incendie sont conservés aux Archives de l’Etat de Neuchâtel.

11 « Souvenirs de Magdeleine de Perregaux », pp. 43-44.

12 « Souvenirs de Magdeleine de Perregaux », p. 44.

13 Bail du fermier Vauthier, 2 novembre 1838. Abraham Evard, notaire.

14 Journal de surveillance de travaux. Archives de MeAmiod de Dardel.

Fig. 3. Le village de Dombresson en 1861, vu en direction du nord.

Fig. 4. Plan schématique du domaine des Planches, d’après Abraham Evard (AEN 391/159).