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1.3 Etat de l'art gradiométrique

1.3.5 Gradiomètre à atomes froids

La seconde catégorie de gradiomètres absolus est celle des gradiomètres à atomes froids. Comme pour les gradiomètres à coins de cube, cela leur garantie une bonne stabilité long terme, et ils n'ont pas besoin d'être calibré au préalable.

Comme dans le cas des coins de cube, le principe de mesure repose sur la mesure de l'accé-lération d'un objet en chute libre dans le vide. Ici, on fait donc chuter des atomes froids dans le vide et on mesure, par interférométrie atomique, l'accélération des atomes. Plus précisément, on génère deux nuages d'atomes, séparés d'une certaine distance, et on mesure la phase des atomes par uorescence, après interférométrie. La phase est directement proportionnelle à l'ac-célération des atomes. Pour obtenir le gradient, il sut de diérencier les deux mesures et de rapporter le résultat à la distance de séparation [66, 67]. Le protocole de ce type de mesure sera détaillé dans le chapitre 2.

Figure 1.16  Principe de fonctionnement d'un gradiomètre à atomes froids pour la mesure de Γzz. Figure extraite de [68].

Avec les atomes froids, pour réaliser la mesure des composantes diagonales du tenseur de gradient de pesanteur, il faut que l'axe selon lequel les nuages sont séparés soit colinéaire à l'axe sensible. Cet axe est déni par la direction du faisceau laser Raman qui est utilisé pour réalisé l'interférométrie atomique. Ainsi, la mesure de la composante Γzz [69] est réalisée avec une séparation verticale des deux nuages d'atomes, et un laser suivant cette même direction pour obtenir l'accélération verticale des atomes (gure 1.16). Pour la mesure de Γxx [70], ou Γyy, on réalise une séparation horizontale des deux nuages, et on a le laser qui suit cette même direction pour obtenir l'accélération horizontale des atomes (gure 1.17).

Pour réaliser la mesure des coecients hors diagonaux, il faut que l'axe sensible et l'axe de séparation des atomes soient orthogonaux entre eux. L'inconvénient des atomes froids pour la mesure du gradient de pesanteur est qu'il est dicile de pouvoir obtenir toutes les composantes avec un seul système. En eet, ce type d'instrument est déjà assez volumineux et la détermina-tion de toutes les composantes impliquerait la multiplicadétermina-tion des axes de mesures et des sources

1.3. ETAT DE L'ART GRADIOMÉTRIQUE

Figure 1.17  Principe de fonctionnement d'un gradiomètre à atomes froids pour la mesure de Γxx. Figure extraite de [34].

atomiques. Néanmoins, certaines études envisagent des architectures permettant de mesurer les trois composantes diagonales du tenseur, ainsi que les rotations, pour des applications embar-quées sur satellite [71].

Ce type de technologie permet d'obtenir des sensibilités de l'ordre de 3.10−9 g/Hz [72], pour l'accélération diérentielle, avec une exactitude inférieure à 10−9 g. La sensibilité sur la mesure de gradient de gravité dépend de la distance de séparation des nuages d'atomes froids. Pour une distance de séparation de 1,4 m, la meilleure sensibilité mesurée est de 40 E/Hz, avec une exactitude inférieure à 1 E, et une stabilité inférieure à 7 E [73].

La gradiométrie consiste en la mesure diérentielle de l'accélération de pesanteur en deux points de l'espace. Les variations du champ de pesanteur détectées par un gradiomètre nous donnent beaucoup d'informations sur la composition de notre sous-sol, ce qui peut est très intéressant pour la prospection. Elles sont également très utiles dans le cadre de la navigation furtive. Cette technique est également utilisée en physique fondamentale pour déterminer pré-cisément la constante gravitationnelle, ou encore pour vérier certaines théories. Concernant les missions spatiales, seuls les gradiomètres sont opérants dans ce type d'environnement. Ils peuvent ainsi être utilisés pour cartographier le champ de pesanteur terrestre, ou encore valider certaines théories en physique fondamentale.

Comparée à la gravimétrie, qui mesure l'accélération de pesanteur, la gradiométrie mesure les variations de l'accélération de pesanteur. En eet, la mesure diérentielle permet de rejeter certains eets communs aux deux mesures d'accélération. C'est un point très important pour la prospection embarquée et la navigation inertielle, car cela donne une mesure indépendante de l'accélération du porteur. C'est dans la thématique de l'embarquabilité et de la navigation que le projet GIBON a été mis en place.

Plusieurs technologies diérentes ont été développées pour la réalisation de mesures du gra-dient de pesanteur. Parmi elles, on trouve deux catégories : les capteurs relatifs et absolus. Les gradiomètres mécanique, supraconducteur et électrostatique, ont su faire leurs preuves en environnement aéroporté ou spatial. Il détiennent de très bonnes performances, mais ont l'in-convénient d'être relatifs, donc d'avoir une stabilité long terme limitée, et de devoir être calibré au préalable, avant la phase de mesure. Les gradiomètres à coins de cube et à atomes froids sont, quant à eux, absolus, ce qui leur permet d'avoir une très bonne stabilité long terme. De plus les gradiomètres à atomes froids peuvent atteindre de très bons niveaux de sensibilité à 40 E/Hz. Pour le projet GIBON, le choix s'est porté sur les capteurs absolus, pour la stabilité long terme, et plus précisément sur la technologie à atomes froids.

Dans la suite de ce manuscrit, nous présenterons le principe de fonctionnement général du gradiomètre GIBON, avec notamment ses particularités vis-à-vis des autres systèmes à atomes froids déjà développés. Par la suite nous détaillerons les diérentes étapes de la conception et de la réalisation du système, avec notamment l'enceinte à vide et l'ensemble des systèmes laser pour la manipulation d'atomes.

Chapitre 2

Principe de l'instrument GIBON

En 1924, Louis de Broglie découvre la nature ondulatoire de la matière, en associant à toute particule de matière une longueur d'onde [74]. Durant la seconde moitié du XXi`eme siècle, l'utilisation de ce principe pour mesurer des eets inertiels a permis de mettre en place des interféromètres à neutrons, sensibles à la pesanteur [75, 76] et à la rotation de la Terre [77].

La nature ondulatoire de la matière permet la mise en place d'interférences avec des paquets d'ondes atomiques. Ainsi en 1989, Christian Bordé montre théoriquement que la conguration d'un interféromètre à quatre ondes donne des franges de Ramsey optiques, sensibles aux accé-lérations et rotations [78, 79]. Les progrès dans la manipulation et le refroidissement d'atomes par laser [80] ont permis à plusieurs équipes de réaliser les premiers interféromètres atomiques [81, 82, 83], et plus particulièrement les démonstrations de mesure d'accélération et de rotation avec ce procédé [84, 85, 86].

Dans le cadre de notre étude, nous présenterons essentiellement le principe de fonction-nement d'un accéléromètre atomique. Nous montrerons la technique innovante, utilisée pour générer deux sources atomiques, pour ensuite présenter le principe de fonctionnement du gra-diomètre à oscillations de Bloch. Enn, nous donnerons les intérêts de cette technique, vis-à-vis des procédés existants, ainsi que les performances visées pour notre système.

2.1 Accéléromètre atomique

Un accéléromètre atomique mesure l'accélération que subissent les atomes, à l'aide de lasers. Dans le cadre de notre étude, nous allons utiliser les atomes de rubidium 87. Pour expliquer en détail le principe de fonctionnement de ce type de capteur, nous allons nous placer dans le cas particulier qui nous concerne, celui des gravimètres. Un gravimètre est donc un accéléromètre qui va mesurer l'accélération subie par les atomes suivant la direction verticale, directement liée à l'accélération de pesanteur.

Pour réaliser ce type de mesure, il faut tout d'abord procéder au refroidissement et au piégeage des atomes (gure 2.1, à gauche). Cette première étape consiste à utiliser la pression de radiation des lasers pour exercer une force de friction sur les atomes an de les ralentir ; il s'agit du refroidissement laser [87, 88]. En combinant ainsi six lasers suivant les six directions de l'espace, on peut refroidir les atomes, au sens de réduire leur dispersion en vitesse. Pour piéger les atomes à l'intersection des faisceaux laser, un gradient de champ magnétique, nul au centre, est appliqué au système. Ce champ magnétique créé une dépendance spatiale de la force

de pression de radiation des lasers, qui agit comme force de rappel sur les atomes. Ainsi, nous pouvons obtenir une température de l'ordre de 1 µK, soit une dispersion de vitesse d'environ 1 cm/s pour les atomes. A titre de comparaison, à température ambiante, les atomes se déplacent à environ 400 m/s. z x y Bobines Faisceaux laser MOT

Atomes Atomes Fluorescence

Laser de détection Temps π/2 π π/2 z g 0 T 2T Impulsions laser Raman

Figure 2.1  Principe de fonctionnement d'un gravimètre atomique en trois phases : refroidissement et piégeage des atomes (à gauche), puis interférométrie atomique (au centre), et enn détection par uorescence (à droite).

Une fois les atomes prêts, le piège est coupé et ces derniers sont en chute libre dans le vide. Durant leur phase de chute libre, des impulsions laser Raman vont "enregistrer" dans la phase des atomes, l'accélération de ces derniers (gure 2.1, au centre). En n de séquence, les atomes sont détectés par uorescence (gure 2.1, au droite). De ces mesures, nous pouvons estimer l'accélération de pesanteur subie par les atomes. L'ensemble de la séquence interférométrique, ainsi que la détermination de g, seront détaillées dans les points qui suivent.