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La coordination d’acteurs par les dispositifs institutionnels en question

Section 1 La gouvernance par les formes hybrides

1.1. Les relations contractuelles comme focus de l’analyse économique des institutions

Notre analyse des dispositifs institutionnels comme mode de gouvernance des enjeux environnementaux à l’échelle territoriale s’inscrit dans la théorie néo-institutionnelle. La compréhension des différentes formes contractuelles comme des arrangements institutionnels passés entre les acteurs pour faciliter leurs échanges (leurs transactions) y a tenu une place importante. Avant d’aller plus loin, on reprend ici la distinction effectuée par Williamson (2000) pour situer plus précisément l’apport de l’approche néo-institutionnelle, et la nature de leurs interrelations avec d’autres travaux sur l’analyse économique des institutions. On reprend ici le schéma dressé par Williamson (op. cit.).

Chapitre 4. Approche économique de la gouvernance : des institutions à la coordination ____________________________________________________________________

Williamson distingue 4 niveaux d’analyse, auxquels on peut rattacher quatre formes d’institutions. Le premier niveau correspond aux institutions dites informelles, d’essence sociale. Elles sont constituées par les normes sociales : « les sanctions, tabous, coutumes, traditions, et codes de conduite » (North, 1991, p.97). Ces institutions sont considérées comme les éléments structurants d’une société, et témoignent d’une grande inertie : soit du fait de leur importance fonctionnelle, soit de leur importance symbolique, soit enfin en raison de leurs fortes interconnections avec les autres formes d’institutions.

Figure 5 : Les niveaux d’analyse chez Williamson (2000) (repris de Ménard, 2012).

Le second niveau d’analyse a trait à ce que North (1990) appelle « les règles du jeu » (loi, constitution) qui édictent la qualité de l’environnement institutionnel (régime juridique, fonctionnement bureaucratique) au sein duquel les individus opèrent leurs échanges. Ces règles

« délimitent et soutiennent l’activité transactionnelle des acteurs » (Ménard, 2003, p.105). A un niveau inférieur à celui-ci se trouve les institutions de la gouvernance, c’est-à-dire des mécanismes qui régissent les interactions quotidiennes entre les acteurs de l’économie, ce que North appelle « arrangements institutionnels ». D’une manière générale, ces arrangements prennent des formes

Contrainte

Interaction Niveaux de l’analyse

Niveau 1 : Institutions enchâssées dans : coutumes, éthique, normes, religion, savoirs

Niveau 2 : Environnement institutionnel

Droits de propriété, institutions politiques, juridiques…

Niveau 3 : Modes de gouvernance Contrats, entreprises, formes hybrides, organisation interne

Niveau 4 : Allocation des ressources et emploi

Prix, quantités, incitations

Rythme du changement 100 à 1000 ans 10 à 100 ans 1 à 10 ans Continu

contractuelles pour favoriser l’entente entre les parties, réduire les conflits, et réaliser des gains mutuels. L’existence des arrangements est ainsi expliquée à l’aune des coûts associés à la réalisation des transactions : « [….] Toute relation, économique ou sociale, qui prend la forme d’un problème

contractuel (ou qui peut être décrite comme tel) peut être évaluée avantageusement selon les termes de l’économie des coûts de transaction » (Williamson, 1985, p.349).

Deux familles de coûts sont à distinguer, les coûts ex ante à la rédaction du contrat, et les coûts ex post. Ils relèvent d’un comportement opportuniste de la part de tout ou partie des cocontractants : comme la dissimulation de certaines informations avant la rédaction du contrat ou le fait de tirer partie de certains éléments non-écrits une fois le contrat établi. Les capacités limitées des agents impliquent une difficulté à prévoir l’ensemble de ces éléments qui peuvent altérer la réalisation de la transaction, d’autant plus que l’avenir reste incertain. Les acteurs s’exposent ainsi à des aléas contractuels. La conclusion d’un contrat relève dans ce cadre d’un mode délibéré de coordination entre deux ou plusieurs parties, qui y précisent un accord sur les termes de leurs engagements, rendus exécutoires par la loi (Brousseau et Glachant, 2002). Malgré tout, les agents vont déployer un ensemble d’efforts pour éviter de recourir au système judiciaire en cas de litige. Chaque relation contractuelle est par conséquent insérée dans une « structure de gouvernance » qui en assure l’exécution. L’émergence de chaque structure reste par conséquent corrélative de la qualité de l’environnement institutionnel.

L’articulation des règles du jeu de l’environnement institutionnel avec les interactions interindividuelles pose la question des mécanismes de coordination (la forme de pilotage de structures de gouvernance). Pour bâtir l’approche économique de la gouvernance, Williamson fait référence aux différents mécanismes économiques élémentaires qui contribuent à l’allocation optimale des ressources (niveau 4). On peut soulever ici le rôle incitatif des prix en tant que récompense, à mettre en balance par rapport à d’autres mécanismes plus coercitifs comme la supervision directe ou le contrôle, dans l’analyse des contrats développée par la théorie de l’agence (Jensen et Meckling, 1976). Aussi, si la théorie de l’agence propose une interprétation des contrats comme la solution aux incertitudes qui imprègnent les issues des relations contractuelles, la théorie des coûts de transactions considère en revanche les formes contractuelles comme le moyen de s’adapter à ces aléas, et constitue la solution organisationnelle optimale pour réaliser les transactions économiques dans un contexte d’incertitude. Il nous semble alors important de revenir sur le cadre analytique proposé par Williamson pour comprendre la place tenue par les formes hybrides dans le raisonnement néo-institutionnel.

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1.2. Des formes hybrides aux arrangements contractuels

Les travaux de caractérisation des formes hybrides font écho à l’approche williamsonnienne de l’existence des trois formes canoniques des structures de gouvernance des transactions économiques (le marché, les hybrides, et la hiérarchie). On ne dispose pas de définition consensuelle des transactions. La plus usitée est celle de Williamson (1985, p.1) pour qui « la transaction est le transfert de biens et services entre unités technologiquement séparables ». Williamson adjoint plusieurs attributs à la transaction. Les attributs des transactions permettent de caractériser ce qui est transféré, d’évaluer les coûts pour réaliser ce transfert, éléments essentiels pour l’arbitrage entre les structures de gouvernance permettant de minimiser ces coûts. On distingue ainsi :

• la fréquence à laquelle ont lieu les transactions. La fréquence n’est pas forcément l’attribut des transactions le plus discriminant des structures de gouvernance

• le type et le degré d’incertitude auxquels elles sont sujettes. L’incertitude se divise en deux composantes. La première composante est intrinsèque à la transaction elle-même, du fait de la complexité des tâches à réaliser, ou de la nature des transferts à opérer (le transfert de technologies, et de connaissances entre les partenaires par exemple). La deuxième composante est plutôt extrinsèque et relève de l’environnement institutionnel et économique. L’incertitude peut donc être dans ce cas technologique, légale et réglementaire, fiscale, ou marchande.

• la spécificité des actifs. Cette spécificité est la conséquence d’efforts ou d’investissements plus ou moins importants, notamment en termes de temps. Elle induit une relation particulière entre les agents concernés, basée sur l’interdépendance. Les investissements engagés par les parties contractantes pour sécuriser la production de ces actifs spécifiques à la réalisation d’une transaction particulière seraient sont jugés d’une valeur supérieure comparativement à une situation où la relation devrait s’achever.

Par ailleurs, l’existence de coûts de transaction est sous-tendue par deux mécanismes. Le premier est en rapport avec le comportement des agents. La théorie reconnaît aux individus des limites en termes cognitifs, de temps et d’information (Williamson, 2000), qui conduisent à postuler qu’ils sont dotés d’une rationalité limitée (Simon, 1957). La rationalité limitée des agents et leur individualisme mènent à des comportements opportunistes, favorisés ex ante par la

difficulté d’accéder aux informations, ou d’obtenir des informations fiables; et ex post par l’impossibilité de distinguer à l’observation des actions des partenaires, ce qui relève de l’imprévu, ou d’un environnement défavorable, de l’acte volontaire de défection. Par ailleurs, le déroulement des transactions n’est pas prévisible à l’avance, et est susceptible d’être perturbé. Les transactions sont donc dominées par l’incertitude, ce qui peut constituer aux côtés de l’opportunisme un mécanisme auto-renforçant.

Williamson (1991) établit alors des propositions théoriques pour mettre en perspective les attributs des transactions avec les structures de gouvernance, à travers l’intensité de trois caractéristiques qui distinguent ces structures. La première caractéristique, qui est cœur du travail de l’auteur sur les structures de gouvernance, est relative à leur performance face au changement, en d’autres termes leur capacité d’adaptation. La caractérisation de ce qu’est la capacité d’adaptation chez Williamson renvoie à des travaux plus anciens qu’il a réunit sous un même vocable. En effet, Hayek (1945) introduisait déjà cette question pour défendre la supériorité du marché à travers les mécanismes de la formation des prix. Par ailleurs, dans la théorie des organisations, Barnard (1938) investit également cette préoccupation en l’assignant comme une problématique interne aux organisations en rapport avec un environnement fluctuant. On peut ainsi distinguer chez Hayek une adaptation basée sur l’autonomie (« Adaptation A »), et pour Barnard une adaptation basée sur le principe de l’autorité requérant des mécanismes complexes de coopération (« Adaptation C »). Le concept qui relie et distingue à la fois les propriétés des ces deux types de structures de gouvernance en termes d’adaptation est celui de l’interdépendance. Dans le cas de l’organisation interne, la coordination des actions face à des perturbations imprévues de l’environnement repose en effet sur la condition des incitations nécessaires à la coopération. Dans la mesure où cette coordination comprend des coûts, l’interdépendance est considérée comme la condition de réalisation de bénéfices dans la manipulation des incitations. La matérialisation de l’instrument « incitations » au sein de la firme (focus de l’analyse organisationnelle) repose principalement sur l’usage des procédures de contrôles administratifs (monitoring, récompenses et sanctions). Dans le cas du marché, le repositionnement des acteurs (e.g., des vendeurs et des acheteurs) face à une perturbation se réalise de façon autonome (e.g., baisse des coûts) dans la mesure où l’interdépendance est faible : « Accounting systems cannot be

manipulated to share gains or subsidize losses » (Williamson, 1991, p.279). Il en résulte que le deuxième

attribut qui vient caractériser les structures de gouvernance est à lier aux instruments de gestion de la coordination des actions des acteurs. Enfin, le troisième attribut désigne les dispositifs qui servent de support pour spécifier les droits (de référence) et régler les litiges.

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Attributs Marché Hybride Hiérarchie

Instruments de management

Les Incitations ++ + 0

Les Contrôles administratifs 0 + ++

Performance

Adaptation A (autonomie) ++ + 0

Adaptation C (coopération) 0 + ++

Dispositifs pour les droits de référence

Contrats ++ + 0

Tableau 13 : Attributs des structures de gouvernance pour évaluer les coûts de transactions (tirée

de Williamson, 1991)

Ce tableau semble suggérer que le marché (mécanisme d’échange volontaire) correspond à la structure de gouvernance la moins coûteuse au sens où elle minimise les coûts de transaction pour des situations où les actifs impliqués sont faiblement spécifiques (très peu de dépendance entre les partenaires). En revanche, l’intégration verticale (la hiérarchie) présente un avantage comparatif pour le pilotage de transactions faisant appel à des actifs très spécifiques impliquant une forte dépendance. Entre ces deux situations polaires, les formes hybrides minimisent les coûts des transactions pour des situations empiriques mettant souvent en présence un nombre non négligeable de partenaires disposant d'actifs spécifiques et complémentaires, engagés dans des relations de long-terme et recourant aux contrats comme dispositifs de référence pour se coordonner et régler leur litige (Ménard, 1998).

L’introduction d’un autre attribut, le contrôle, permet d’apporter des précisions quant au rôle dominant du contrat dans la gouvernance économique. Le contrat permet d’établir des arrangements dont les caractéristiques s’écartent d’un centre unique de contrôle des droits de décision et qui détient les actifs en dernier recours (dans le cas de la hiérarchie, notamment). Les arrangements contractuels diffèrent également d’une coordination qui sépare les droits de décision de la propriété des actifs, comme celle offerte par le marché via les mécanismes de prix. Ainsi, en mobilisant plutôt les trois attributs suivants : – autonomie-contrôle, droits de décision, et le degré de spécificité des actifs – Ménard (2011) propose une autre façon de concevoir les

structures de gouvernance. On reprend ici la formalisation qu’il développe pour faciliter le raisonnement esquissé autour de ces trois attributs.

On considère deux firmes, 1 et 2, et 4 actifs {A, a, B, b}, où les actifs A et B sont respectivement le cœur de l’activité de la firme 1 et la firme 2. Les actifs {a, b} n’ont de valeur que s’ils sont employés ensemble, c’est-à-dire s’ils font l’objet d’une action coordonnée par les firmes 1 et 2. Le cas échéant, les bénéfices générés sont positifs, dans le cas contraire le bénéfice est nul. Ainsi, chaque firme détient des droits pleins de décision, notés DA et DB alors que les droits da et db doivent être employés mutuellement. En posant les bénéfices qui en résultent ΠA, ΠB, πa et πb, et en soulignant la possible existence d’un centre de décision, il est alors possible de synthétiser comme dans la figure qui suit les trois types de gouvernance de la tradition Williamsonnienne. Ce qui suit se concentrera sur la forme hybride au milieu de la figure.

Figure 17 : Forme d’hybride selon le degré de mutualisation des actifs et des droits de décision

La forme hybride de coordination présente une situation de coexistence de droits de décision et d’actifs partagés, tout en préservant une autonomie en matière de décision et de propriété exclusive de certains actifs. Cette coexistence d’interdépendance et d’autonomie se matérialise par des profits conditionnés par la collaboration (πa et πb) et des profits indépendants propres au cœur de métier de chaque firme (ΠA, ΠB). Les activités soumises à la collaboration, en générant des spillovers positifs sur le profit de chaque firme, exposent chacune d’entre elles à une incertitude de résultat en cas d’opportunisme de la part des partenaires, ce qui réclame un contrôle de ces derniers. Ce contrôle nécessite lui-même des solutions institutionnelles plus ou moins rigoureuses selon les spécificités des actifs mis en commun, à savoir l’allocation des droits et les incitations en jeu.

Pas de centre de décision Centre de décision (a, b, da, db, πa , πb) Centre de décision (A, a, B, b, DA, da ,DB, db, ΠA, ,πa,ΠB,, πb Firme 2 B, b DB, db Π Division 2 Division 1 Firme 2 B DB ΠB Firme 1 A DA ΠA Firme 1 A, a DA, da Π

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La schématisation du processus économique qui guide l’hybridation des formes de gouvernances esquissée auparavant masque en réalité les disparités des arrangements observés, ainsi que la stabilité du cadre conceptuel permettant de les interpréter comme « hybride ». Un parcours rapide de la littérature empirique sur les formes hybrides relève en effet un ensemble hétérogène de travaux, tout autant que les formes hybrides sur lesquels ils portent : les contrats de sous-traitance (Eccles, 1981), les réseaux de firmes (Thorelli, 1986 ; Powell, 1990), les systèmes de franchise (Rubin, 1978 ; Klein et al., 1978 ; Williamson, 1985), les coopératives (Cook, 1995), les alliances (Baker et al., 2002).

Concrètement, le développement de ces différentes pratiques pose la question des raisons qui poussent les acteurs économiques (en l’occurrence les firmes), propriétaires de leurs actifs et détenteurs de droits de décision, à ne pas passer leurs transactions par le marché mais au contraire à mettre en commun leurs ressources, parfois avec d’autres acteurs (autres firmes) avec lesquels ils sont d’ordinaire en compétition. On trouve trois explications dans la littérature (condensées par Ménard, 2012). La première invoque le traitement de la complexité, et ce à double titre : l’environnement économique dont on ne peut anticiper les perturbations -ce point a déjà été évoqué plus haut- et le besoin de coordonner de multiples transactions, le plus souvent imbriquées les unes dans les autres. Ces deux dimensions de la complexité associent d’autres aspects, qui mêlent le partage de risque liés à l’incertitude sur les contingences futures liées à la transaction et à l’environnement, avec la nécessité de se prémunir contre le risque d’opportunisme. La deuxième explication avancée a trait plus fondamentalement aux motivations des parties : bien que mettant en scène deux firmes concurrentes, la dépendance mutuelle est appréhendée comme une source de valeur. Elle se concrétise à travers la taille des investissements qui dépassent les capacités individuelles (et des économies d’échelles qui peuvent en résulter), la complémentarité et les effets d’apprentissage. Enfin la troisième explication est dans le partage de la rente de la coopération, où la forme de l’arrangement observé est une solution qui facilite les négociations ex post à des coûts de transactions moindres.47

Les raisons qui conduisent les firmes à engager des partenariats avec d’autres firmes sont à mettre en face des conditions de leur fonctionnement. On entend par là les conditions qui président à la stabilité à la fois des accords et des formes qui en résultent.

47 Il faut préciser que Ménard (2010) suppute certaines règles de partage formalisées, mais soupçonne également l’existence des règles non-contractibles pouvant servir un principe d’équité entre les parties.

Pour Ménard (2004) trois facteurs explicatifs peuvent être mis en avant, tous en lien avec le risque d’opportunisme de la part des cocontractants. Le premier se situe au préalable du processus : celle du choix de partenaire, son identité et la manière dont le partenariat procure des ressources complémentaires. Le deuxième a trait à l’organisation des activités et renvoie directement à la coordination inter-firmes et le choix des mécanismes de suivi des termes de l’arrangement. Enfin le troisième facteur explicatif implique la nécessaire gestion du partage de l’information entre les partenaires, de manière à éviter les situations d’asymétrie d’information. La gestion de ces trois types de facteurs garantit la stabilité du partenariat, en alliant coopération (mise en commun des ressources, de l’information) et coordination (planification des activités). Cette perspective de stabilisation se heurte cependant à une contrainte, celle de ménager l’autonomie respective des partenaires.

Le principe général qui sous-tend la stabilité des arrangements contractuels réside donc dans les mécanismes qui permettent de conserver la symétrie entre les partenaires (contrôle- autonomie, information) à un coût suffisamment faible et qui donne la possibilité de conserver les avantages de la décentralisation des décisions. Une lecture plus ancienne donnée par Park (1996, cité dans Ménard, 2011) permet d’opérer une distinction illustrative entre plusieurs types d’hybrides selon la forme que peut prendre l’entité de contrôle sur le partenariat inter-firmes48. Les firmes partenaires forment alors un « réseau », qui peut être géré sous trois grandes formes de contrôle. L’observation d’une forme de contrôle plutôt qu’une autre est explicable selon le degré d’imbrication des activités qui requièrent une complexité élevée en matière de contrôle et de décision conjointe.

Une gestion bilatérale fondée sur l’ajustement mutuel représente la forme de contrôle la moins coûteuse. Le principe est très peu formalisé, si bien qu’il convient de préférence dans les conditions où le besoin de recourir à la confiance est élevé et le risque d’opportunisme associé à la transaction est relativement faible. Il n’existe dans ce cas aucune entité centrale qui s’assure que le déroulement des activités est en accord avec les objectifs que se sont fixés les membres du partenariat. L’autorité de la prise de décision reste au niveau des firmes et les mécanismes de résolution de conflits s’inscrivent dans la négociation.

Une gestion bilatérale de type « alliance » (Contractor et Lorange, 1988) nécessite une formalisation plus importante que la gestion fondée sur l’ajustement mutuel, par le moyen de

48 La période à laquelle est publié l’article de Park engage par ailleurs à ne pas considérer cette typologie de formes observables d’hybrides comme exhaustive.

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règles écrites et des systèmes procéduriers de prise de décision collective. Park (1996) distingue deux formes d’alliances selon que l’interdépendance qui engage deux firmes est verticale ou horizontale. Les alliances qui ressortent d’une interdépendance verticale réunissent les contrats de licence, les franchises, les joint ventures, la cooptation, les directions d’entreprises imbriquées (interlocking directorates). Les alliances qui matérialisent une interdépendance horizontale réunissent les cartels, les consortiums de recherche et développement, les coalitions oligopolistiques, certains accords de licence et certaines joint ventures.

Ces réseaux perdent en efficacité à mesure que les transactions se complexifient, et que l’incertitude et la spécificité des investissements s’accroissent. Les coûts des transactions augmentent la vulnérabilité du partenariat et les besoins de coordination issus de la gestion et la sécurisation des transactions en lien avec les risques d’opportunisme (Provan, 1984). La mise en œuvre d’une gestion trilatérale, ou en d’autres termes l’intervention d’une tierce partie est ainsi souhaitable en présence d’incertitude forte autour des transactions (Williamson, 1979), afin de mener la résolution des conflits et l’évaluation des performances. Ce type de gestion trilatérale