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LA COORDINATION D’ACTEURS PAR LES DISPOSITIFS INSTITUTIONNELS EN QUESTION

La coordination d’acteurs par les dispositifs institutionnels en question

PARTIE 2: LA COORDINATION D’ACTEURS PAR LES DISPOSITIFS INSTITUTIONNELS EN QUESTION

Les dispositifs environnementaux ont été très peu abordés par la littérature économique, que ce soit sur le plan théorique ou empirique. Leur analyse ne peut en effet s’effectuer sous l’hospice des interrogations usuelles de l’approche économique standard des instruments de la politique environnementale. Dans ce cadre, on s’intéresse aux vertus respectives des outils basés sur les incitations économiques versus les outils de type « command-and-control » (Harrington et al., 2004). Les préoccupations en matière d’efficacité des outils mobilisés, au regard des propriétés d’externalité et de biens publics des actifs environnementaux qui sont en jeu, peuvent néanmoins justifier une intervention directe des pouvoirs publics (Baumol et Oates, 1988).

Une lecture alternative initiée par Richards (2000) peut être convoquée. Elle fournit une taxonomie des instruments de politiques environnementales selon la place et le rôle dévolus à l’Etat. Une première famille d’outils accorde ainsi à l’Etat un rôle d’assignation de droits et/ou de responsabilités, et laisse aux acteurs privés la négociation autour des usages. Le rôle de l’Etat est alors de préciser et d’assigner les droits initiaux, en fixant premièrement les droits de propriétés et en appliquant ensuite des règles de responsabilité. L’assignation des droits initiaux implique de désigner qui doit en bénéficier. Richard s’appuie sur Calabresi et Melamed (1972) pour construire une seconde condition, qui est celle de pouvoir protéger les droits initialement accordés, au moyen des règles de propriété et des règles de responsabilité. La règle de propriété permet l’échange de ces droits par le biais de transactions consenties. La règle de responsabilité implique l’assignation de droits initiaux mais aussi leur valeur : dans le cas d’un dommage subi, l’Etat désigne la partie responsable et fixe le montant de la compensation à verser à l’autre partie. Une seconde famille d’instruments accorde un rôle plus actif à la puissance étatique en le plaçant comme régulateur, ou en d’autres termes en le plaçant à l’origine des instruments qui permettent d’anticiper les conflits en restreignant les usages soit par le biais d’un prix (les taxes et marchés de droits), soit par le biais des normes réglementaires.

Figure 16 : Les rôles fondamentaux de l’Etat dans les politiques environnementales (Source :

Richards, 2000, p.236).

En cernant un peu mieux l’origine des dispositifs (cf. Annexe 1), il est possible, en s’appuyant sur la figure ci-dessus (fig.16), de voir qu’ils échappent aux dimensions incitatives des instruments économiques puisqu’ils ne comprennent pas d’éléments de fiscalité, ni de dimensions quantitatives ou tarifaires en référence aux marchés de droits. La référence à la notion réglementaire est partielle, dans la mesure où certains dispositifs sont rendus obligatoires par la loi (notamment sur les SAGE via la loi sur l’eau) ou le pouvoir central (via l’autorité des préfets), alors que d’autres ont connu des soubresauts sans être soumis à des arbitrages judiciaires46. Quoiqu’il en soit, obligation est faite au pouvoir central d’appliquer les dispositions des directives, et notamment les objectifs qui y sont fixés. Quant à la notion de régulation, elle dépend largement des effets obtenus des dispositifs pour pouvoir statuer sur un rôle qui irait dans ce sens.

Les analyses de la gouvernance environnementale telles celles menées par les approches interdisciplinaires portée par l’école institutionnaliste européenne (Paavola et Adger, 2005 ; Folke et al., 2005 ; Paavola, 2007 ; Newig et Fritsch, 2009 ; Paavola et al., 2009) ont abondé les réflexions sur les outils qui gouverneraient la coordination d’acteurs autour de la problématique environnementale à l’échelle spatiale de l’enjeu. Leur raisonnement s’appuie sur deux piliers : i) la qualification des enjeux environnementaux comme un problème d’interdépendance qui débouche sur des conflits d’usages (ou d’incompatibilité des intérêts) ; ii) la nécessité d’une solution institutionnelle qui rendra compatible les intérêts des parties à travers des procédures qui tiennent

46 Cf. en annexe 1 l’opposition du « groupe des 9 » lors de la sélection des sites Natura 2000. GOUVERNEMENT

Etablir les droits de propriété Etablir les règles de responsabilité Imposer les droits et appliquer les règles Faciliter la négociation entre les parties privées

Réguler

Mobiliser les incitations Intervenir directement ASSIGNATION DES DROITS FIXATION DES OBJECTIFS INITIATIVE DE LA MISE EN OEUVRE

compte de critères de justice. C’est en référence à ce critère que l’ouverture à la participation est centrale. Les travaux se sont par conséquent concentrés sur le design institutionnel et étudient les propriétés des différentes procédures au regard de la mise en participation des acteurs (Rauschmayer et Wittmer, 2006 ; Rauschmayer et al., 2009, Wesselink et al., 2011). L’analyse de la coordination effective des acteurs autour de la mise en œuvre des politiques environnementales reste ainsi périphérique du programme de recherche institutionnaliste, et à plus forte raison de l’interprétation des DIE en tant qu’outil de coordination, pour comprendre leur portée incitative.

Cette partie de la thèse reprend la problématique de la gouvernance environnementale par les DIE. Pour initier la réflexion, nous empruntons l’approche économique de la gouvernance proposée par Williamson (1991, 2000), basée sur la notion de transaction, et ses différentes adaptations à la mise en œuvre des politiques environnementales, pour mieux soulever les spécificités de la gouvernance par les DIE (chapitre 4). Par la suite, pour engager une évaluation de l’impact d’un outil institutionnel sur la coordination collective, le focus de notre analyse se déplace vers l’articulation des processus de collaboration initiés par ces DIE avec la dynamique territoriale. En d’autres termes, on s’intéresse au processus de recomposition du système d’acteurs (initiée véritablement ou non par les dispositifs environnementaux) pour porter l’enjeu collectif (Boschet et Rambonilaza, 2010), en l’occurrence la préservation des ressources naturelles. On fait en effet l’hypothèse que la prise en charge des enjeux portés au sein des dispositifs par les acteurs clés du territoire peut faciliter ou au contraire freiner la coordination collective à des fins environnementales, et gager ainsi fortement l’efficacité des politiques de préservation de l’environnement à l’échelle locale. Le chapitre 5 de cette thèse développe l’intérêt des analyses en termes des réseaux sociaux pour une analyse microéconomique des relations entre des acteurs situés socialement. Le chapitre 6 développe une application empirique pour identifier les réseaux de collaborations autour des enjeux environnementaux pour le cas de l’estuaire de la Gironde et teste l’impact des DIE.

C

HAPITRE

4.A

PPROCHE ECONOMIQUE DE LA GOUVERNANCE

:

DES INSTITUTIONS A LA COORDINATION

En référence à la typologie fournie par Williamson (2000), il semble évident que les DIE sont des formes hybrides, des formes de gouvernance intermédiaires entre le marché et l’intervention directe de l’Etat et qui s’appuient pour l’essentiel sur les « contrats ». Les spécificités des DIE en tant que forme hybride méritent cependant d’être mieux précisées, au regard des concepts analytiques de l’analyse néo-institutionnelle portée par Williamson et de ses extensions, ainsi que des applications récentes dans le domaine de l’environnement. On rappelle dans un premier temps la notion de gouvernance par les hybrides dans la tradition Williamsonnienne, puis on spécifie les outils et les différents mécanismes qui pilotent les formes hybrides de gouvernance (section (1)). Dans un second temps, la notion de transaction dans le traitement de la problématique de mise en œuvre des politiques publiques dans le domaine environnemental est présentée et discutée (section (2)). Une troisième section s’attache à donner un cadre d’interprétation aux modes de gouvernance environnementale : tantôt lues comme une manière de délimiter les frontières administratives de l’Etat, tantôt comme un moyen de limiter ses frontières institutionnelles, avant d’acter les DIE en tant qu’outil de coordination entre différents types d’acteurs, dotés d’intérêts et de compétence très diversifiés.