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Chapitre 2 : De la perception du changement climatique par les banques à la définition du

3 Gestion du risque de réputation

Afin de réduire ce risque de réputation en relation avec les impacts sur le changement climatique de leurs activités, les institutions financières adoptent de façon générale des politiques de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE). Elles se traduisent dans la pratique par la mise en place de procédures d’analyse de sensibilité des activités vis-à-vis d’un risque de réputation : des systèmes de notation (« scoring » et « rating ») des actifs et des contreparties pour les activités d’investissement ; et des politiques sectorielles permettant la sélection en amont des dossiers de crédits pour les activités de financement.

La spécificité des financements de projet (informations sur le sous-jacent de l’opération) a permis le développement d’une démarche d’uniformisation volontaire des protocoles de contrôle et d’analyse, spécifique à cette activité au niveau mondial : les Principes de l’Equateur. Ils reposent sur les normes de performance de l’International Finance Corporation (du groupe Banque Mondiale). Ils sont adoptés à ce jour par 78 institutions financières (couvrant plus de 70% des activités de financement de projet dans les pays en voie de développement) et font office de standard de marché. Le préambule des Principes de l’Equateur affirme : « Nous, les Etablissements financiers qui appliquons les Principes de l’Equateur, avons adopté les Principes de l’Equateur afin de nous assurer que les projets que nous finançons et que nous conseillons soient développés d’une manière socialement responsable reflétant des pratiques saines en matière de gestion de l’environnement. Nous reconnaissons l’importance du changement climatique, de la biodiversité et des droits de l’homme et considérons que les impacts négatifs sur les écosystèmes, les communautés et le climat doivent être évités dans la mesure du possible. Si ces impacts sont inévitables, ils doivent être minimisés, atténués et/ou compensés » (Principes de l’Equateur, 2013).

Ainsi le Principe 2 des Principes de l’Equateur, portant sur l’évaluation environnementale et sociale des projets financés, contient des obligations en termes de gestion des émissions de GES. L’opérateur

49 L’ONG Bizi a deversé 1,8 tonne de charbon devant le siège régional de la Société Générale à Bayonne, le 3 juin 2014 (http://france.attac.org/actus-et-medias/salle-de-presse/article/alpha-coal-1-8-tonne-de-charbon).

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Antoine ROSE – La comptabilité des émissions de GES par enjeu : un outil d’analyse des impacts du

changement climatique sur les activités d’une BFI 88

du projet (le client de la banque pour le financement de projet) devra effectuer une quantification des émissions de GES « conformément aux méthodologies et bonnes pratiques internationalement reconnues, par exemple GHG Protocol, sur les périmètres scope 1 et 250 » (Principes de l’Equateur, 2013). Pour les projets dont les émissions de GES seraient supérieures à 100 000 tCO2e/an, une analyse des alternatives (i.e. une évaluation d’options techniquement et financièrement réalisables, à des conditions de rentabilité effective, permettant de réduire les émissions de GES du projet au cours de sa conception, de sa construction et de son exploitation) doit être réalisée. Si la quantité d’émissions de GES ne pouvait être malgré tout inférieure à 100 000 tCO2e/an, l’opérateur devra publier annuellement les émissions de GES (scope 1 et 2) au cours de la phase opérationnelle du projet (Principes de l’Equateur, 2013).

50 Ces différents termes techniques de la comptabilisation des émissions de GES seront bien sûr présentés en détail dans le chapitre 3 de ce document consacré aux comptabilités environnementales et carbones.

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D – Conclusion du Chapitre 2

L’intégration des risques climat et carbone est encore très limitée au sein du secteur bancaire et financier, mais la prise de conscience des acteurs des impacts du changement climatique et des risques nouveaux qu’ils occurrent semble bien établie : « […] à moyen terme, nous sommes convaincus d’être gagnants en termes de maîtrise des risques globaux. Un projet qui présente un impact environnemental négatif présente bien sûr un risque de réputation, mais il comporte aussi un risque de crédit, lequel peut éventuellement déboucher sur un risque judiciaire pour la banque. L’idée est d’être sélectif à la fois par l’impact environnemental et social et par la maîtrise du risque global que peuvent présenter un certain nombre de projets ou de clients » (L. Pessez, déléguée à la responsabilité sociale et environnementale, BNP Paribas, 2012).

Conformément aux fonctions de lubrification des transactions et de résilience du système monétaire, la banque doit chercher à quantifier et gérer ces nouveaux risques liés au changement climatique : le risque climat et le risque carbone. Le risque climat correspond aux conséquences physiques et économiques du changement climatique. La vulnérabilité des activités au risque climat dépend donc de la situation géographique des activités (par rapport aux événements climatiques extrêmes et tendanciels) et de leur dépendance vis-à-vis d’autres activités localisées dans les zones de vulnérabilité. Le risque carbone, qui sera le centre de la suite de cette thèse, dépend des quantités d’émissions de GES susceptibles d’être réduites par les activités économiques si la transition vers une économie « verte » se réalise. Le risque climat et le risque carbone sont transversaux aux risques financiers classiques (Cf. Figure 2.2).

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La gestion du risque carbone par les établissements bancaires et financiers nécessite l’estimation des émissions de GES de leurs clients (ou l’empreinte carbone des portefeuilles). Cette estimation permet d’analyser les impacts d’un prix du carbone, de mesurer l’efficacité énergétique des entreprises, d’anticiper les effets des législations climatiques et de prévenir les atteintes à la réputation. Cependant la seule estimation des quantités de GES n’est pas suffisante pour conclure quant à l’intensité du risque carbone correspondant (Mercer, 2011 ; Moret et Llandric, 2010). L’analyse du risque carbone est très variable suivant les secteurs d’activité (Cf. Annexe – « Les compagnies aériennes et leurs émissions de GES »).

La prise de conscience croissante des enjeux associés au changement climatique se traduit par une demande de quantification des émissions de GES. « De façon croissante, les investisseurs et les autres parties prenantes demandent une plus grande transparence et une publication de la part des entreprises de leur performance en terme d’émissions de GES, mais également de leur vulnérabilité au changement climatique (OCDE, 2011c). Le manque de convergence au niveau international des standards de reporting des émissions de GES et des risques climatiques pour les entreprises limite encore la comparabilité des informations. […] Une plus grande harmonisation des méthodologies de comptabilité et de reporting des entreprises en lien avec le changement climatique permettrait de réduire les coûts, d’augmenter la qualité des informations rapportées par les entreprises, et de renforcer la transparence et les engagements vis-à-vis des actionnaires (OCDE, 2010) »51 (OCDE, 2012a).

Notre problématique d’analyse des impacts du changement climatique sur les activités de financement et d’investissement demande en reprenant les mots de WRI et al. (2012) de construire de nouveaux outils de quantification spécifique au risque carbone :

- « Comment la comptabilité des émissions de GES peut-elle contribuer à comprendre comment le changement climatique affecterait la qualité des actifs et l’allocation des fonds propres ?

- Comment la quantification des émissions financées peut-elle être à la base du développement d’outil de gestion des risques, permettre la juste tarification des prêts et des financements, et la création de services et produits financiers novateurs ? »52 (WRI et al., 2012).

51 Traduction de l’anglais : “Increasingly, investors and other stakeholders are calling for greater transparency and corporate disclosure about GHG emission performance and also about vulnerability to climate change (OCDE, 2011c). Yet the lack of convergence in internationally-agreed standards for GHG emissions and climate risks reporting at company level limits the comparability of corporate information. […] Increased harmonization of corporate climate change accounting and reporting methodologies could lower costs and improve the quality of information reported by companies, improving the transparency and accountability of corporations to these shareholders (OCDE, 2010)” (OCDE, 2012a).

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Chapitre 2 : De la perception du changement climatique par les banques à la définition du risque carbone

- “How can GHG accounting contribute to a financial institution’s understanding of climate change’s

potential to affect asset quality and capital adequacy?

- How can measuring financed emissions provide a foundation for developing risk management tools, the appropriate pricing for lending and financing and innovative financial services and

Chapitre 3 : La comptabilité des émissions de GES par enjeu : définition, justification et comparaison