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Chapitre 1 : Banque de Financement et d’Investissement et éléments de théorie bancaire

3 Estimation et gestion des risques au sein des banques

La question de la mesure et de la gestion des risques est centrale dans l’activité bancaire, mais elle a pris une ampleur nouvelle avec le renforcement des réglementations prudentielles. Introduisant une exigence minimum de fonds propres en fonction du risque pris (particulièrement l’amendement des accords de Bâle 1 de 1996 intégrant les activités de marché), ces dernières ont un rôle incitateur auprès des banques pour le développement des méthodes de mesure (modèles mathématiques sophistiqués…) et des outils de gestion (notations, systèmes internes…) des risques. Désormais toutes les banques sont dotées de services dédiés à la mesure, au suivi et à la gestion des risques. L’optimisation de l’allocation des fonds propres en fonction des activités est un enjeu majeur de stratégie de la banque.

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Kuritzkes et Schuermann (2008) distinguent trois types de risques :

- Le « risque connu (K), s’il peut être énuméré, c’est-à-dire identifié et quantifié »6. Le coût de ce risque est ensuite en principe répercuté dans le prix payé par le client. Ainsi si la mesure du risque est correcte, sa réalisation est statistiquement provisionnée par la banque, assurant ainsi sa solidité.

- Le « risque inconnu (u), s’il peut être identifié et énuméré, mais difficilement quantifié »7. Si le coût de ce risque est incertain, la banque peut choisir de se protéger en souscrivant une assurance ou développant des procédures de gestion. Il s’agit par exemple du risque de réputation.

- Le « risque inconnaissable (U), si son existence n’est pas prévisible ex ante, et encore moins quantifiable »8. Par définition imprévisible, la réalisation de ce type de risque ne peut être en théorie qu’absorbé par les fonds propres de la banque. Il s’agit d’événements dont la survenance n’était pas imaginable ; les attentats du 11 septembre 2001 constituent un bon exemple.

En se basant sur l’observation des pratiques des banques (Bernou, 2005 ; Pauget et Betbèze, 2008), Kuritzkes et Schuermann (2008) désagrègent le risque bancaire, défini comme les variations par rapport aux résultats attendus (« deviation from expected earnings »), en cinq catégories (Cf. Figure 1.2) :

i) Le risque de marché, est la perte potentielle sur les positions de la banque (obligations, actions, change, matières premières) sur les marchés financiers, liée à la volatilité des prix.

ii) Le risque de crédit, est la perte potentielle due à un défaut de paiement d’un emprunteur.

iii) Le risque de liquidité, est la perte potentielle causée par les variations des taux d’intérêt, liée à la transformation de bilan (passif à court terme et actif à long terme) que réalise la banque.

6 Traduction de l’anglais : “risk is “known” (K), if it can be enumerated, in the sense of being identified, and quantified”.

7 Traduction de l’anglais : risk “is “unknown” (u) if the set of risks can be identified and enumerated but not meaningfully quantified”.

8 Traduction de l’anglais : risk “is “unknowable” (U) if the existence of the risk or set of risks is not predictable ex ante, let alone quantifiable”.

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iv) Le risque opérationnel, est la perte potentielle résultant de l’inadaptation ou de la défaillance de procédures internes (erreurs, défaillances informatiques), d’actes délibérés ou non de la part du personnel de la banque (fraude), ou d’évènements externes (incendies, inondations) (définition du comité de Bâle).

v) Le risque économique (de l’anglais « business risk »), également appelé risque stratégique (Slywotzky et Drzik, 2005), est le risque résiduel non pris en compte par les précédentes catégories. Sa définition recouvre ainsi les effets d’une baisse de la demande, une augmentation des prix, des obsolescences technologiques, des changements réglementaires, des choix stratégiques (l’ensemble des risques caractéristiques des entreprises non financières).

Afin de suivre ces différents risques dans leurs portefeuilles, les départements en charge des risques dans les banques considèrent des analyses transversales par secteurs d’activité, zones géographiques ou au niveau du portefeuille pour évaluer les corrélations entre les risques individuels. On parlera respectivement de risques sectoriels (institutions financières, énergie, transport..), de risques pays, ou de risque de portefeuille.

La proportion des facteurs de risque de type K (risque « connu »), u (risque « inconnu ») et U (risque « inconnaissable ») varie significativement suivant les risques bancaires considérés (Cf. Figure 1.3).

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Figure 1.3 : Les risques bancaires en fonction de la proportion de risque « connu » (K), « inconnu » (u) et « inconnaissable » (U), d’après (Kuritzkes et Schuermann, 2008).

Le risque est mesuré par la « valeur exposée au risque » (de l’anglais, « value-at-risk », VaR), ou le capital économique, qui représente le montant de capital nécessaire pour faire face à la volatilité des revenus sur une période donnée avec un intervalle de confiance à x % (Cf. Figure 1.4) (Kuritzkes et Schuermann, 2008). L’objectif de la réglementation prudentielle est bien entendu de rapprocher le capital économique du capital réglementaire. Cependant sa mesure est dépendante des modèles probabilistes utilisés.

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D – Conclusion du chapitre 1

Si les activités de collecte de dépôts et d’octroi de crédit constituent la base du métier bancaire, les évolutions récentes depuis les années 1970 (les « trois chocs technologique, réglementaire et économique » (Pastré, 2009)) posent la question de la définition de la banque contemporaine. Nous conclurons à l’aide des mots de Pauget et Betbèze (2008 ; p119) :

« Où peut s’arrêter la banque ? Certains experts disaient il y a quelques temps encore : au marché. La banque était alors vue comme un système interne (privé) de traitement de l’information et d’octroi de financement. Le marché réunissait des ressources et les affectait de manière codifiée. La banque était le domaine de la confidentialité, le marché celui de la transparence. En réalité, les oppositions ne sont pas aussi nettes. Certes, la banque reste le domaine de la confiance et du privé. Mais elle est également transparente, en précisant ses comptes, ses résultats, ses stratégies et en informant régulièrement le marché de ce qu’elle fait et prévoit. De son côté, le marché ne peut pas traiter les souhaits des particuliers en matière de crédit ou d’investissement. Il ne peut pas répondre non plus à une entreprise qui souhaite s’étendre dans un pays, sauf si l’opération est importante. Le marché concerne les opérations de gros. En matière d’information, il est certes transparent, codifié, mais souvent moins souple que la banque elle-même.

Au fond, il y aura toujours un traitement bancaire spécifique, en liaison avec le côté privé de l’information qui permet la création monétaire. Il y aura aussi des opérations de marché, d’importants montants, avec des informations qui seront envoyées de manière codifiée. Même si les différences se réduisent, le marché et les banques ne s’excluent pas. Ils vivent en concurrence et en coexistence. »

Les banques de financement et d’investissement (BFI) ont la particularité de joindre ces deux mondes bancaire et financier. Comme leur nom l’indique, elles participent au financement de l’économie (activités bancaires stricto sensu) et réalisent des investissements, pour compte propre ou compte de tiers, sur les marchés financiers.

« La banque a une profonde utilité sociale, dès lors qu’elle s’organise suffisamment bien pour faire son travail, gérer la monnaie et l’épargne, faire des crédits, à tous, partout, dans les meilleures conditions ». (Pauget et Betbèze, 2008 ; p 121). Son utilité sociale réside dans sa résilience aux impacts extérieurs, dans sa capacité à maintenir ses fonctions de garantie des dépôts, de financement de l’économie par la création monétaire des crédits. Dans ce cadre, la problématique des impacts du changement climatique (via le bouleversement profond de nos économies) sur les activités bancaires devient pertinente et est discutée dans le chapitre 2 de cette thèse.