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Les ganglions de la base : des structures aux fonctions multiples

Dans le document EDP Open (Page 36-40)

Rôle essentiel de la mémoire dans la formation

3. Les ganglions de la base : des structures aux fonctions multiples

Le développement du cortex préfrontal a donc conduit à une restructuration des réseaux cognitifs dans lesquels les deux systèmes (cortex préfrontal et ganglions de la base) peuvent être activés en parallèle. Le striatum, qui chez les mammifères est l'une des structures des noyaux gris centraux en charge des fonctions cognitives implicites, est également impliqué dans des fonctions explicites et interagit avec le cortex préfrontal dans un certain nombre de tâches liées à la production de nouvelles réponses et des stratégies novatrices (Oliverio 2008). Par exemple, le striatum ventral (noyau accumbens) est impliqué dans la transition d'une stratégie cognitive à l'autre en fonction des besoins du moment et de la situation de l'environnement (Ferretti et al. 2010). En outre, dans certaines situations, le striatum peut prendre en charge les fonctions cognitives explicites, telles que les fonctions linguistiques ou, de façon plus générale, les tâches déclaratives.

Figure 1. Localisation de différentes structures cérébrales (Figures fournies par l’auteur)

Le rôle des ganglions de la base dans les mémoires non procédurales et déclaratives ressort d'une série d'études conduites sur les animaux et sur les êtres humains. Ces études sont basées sur des évaluations de la mémoire spatiale, sur les réponses à des stimuli nouveaux ou connus, et sur des formes de navigation qui répondent à des références égocentriques ou allocentriques. De l’avis de plusieurs auteurs (voir Buzsáki et Moser 2013) notre mémoire sémantique dériverait de nos capacités de navigation allocentrique tandis que notre mémoire épisodique (celle de notre « parcours » autobiographique) dériverait de nos capacités de navigation egocentrique (celle des parcours dans l’espace). Les mêmes réseaux de neurones pourraient donc fournir des algorithmes capables de traiter les deux types de voyage, spatiaux et temporels, une interprétation qui indique l'unité des processus représentatifs de la mémoire, dans le prolongement de ce qui se passe chez le nouveau-né qui extrait des mouvements les notions de temps et d'espace des processus mentaux.

En ce qui concerne le striatum ventral, spécifiquement le noyau accumbens, cette structure peut participer aux formes de navigation qui ne sont généralement pas associées à la fonction de l'hippocampe, telles que les réponses de navigation dépendant des références égocentriques (par opposition à celles allocentriques) (De Leonibus et al., 2005, Floresco et al., 2006). De cette manière, le noyau accumbens peut être similaire au striatum dorsal, en ce que le striatum dorsal aussi a été impliqué dans l'apprentissage égocentrique (Abraham et al., 1983 ; Cook et Kesner, 1988 ; Potegal, 1969). Un rôle comparable pour le striatum dorsal et le nucleus accumbens dans l'apprentissage égocentrique a été démontré dans une tâche de déplacement d'objet (De Leonibus et al., 2005). Ensemble, plusieurs résultats indiquent que le striatum dorso-latéral est nécessaire seulement pour la

« réponse » égocentrique de localisation, tandis que le nucleus accumbens peut participer à la fois aux formes de localisation « spatiale » allocentrique et de « réponse » égocentrique (De Leonibus et al., 2005, Ferretti et al., 2015 ; Rinaldi et al. 2012)

Les fonctions mnémoniques des ganglions de la base qui ont été étudiées principalement chez les animaux inférieurs ont également été démontrées chez les humains.

Par exemple, la mémoire des tâches procédurales telles que le labyrinthe radial a été associée à une plus grande activation du striatum dorsal (Bohbot et al., 2004, Iaria et al., 2003 ; Konishi et al., 2013) et à une augmentation de la connectivité corticostriatale (Horga et al., 2014). De même, dans des études de neuroimagerie chez l'homme, les sous-régions dorsales striatales ont été impliquées dans l'apprentissage instrumental (Brovelli et al., 2011

; Tricomi et al., 2009). Des preuves électrophysiologiques chez les humains indiquent également un rôle important du noyau accumbens dans l’apprentissage stimulus-réponse (Cohen et al., 2009). Ainsi, les ganglions de la base, en dehors de leur rôle classique dans la fonction motrice, sont impliqués dans une variété d'apprentissages et des processus de mémoire.

Les ganglions de la base sont un lien au travers duquel les régions corticales et sous-corticales qui exercent des fonctions exécutives, limbiques, sensorielles et motivationnelles peuvent influer la motricité et générer ainsi des stratégies comportementales pour atteindre des résultats favorables. Il faut souligner que bien que les ganglions de la base fonctionnent

souvent de concert avec des systèmes de mémoire d'ordre supérieur, la contribution des ganglions de la base à une situation d'apprentissage donnée reste unique. Dans certaines situations d'apprentissage, les lésions des ganglions de la base produisent des altérations plus graves (par exemple, Fouquet et al., 2013, Pistell et al., 2009) et dans d'autres situations, des déficiences moins graves (Devan et White, 1999).

En outre, conjointement avec l'existence d’interactions compétitives entre les systèmes de mémoire (pour une discussion récente, voir Poldrack et Packard, 2003), les lésions des ganglions de la base peuvent être associées à une fonction accrue d'autres systèmes de mémoire (Bradfield et Balleine, 2013 ; Kosaki et al., 2015). De même, les lésions ou l'engagement réduit d'autres systèmes de la mémoire (par exemple, l'hippocampe) ont été associés à une augmentation des fonctions de l’apprentissage et de la mémoire au niveau des ganglions de la base (Packard et Goodman, 2013). Ainsi, les ganglions de la base peuvent intervenir sur les fonctions dissociables de la mémoire qui, selon les exigences de la tâche, peuvent soit rivaliser ou coopérer avec des régions alternatives du cerveau pour le contrôle de la mémoire et de l'apprentissage.

4.

Mémoire : simple archivage ou perpétuelle restructuration

?

La multiplicité des structures impliquées dans la mémoire et dans ses fonctions représentationnelles nie l’existence d’un « centre » de la mémoire et nous parle de réseaux complexes et d’un dynamisme qui est aussi évident dans les processus de reconsolidation à travers lesquels la représentation d’une expérience est mise à jour (Squire et Oliverio 1991).

La mémoire est souvent présentée comme une archive dans laquelle des expériences sont déposées : une archive durable qui contient les souvenirs dits à long terme, consolidés et stabilisés à partir de la forme à court terme ou « de travail ». Cette conception à deux niveaux de la mémoire a été établie suivant les théories de Donald O. Hebb (1904-1985) qui a d'abord soutenu que les souvenirs à court terme dépendaient des altérations électriques d'un circuit nerveux et à long terme des changements structurels.

Conformément aux théories hebbiennes, les neuroscientifiques ont montré que la phase de consolidation de la mémoire est fragile et que de nombreux traitements physiques, comme un électrochoc administré immédiatement après une expérience ou l'administration d'antibiotiques qui bloquent la synthèse des protéines, et donc la production de nouvelles synapses, empêchent le passage de la mémoire à court terme vers la mémoire à long terme:

mais une fois la consolidation effectuée, rien ne peut troubler les souvenirs stables, sauf un lent et inexorable processus d'oubli, plus évident dans les années de vieillesse.

Autrefois, la psychobiologie de la mémoire était donc basée sur le principe de stabilité des souvenirs, codifiés sous forme stable dans les circuits cérébraux : mais ce principe a été contesté il y a quelques années par les études d'une psychologue, Elisabeth Loftus (2005), qui a étudié la mémoire autobiographique et a démontré que les souvenirs dépendent d'un travail complexe de remaniement de "fragments" liés à différents niveaux autobiographiques. L'immutabilité et la stabilité de la mémoire à long terme seraient donc un mythe, et le processus de consolidation ne garantirait pas une cohérence des expériences

codifiées sous une forme « stable ». Ce nouveau concept est lié à une série de recherches, principalement conduites par Karin Nader, George Schafe et Joseph LeDoux (2000) et par Susan Sara (2010) : les résultats de ces études montrent qu'en plus de la consolidation, il y a aussi la reconsolidation, caractérisée par la restructuration des expériences antérieures, ce qui implique une nouvelle représentation cognitive. Le terme de reconsolidation indique donc que le fait de se souvenir de quelque chose rend la trace de la mémoire flexible, sujette aux re-manipulations et à la restructuration. Par conséquent, les représentations de la mémoire, plutôt que d'être stables, sont dynamiques.

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