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Détection des différentes dynamiques d’un signal cérébral

Dans le document EDP Open (Page 83-87)

une revue des avancées récentes 1

5. Vers des signatures de la conscience

5.3 Détection des différentes dynamiques d’un signal cérébral

Sommes-nous capables de détecter ces faits en observant l’évolution dans le temps de l’activité cérébrale globale, une fois le stimulus émis. Dans un premier temps nous avons regardé à quels moments l’activité cérébrale globale augmente le plus avec la force du stimulus, reflet uniquement du traitement du stimulus, et dans un second temps regardé les moments où l’activité cérébrale globale montre ce pattern non-monotone très typique de variabilité inter-essais. C’est ce que nous avons fait chez des sujets sains, et le résultat est montré sur la figure 15a ; l’origine des abscisses est l’instant où l’on présente le stimulus auditif ; la courbe verte montre la période où le stimulus est traité. Cette période est assez longue, supérieure à une seconde 2. On voit par contre, sur la courbe rouge, que la période d’accès conscient, elle, est plus restreinte : elle démarre de manière abrupte autour de 0.2 secondes après la présentation du stimulus, atteint son apogée à 0.5 seconde après la présentation du stimulus, mais s’arrête autour de 0.8 seconde. Cette période plus restreinte correspond, au niveau cérébral, à l’activation de tout un réseau de traitement de l’information, avec au centre le cortex auditif, puisque ce sont des stimuli auditifs, et autour, un espace global de travail conscient. Ce qui est intéressant c’est que cette signature peut-être vue chez chaque individu : la figure 15a montre ainsi l’exemple de deux individus identifiés comme « Subject 10 et Subject 14 », où l’on voit cette signature d’accès conscient en rouge.

On est ainsi capable de lire cette dynamique sans trier les essais en fonction de ce qu’a dit la personne ; mais c’est une situation où il avait été demandé préalablement aux sujets de faire un traitement de cette information. Aussi nous nous sommes ensuite placés dans le cas de personnes prenant juste spontanément conscience du stimulus, sans consigne de traitement de l’information apportée : on place les sujets dans une situation où ils reçoivent les mêmes stimuli, mais où ils n’ont rien à faire de spécial sur ces stimuli, ils réalisent d’autres tâches sans rapport, comme par exemple des « quizz ».

Il est évident que ces sujets vont spontanément prendre conscience de ces stimuli, en tout cas les plus audibles. Est-ce que, dans ce cas apparaît toujours sur la courbe rouge la bi-modalité, la variabilité inter-essais autour du seuil de conscience ?

2 par exemple, au bout de 1,4 secondes, il n’y a plus aucun lien entre l’activité cérébrale et l’intensité

du stimulus, alors que ce lien atteint sa valeur maximale – pente de régression > 0.2 - autour d’une demi-seconde

La réponse est oui. On constate effectivement toujours une grande période de traitement du stimulus (courbe verte de la figure 15b), alors même que l’information apportée n’a pas à être traitée dans un but spécifique, même pas pour être rapportée à l’expérimentateur ; on constate aussi une période d’accès conscient, mais plus restreinte (courbe rouge de la figure 15b) : Le sujet a pris conscience de ce stimulus mais, comme il n’a pas eu à l’utiliser pour une tâche, cette période est plus restreinte.

Figure 15 : Détection des différentes dynamiques dans le signal cérébral. Images extraites de Sergent, Labouret et al. , in Prep

Si maintenant on reconstruit l’activité qui se produit, à ce moment de perception consciente, lorsque les sujets n’ont aucune tâche à faire sur le stimulus, on voit encore une fois un réseau apparaître, mais alors les activations fortes préfrontales disparaissent : une espèce de réseau existe bien encore, mais le cortex préfrontal joue un rôle moins important puisqu’il n’y a pas de tâche à effectuer sur le stimulus. Ainsi, si on appelle espace global de travail conscient le réseau qui se manifeste dans le cas où un travail d’interprétation du stimulus existe, peut-être pourrions-nous parler ici d’un espace global de loisir conscient, un partage de cette information juste pour jouer avec cette information, sans but spécifique.

6. En conclusion

Ce tour d’horizon montre que l’on connait déjà pas mal de choses sur les bases neurobiologiques de la conscience. On sait qu’il y a une grande part de notre activité cérébrale même à l’éveil qui est non consciente et que certaines informations semblent être

sélectionnées, probablement par le système attentionnel, pour être traitées consciemment ; que cela entraine une augmentation de l’activité sensorielle associée, des activations frontales et pariétales, les activations frontales pouvant peut-être être modulées par la tâche, une augmentation du dialogue, et donc du couplage à longue distance des différentes aires et enfin une dynamique de saut : il semble y avoir un gap de l’activité cérébrale au moment de la prise de conscience, gap qui apparait après une première phase préconsciente du traitement, et qui produit un effet relativement stable pendant quelques centaines de millisecondes, une phase d’accès conscient.

Ces 40 dernières années de recherche ont fait faire des progrès considérables en partant de l’expérience subjective et en allant vers l’activité cérébrale. Maintenant, nous sommes à un moment charnière où l’on va être capable de partir de l’activité cérébrale pour aller vers l’expérience subjective.

Références : pour en connaître plus et mieux comprendre

Stanislas Dehaene, Lionel Naccache et al. ; Imaging unconscious semantic priming ; Nature 395 ; 1998 ; 597-600

Stanislas Dehaene, Lionel Naccache et al. ; Cerebral mechanism of word masking and unconscious repetition priming ; Nature Neuroscience 4 ; 2001 ; 752-758

S. Sandaghiana, G. Hesselmann et al. ; Distributed and antagonist distribution of ongoing activity fluctuations to auditory stimulus detect ; Journal of Neuroscience 29 ( 42) ; 2009 ; 13410-13417

G. Rees, G. Kreiman et al. ; Neural correlate of conciousness in humans ; Nature Reviews Neuroscience 3 ; 2002 ; 261-270

in Research and Perspectives in Neurosciences, S. Dehaene et Y. Christen (Eds):

Characterizing consciousness : from cognition to the clinic ? pp.55 à 84, Springer-Verlag 2011

in Consciousness and the Brain, Stanislas Dehaene (Ed) : C. Sergent and S. Dehaene ; The signature of a conscious thought ; pages 115 à 160, Penguin Books 2014

Sergent C, Baillet S, Dehaene S, ; timing of the brain events underlying access to consciousness during the attentional blink ; Nat. Neurosc. 10 ; 2005 ; 13391 – 13400 A cognitive theory of consciousness, Berard S Baass ( Ed) 1998, Cambridge University Press

Quelles données subjectives

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