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La géographie, ça se fait, d’abord, sur le terrain

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 136-144)

Comment les géographes s’emparent-ils du terrain pour le construire à la fois en discours et en objet scientifique ? Le projet fixé dans ce cheminement consiste à retracer la généalogie des discours qui font du terrain un impératif méthodologique aussi bien au sein de la discipline que de l’institution. L’un des paradoxes de la géographie française classique est justement d’avoir fait du terrain le cœur de son outillage méthodologique, mais de n’avoir pas cherché, en aucune façon, à interroger cette démarche. C’est au moment où surviennent les premiers « craquements » dans l’édifice vidalien – selon la formule d’André Meynier (Meynier, 1969) – que l’on commence à interroger l’héritage, à ausculter ses fondements théoriques et épistémologiques et à pointer ses impasses : la réflexion sur le terrain des géographes surgit donc au sein d’une communauté déjà secouée par différentes initiatives qui visent toutes à réformer la discipline et à refonder son objet200. C’est la revue Hérodote201, fondée en 1976 et animée par Yves Lacoste, qui – pour la première fois dans la géographie française – se penche sur le terrain et instruit son dossier dans une perspective réflexive et critique. Ces deux numéros d’Hérodote constitutifs de notre corpus constituent donc autant un état des lieux de la réflexion (une manière de poser le problème) qu’un événement dans l’histoire intellectuelle et épistémologique de la discipline.

L’entreprise est pionnière202 et s’inscrit dans la démarche de la revue Hérodote qui cherche à susciter le débat au sein d’une discipline alors en crise, en la questionnant et en dénonçant ses implications politiques et idéologiques latentes : la « guérilla idéologique » entreprise doit révéler que la géographie est avant tout politique (Lacoste, 1976a). Il faut donc s’interroger – dans ce contexte idéologique – sur les causes et les modalités du surgissement du terrain comme problématique

200 Les années 1970 voient l’émergence de nombreux courants de la discipline qui cherchent à définir son objet et à perfectionner ses méthodes comme l’atteste la création de nouvelles revues comme L’espace géographique, Hérodote ou EspacesTemps.

201 « L’enquête et le terrain ». Hérodote (1977). n°8, et« L’enquête et le terrain 2 ». Hérodote (1977). n°9.

202 A la même époque, Pierre George dans son Dictionnaire de la géographie ne définit que l’acception géologique du terrain (George, 1970).

cristallisant les contradictions et les apories de la géographie d’alors. En effet, cette émergence du terrain relève d’un paradoxe : alors que Yves Lacoste pointe les insuffisances théoriques de la géographie et contribue à son renouvellement épistémologique (Châtelet, 1973), le terrain n’est pas envisagé sous un angle épistémologique – il n’est pas question ici d’interroger la fabrique des savoirs géographiques ni même d’ouvrir une quelconque boîte noire – mais dans une perspective éthique et politique. Ce n’est pas le statut scientifique de la géographie qui est en jeu mais plutôt la capacité de cette discipline à dire le monde tel qu’il va. Ce qui est questionné dans ces deux numéros, c’est l’utilité du savoir géographique et les conditions éthiques de son élaboration. Dans ce cheminement, l’étude de ce premier corpus doit mettre en évidence les causes et les modalités de la problématique du terrain dans la géographie française : comment le problème est-il posé ? Pourquoi ? Et pourquoi dans Hérodote ? L’hypothèse défendue ici est que cette interrogation du terrain sous un angle politique et éthique s’inscrit dans la perspective du renouvellement disciplinaire entamé dans La géographie, ça sert, d’abord, à faire la guerre (Lacoste, 1976c) dont le but est de politiser la discipline et d’en faire un outil pertinent pour comprendre le monde et ses évolutions. Cela explique l’originalité de la voie empruntée à l’écart de toute réflexion théorique ou méthodologique (qui resterait du domaine de la controverse universitaire) : en fondant la réflexion sur le terrain comme lieu de rencontre entre un chercheur et une population, Yves Lacoste et la rédaction d’Hérodote questionnent – dans une perspective analogique renouvelée – l’articulation entre la science géographique et la société entendue à la fois comme objet et commanditaire des savoirs produits. Cette réflexion s’appuie implicitement sur la distinction entre science et savoir telle que la pose Michel Foucault et plus largement sur ses réflexions sur le fonctionnement de certaines institutions (Foucault, 1976).

Dans son éditorial203, Yves Lacoste articule la question du terrain à la seule dimension éthique et fait du terrain un enjeu politique. En sortant ainsi le terrain de la seule sphère académique, il cherche à démystifier les savoirs géographiques en révélant leur idéologie sous-jacente. La typologie établie dans son pamphlet entre la géographie des maîtres, celle des militaires et la géographie spectacle (Lacoste, 1976c) est convoquée : derrière son caractère « bonnasse » qui n’exige que de la mémoire, la géographie des maîtres véhicule au contraire une idéologie puissante qui justifie l’ordre établi. La géographie spectacle (celle des médias et des revues de voyage) n’est qu’un écran de fumée supplémentaire dans cette dépolitisation de la discipline. Pourtant, la géographie est éminemment stratégique et politique : les militaires l’ont compris qui ont fait de la géographie le savoir le plus important pour les états-majors. En voulant rendre à la géographie sa dimension politique, Yves Lacoste sape les fondements de la géographie des maîtres, alors vacillante. Cette « guérilla

203 LACOSTE,Y. (1976). « L’enquête et le terrain : un problème politique pour les chercheurs, les étudiants et les citoyens ».

Hérodote. n°8. p. 3 à 20.

idéologique » est illustrée dans l’éditorial par la polémique suscitée à la suite de la publication dans le premier numéro d’Hérodote d’un extrait de la thèse de Pierre Gourou intitulé « Les beautés du delta ».

Ce qui a choqué la communauté, c’est la publication d’extraits de cette thèse canonique juste après l’article d’Yves Lacoste sur le bombardement des digues du Fleuve Rouge204 : comme l’explique Yves Lacoste, certains ont vu dans cette publication un affront fait à Pierre Gourou et à sa géographie (Raison, 2009). Ce n’est pourtant pas sa géographie que dénonce Yves Lacoste, mais sa position durant la Guerre du Vietnam :

« Il ne s’agit pas d’accuser Pierre Gourou d’avoir consciemment monté ce discours qui peut paraître mystificatoire : il était alors tout autant mystifié que ses lecteurs.

Les sentiments inspirés par la beauté des paysages à quelqu’un qui était devenu un des plus fins connaisseurs furent sans doute un des alibis culturels (tous ne furent pas de cette qualité chez les colonisateurs, pour la plupart racistes) qui permirent à un intellectuel libéral de ne point trop se poser de problèmes quant à la colonisation, quant à l’exploitation et à l’oppression coloniales. Aujourd’hui, Pierre Gourou n’est pas oublié par ses anciens élèves du lycée d’Hanoï, ceux du moins qui ont survécu aux geôles françaises et à trente années de guerre (à ce lycée, un des élèves fut un certain Giap). Ils connaissaient fort bien sa thèse Les paysans du delta tonkinois, admirent les qualités scientifiques de cette œuvre et comprennent les raisons de certaines ‘déformations idéologiques’. Nul doute que le professeur Gourou, du Collège de France, sera bien accueilli à Hanoi et que ses hôtes seraient heureux et fiers de lui montrer le delta et tout ce qu’ils y ont réalisé depuis. Ce qu’ils n’ont pas compris, c’est le mutisme dans lequel s’est cantonné Pierre Gourou durant la seconde guerre du Vietnam, en particulier lorsque le delta et les millions d’hommes qui y vivent risquèrent d’être submergés, au moment des bombardements américains sur les digues que Pierre Gourou connaît si bien. »205

Ce n’est pas tant que la géographie des maîtres est incapable de penser les évolutions du monde, c’est qu’elle ne fournit pas de savoirs opératoires pour les comprendre et peser sur elles. En voulant faire une géographie au contact des populations étudiées – c’est-à-dire une géographie faite dans leur intérêt et non contre eux – la discipline se trouve à la fois mobilisée et partie prenante dans des rivalités de pouvoir206. Cela relève d’une acception du social pensé comme un champ de forces qui s’opposent207.

Cette acception de la géographie comme science sociale conduit à repenser le rôle et la place du géographe dont la position surplombante n’est plus tenable208. Dès lors, le géographe doit choisir son camp. Alors que la discipline a longtemps été mise au service des puissants (l’Etat colonisateur dans le cas de Pierre Gourou), Yves Lacoste invite désormais les géographes à retourner cette arme

204 LACOSTE,Y.(1976). « Enquête sur le bombardement des digues du fleuve Rouge (Viêt-nam, été 1972) ». Hérodote. n°1.

p. 86 à 115.

205 LACOSTE,Y. (1976). Op. cit. p. 7 et 8.

206 Cette intérêt pour la res politica se retrouve dans la définition qu’Yves Lacoste donne de sa géographie (donnée comme une géopolitique) : l’étude des « rivalités de pouvoir sur des territoires » (Lacoste, 2003 : 192).

207 Rappelons l’intérêt que Yves Lacoste porte à la pensée de Clausewitz (Lacoste, 1976b et 2010).

208 Dans cette réflexion, les sociologues ont une longueur d’avance sur les géographes : Durkheim a précocement mis en évidence l’implication du chercheur dans le champ qu’il étudie et les modifications qu’il entraîne (Lévi-Strauss, 1950). C’est d’ailleurs par l’anthropologie que ces réflexions s’invitent dans le débat géographique.

contre les institutions et les idéologies qu’elles véhiculent. A une science déconnectée des enjeux du monde, Yves Lacoste préfère un savoir opérationnel. Cela suppose – de la part du géographe – une

« transformation démocratique de la relation d’enquête » : la recherche ne doit pas se faire au détriment des populations enquêtées :

« Nous voilà revenus au problème de la responsabilité du chercheur et à celui des relations qui devraient s’établir entre cet intellectuel et la population qui est son centre d’intérêt scientifique. Quand un chercheur parle de ‘son terrain’ (le possessif mériterait à lui seul d’être commenté209), qu’il soit géographe, sociologue ou ethnologue, de quoi s’agit-il ? Est-ce seulement une topographie que l’on parcourt, que l’on mesure, un paysage que l’on découvre et que l’on admire, un espace social que l’on s’approprie intellectuellement ? Ce sont aussi des hommes et des femmes dont on tire parti non seulement pour la satisfaction de les comprendre, amis aussi pour obtenir prestige scientifique et notoriété. Une recherche menée pendant des mois, sinon des années, sur les hommes d’une région, d’un village, d’un quartier, avec tout ce que cela nécessite de contacts, d’échanges d’idées avec ces hommes, ne devrait-elles pas se prolonger pour le chercheur par un sentiment de gratitude envers ceux qui l’ont accueilli, qui aidé de mille façons, y compris dans la genèse des idées scientifiques dont il est le plus fier ? Le chercheur n’a-t-il pas fait assaut d’amabilité et de cordialité à leur égard, car leur aide lui était alors indispensable ? Ne devrait-il pas se sentir concerné par ce qui peut leur arriver, après que son enquête, que sa recherche est terminée ? Avec ‘son terrain’, le chercheur ne doit-il avoir finalement que des rapports de conquête et d’exploitation, et la relation d’enquête doit-elle se réduire en fin de compte à des rapports de séduction-inquisition ? »210

Cette réflexion politique débouche donc sur une éthique de la recherche qui doit guider le travail de terrain. Celui-ci n’est donc plus considéré comme un protocole et/ou un lieu de prélèvement des données, mais davantage comme un espace de rencontre entre un chercheur et une population et un moment de partage des savoirs. Cette nouvelle conception de l’enquête traduit des orientations nouvelles de la discipline. D’une part, cela entérine une séparation devenue inexorable entre la géographie physique et la géographie humaine : Yves Lacoste, ancien géomorphologue se tourne vers la géographie humaine. D’autre part, cela impacte l’échelle des terrains étudiés. A la différence des ethnologues ou des sociologues qui étudient un groupe, le terrain des géographes – dans un imaginaire collectif qui remonte au partage du monde entre les maîtres et leurs étudiants – a une nature spatiale.

Même si l’échelle retenue est intermédiaire – l’échelle régionale – elle n’est plus pertinente pour permettre un contact rapproché avec un groupe. Dès lors, le géographe va s’intéresser à des terrains de taille beaucoup plus modestes, qui favoriseront les contacts et les échanges avec les populations autochtones, désormais parties prenantes de l’enquête et de ses résultats. Yves Lacoste dans ces deux numéros d’Hérodote consolide les fondements d’une géographie engagée – dans le sillage des courants marxistes qui gravitent autour de l’éditeur François Maspéro – qu’il met en œuvre dans ses réflexions comme l’atteste son travail sur les digues du Fleuve Rouge. Bref, il formule un nouveau

209 Cette thèse n’est finalement qu’un long commentaire de cet adjectif possessif.

discours sur la géographie, ses fondements et ses finalités et rompt ainsi avec la géographie des maîtres héritée de l’époque vidalienne. Il faut donc maintenant interroger les implications méthodologiques de ce nouveau discours qui cherche à s’imposer : alors que Yves Lacoste érige le terrain en dispositif central de l’enquête géographique, quels sont les gestes effectivement mis en œuvre et les impacts sur les pratiques ?

Lors de la crise de la géographie, la remise en cause de la géographie des maîtres et les propositions qui visent à refonder la discipline ne s’accompagnent pas d’une redéfinition des pratiques. Ce nouveau projet scientifique et épistémologique repose sur la réitération de l’injonction méthodologique à faire du terrain, aussi bien pour la recherche que pour l’enseignement. Ce paradoxe confirme l’hypothèse proposée par Anne Volvey (Volvey, 2003b) selon laquelle la géographie en crise des années 1960 et 1970 non seulement ne pose pas la question des pratiques, mais surtout ne les modifie pas. Si Yves Lacoste promeut une éthique du terrain (articulée à une posture épistémologique et à des engagements politiques), il réaffirme – sans le modifier – l’impératif méthodologique hérité des maîtres et conforte ainsi l’ordre du discours hérité. Ainsi réaffirme-t-il la nécessité de former les étudiants au terrain – « il faut former les étudiants à la recherche »211 – et la réflexion pédagogique occupe la majeure partie de cet éditorial. Hérodote accorde en effet une large place à l’enseignement de la discipline dans les universités : n’oublions pas qu’à l’époque la géographie était tombée en désuétude et que sa place à l’université était menacée (Lacoste, 1976c). Moderniser l’enseignement de la discipline est donc un préalable à toute rénovation de son projet intellectuel212. Dès lors, les initiatives des étudiants pour améliorer leur formation pratique sont-elles favorablement accueillies par la revue213, et relayées par son principal animateur :

« L’enquête de sciences sociales, comme la pratique de la recherche sur le terrain, est, pour le moment, le fait d’un très petit nombre de personnes (elles relèvent d’universités, du CNRS et des divers bureaux d’étude officiels et privés). Leur niveau de qualification est élevé et leur expérience est grande, mais c’est pour la plupart tout à fait individuellement, solitairement, qu’elles ont dû réinventer en tâtonnant chacune pour soi les méthodes d’enquête, car on les y a pas initiées lors de leur passage à l’Université. Celle-ci, pour l’essentiel, fonctionne comme une machine à fabriquer de futurs professeurs, c’est-à-dire en leur apprenant non pas à produire un savoir, à extraire de l’’abstrait’ du ‘concret’, mais à reproduire un discours qu’ils auront eux-mêmes à faire reproduire à leurs élèves. »214

210 Ibid. p. 8 et 9.

211 Ibid. p. 13.

212 Armand Frémont dresse, dans les années 1970, le même constat : l’espace vécu est une réponse à l’ennui des étudiants confrontés à la géographie régionale enseignée dans la lignée de Vidal de La Blache (Frémont, 2001).

213 ANONYME (1977). « Rencontre nationale des étudiants en géographie : Poitiers, 28, 29, 30 mai 1977. Bilan et proposition ». Hérodote. n°8. p. 121 à 124.

DUJARDIN,E. ET BEHAR,D. (1977). « Le travail sur le terrain. Une nécessité pour les étudiants en géographie ». Hérodote.

n°8. p. 125 à 127.

214 Ibid. p. 12.

Yves Lacoste déplore les carences de la formation aux méthodes du terrain dans les universités. En effet, la pratique de l’excursion s’essouffle dans le courant des années 1960 et 1970. D’une part, la massification de l’enseignement supérieur et l’augmentation des effectifs qui en découle rendent difficile l’organisation des traditionnelles sorties (Bourdieu, 1984 ; Claval, 1998). D’autre part, les évolutions de la discipline sont peu compatibles avec des excursions pensées sur le mode classique de la géographie : l’heure n’est plus au cours magistral en plein air ! Yves Lacoste – à l’image de ce qui est pratiqué alors à l’Université Paris 8 – promeut les stages sur le terrain : il s’agit désormais de mettre les étudiants en position de chercheurs au contact d’un groupe dont ils ont à comprendre le fonctionnement. Cette conception est longuement développée par Jean Tricart215 et ces deux numéros d’Hérodote se font l’écho de tels stages, comme celui qui a conduit les étudiants de Paris 8 à s’intéresser, durant l’été 1976, à la commune de Fayence (Var)216, ou l’ « expédition » menée en septembre 1977 à Vert-le-Petit (Essonne) par des étudiants de Poitiers, Tours, Lille et Nanterre217. Cette indispensable formation au terrain vise à mettre les étudiants en situation de chercheurs : elle leur apprend le métier de chercheur, c’est-à-dire à se présenter sur son terrain, à nouer des relations, à saisir les rivalités qui le structurent et les enjeux qui le parcourent. Cette formation dépasse (même si elle la recouvre) le simple entraînement méthodologique sur l’élaboration et le passage des questionnaires. Elle les initie aux formes de l’engagement sur un terrain, par la nécessité par exemple de présenter un résultat formalisé aux personnes enquêtées. Cette pédagogie innovante qui fait de la géographie un savoir et non plus une science selon le binôme mis en évidence par Foucault (Foucault, 1966 et 1969) repose sur l’engagement des étudiants dans la relation d’enquête. On retrouve là le credo du mouvement tiers-mondiste dont Yves Lacoste est l’un des chantres français largement inspiré du discours marxiste anticolonial (Lacoste, 2010 a et b).

Ces orientations, présentées comme une éthique, sont également remises au cœur de la démarche heuristique. Ces numéros d’Hérodote entendent rappeler que la géographie se fait sur le terrain et que sa bonne connaissance est une étape importante du protocole géographique. Ce débat intervient à une époque qui connaît justement les progrès de la géographie quantitative au soi-disant détriment du terrain : c’est par exemple à cette même époque que l’espace géographique et les lois qui l’organisent sont érigés en objet central de la discipline (Claval, 1972 ; Dollfus, 1970) ou que se structure – en marge de l’institution universitaire – le groupe Dupont qui entend rénover la discipline

215 TRICART,J. (1977). « Le terrain dans la dialectique de la géographie ». Hérodote. n°8. p. 105 à 120. Jean Tricart explicite également cette différence entre l’excursion et le stage dans son film Stage sur le terrain en géographie.

216 CHABAUD,F. (1977). « Géographie sans filet ou la rencontre – vue par un militant local – d’un groupe d’étudiants géographes parisiens et de la population d’un village provençal ». Hérodote. n°8. p. 128 à 136.

PRUVOST,D. ET CAILLAUX-THORAVAL,F. (1978). « Réflexions complémentaires à l’expédition de Fayence. Le point de vue de deux étudiants ». Hérodote. n°9. p. 35 à 37.

par l’introduction des méthodes quantitatives (Groupe Chadule, 1974 ; Knafou, 1997 : 134 à 144).

Dans ce contexte, Hérodote milite pour une géographie de terrain, c’est-à-dire qui repose sur la familiarité et le contact du terrain, au profit aussi bien de la connaissance générale que des populations qui accueillent chez elles le chercheur. La tâche du chercheur dépasse donc la simple recherche et il doit s’impliquer. Une formule résume cette nouvelle relation d’enquête (fonder la géographie sur des recherches empiriques et redéfinir la posture du chercheur) : « Le terrain : une pratique indispensable mais non suffisante »218.

Cette posture est emblématisée par une formule – « Sans enquête, pas de droit à la parole ! » – reprise par Bernard Kayser dans un article219 publié dans Hérodote et qui a connu une importante postérité depuis220. Cette tonitruante injonction n’est pas de Bernard Kayser : il l’emprunte au petit livre rouge du président Mao Tsé-toung221 (Mao, 1967 : 138) qui comporte une section entièrement consacrée à l’enquête222. Elle résume parfaitement son propos : justifier une démarche méthodologique

Cette posture est emblématisée par une formule – « Sans enquête, pas de droit à la parole ! » – reprise par Bernard Kayser dans un article219 publié dans Hérodote et qui a connu une importante postérité depuis220. Cette tonitruante injonction n’est pas de Bernard Kayser : il l’emprunte au petit livre rouge du président Mao Tsé-toung221 (Mao, 1967 : 138) qui comporte une section entièrement consacrée à l’enquête222. Elle résume parfaitement son propos : justifier une démarche méthodologique

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