• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 : Le fonctionnement d’un accélérateur de particules Cockcroft-Walton

2.1 Le générateur de hautes tensions

Les générateurs de hautes tensions sont utilisés dans différentes configurations, le plus souvent dans des laboratoires de recherche ou d’essais et connaissent de nombreuses applications : laser, séparateur électrostatique, rayon X, microscope, tests d’équipements haute tension installés sur des réseaux électriques, etc. Le générateur de type Cockcroft-Walton est un générateur de tension continue qui porte aussi le nom de cascade de Greinacher26 ou de Villard27. Il est constitué d’une suite de doubleurs et de redresseurs de tension, aussi appelés redresseur doubleur de tension de Schenkel28. Son but est de créer une haute tension continue à partir d’une tension alternative beaucoup plus faible.

Une tension alternative périodique (communément appelée tension alternative) est une tension dont les valeurs sont alternativement positives et négatives et dont les valeurs se répètent périodiquement au cours du temps. Schématiquement parlant, les bornes du générateur connaissent une alternance positive et négative. Le réseau électrique (en Europe) fournit un courant s’alternant cinquante fois en une seconde (de 50 Hz).

25 L’électronvolt est une unité de mesure d’énergie. Elle est définie comme étant l'énergie acquise par un électron soumis à un potentiel électrique de 1V. Ainsi, 1 eV=1,6 10-19J (Joule). Ses multiples sont le keV=103 eV, le MeV=106 eV, le GeV=109 eV, etc.

26 Heinrich Greinacher (1880 – 1974) est un physicien suisse qui conçoit indépendamment de Schenkel un circuit multiplicateur en 1921.

27 Paul Ulrich Villard (1860 - 1934) est un physicien français, natif de Saint-Germain-au-Mont-d’Or (Rhône), qui devient membre de l’académie des sciences à partir de 1908.

55

Les condensateurs ont la capacité de stocker des charges électriques. Quand ils sont « pleins », ils peuvent alors restituer cette charge dans le circuit ; c’est la phase de décharge.

Les diodes sont des dipôles non linéaires29 et polarisés30 qui ont la capacité de laisser passer le courant dans un seul sens, celui symbolisé par une flèche.

Pour faire le lien entre le circuit électrique et la forme générale de l’instrument, prenons l’exemple d’un accélérateur Cockcroft-Walton avec un générateur en cascade de 4 étages. Voici comment le professeur Walton explique le fonctionnement du multiplicateur de tension qu’il met au point avant 1932:

“Essentially, it consists of condensers C1 and C2 in series, the voltages across them being maintained equal by means of the transfer condenser C3. This condenser is connected, in effect, alternately in parallel in rapid succession across C1 and C2. C1 becomes charged to twice the peak voltage (V) of the transformer because during one half-cycle, C4 is charged to V through the rectifier D1 while during the next half-cycle the voltage across C4 is added to the transformer voltage and thus C 1 gets charged through the rectifier D2 to twice the transformer voltage.

In addition to giving a steady voltage which may be any desired even multiple of the transformer voltage, the circuit has other advantages. It gives steady voltage tappings at intermediate points, these being useful when using a multi-section accelerating tube. The rectifiers are all connected in series and so may be erected as a single column and evacuated by one diffusion pump at earth potential. They, as well as the accelerating tube, were made out of straight glass cylinders, these being found to withstand.” (Walton, 1951)

Le générateur de tension Cockcroft-Walton peut se schématiser ainsi (voir Figure 11):

29 Les dipôles non linéaires sont des composants électroniques dont la résistance varie en fonction de la tension appliquée à leurs bornes. Une diode est constituée par la jonction de deux types de semi-conducteurs différents. Si la tension qui lui est appliquée est dans le sens correct, la diode a une résistance très faible et laisse passer le courant (état passant) ; si la polarité du générateur est inversée, la résistance de la diode devient très grande et le courant ne passe plus (état bloqué). (Bonnel, 2011)

56

Figure 11 : schématisation du circuit de Cockcroft-Walton à trois étages

Pour aller plus loin dans l’explication du fonctionnement du circuit de Cockcroft-Walton, nous proposons de passer par différentes étapes. Ce montage a la capacité de redresser la tension, mais aussi de la multiplier. Un multiplicateur de tension, comme son nom l’indique, a la capacité de multiplier la tension initiale, d’un facteur n. Souvent, ces circuits d’ordre supérieur sont des extensions d’un circuit appelé « doubleur de tension » aussi appelé circuit de Villard. C’est cette multiplication des étages qui lui donne aussi le nom de circuit en cascade. De manière à mieux comprendre la cascade de Cockcroft-Walton, regardons déjà comment fonctionne le redresseur doubleur de tension.

Un doubleur de tension est donc un circuit qui permet d’obtenir une tension de sortie égale à deux fois la tension crête initiale. Ce circuit est constitué d’un générateur de tension alternative, d’une diode et d’un condensateur (Figure 15).

Supposons que le générateur de tension alternative fournisse une tension appelée Ui

avec une valeur crête égale à Umax (voir Figure 12)

Figure 12 : représentation graphique de la tension alternative périodique Ui

Avec ce circuit dit « redresseur », le courant ne circule que dans une seule direction. Lors de la 1re alternance (demi-période), le courant traverse la diode dans le sens passant et

57

charge le condensateur, à l’amplitude maximale de la tension alternative Umax. La diode étant passante, la tension à ses bornes est nulle (lieu où se fait la connexion vers la suite du circuit).

Figure 13 : représentation graphique de la tension U en sortie du doubleur de tension

À l’alternance suivante, la tension de sortie est donc égale à la valeur de la tension alternative, plus celle du condensateur. Au final, nous obtenons l'addition d'une tension alternative et d'une tension continue ce qui donne une tension alternative complètement décalée. La composante continue du signal passe donc de zéro à Umax. Si nous ne tenons pas compte de la tension seuil de la diode, la tension crête de sortie varie entre 0 et deux fois la tension d’entrée 2xUmax (voir Figure 13).

La tension a bien été doublée, mais avec une oscillation très importante (ondulation résiduelle).

Pour pallier ce problème, nous allons chercher à lisser cette tension, c’est-à-dire à diminuer l’écart entre la valeur maximale et la valeur minimale. Pour lisser la tension, nous ajoutons un condensateur C2 qui va se charger au travers d’une diode D2. Ce type de circuit porte le nom de circuit Schenkel ou de Greinacher (Figure 16).

Figure 14 : représentation graphique de la tension de sortie avant (U1) et après lissage (U2)

58

La tension aux bornes du condensateur C2 est "continue" et égale à 2Umax. Cependant dès qu'une résistance est branchée à ses bornes la tension décroit jusqu'à ce que la tension remonte à la période suivante (voir Figure 14).

Maintenant que nous avons doublé et lissé la tension, nous la multiplions en remarquant que la tension aux bornes de la diode D2 est une tension similaire à celle délivrée au premier étage par le transformateur. Donc C3 est chargée de la même manière que C1. La tension aux bornes de C3 n’est pas lisse. Nous la lissons en ajoutant une diode D4 et un condensateur C4, etc.

Figure 15 : schématisation du circuit de Cockcroft-Walton lors de la première alternance

Lors de la 2e alternance, le courant est délivré dans l’autre sens, il rencontre une diode non passante D1 et une diode passante D2. Il empruntera donc la diode passante. Le condensateur C1 va se décharger et empruntera le même chemin. La tension est donc doublée. Le deuxième condensateur C2 se charge à son tour de 2Umax.

Figure 16 : schématisation du circuit de Cockcroft-Walton lors de la deuxième alternance

Lors de la troisième alternance (voir Figure 17 : Schématisation du circuit de Cockcroft-Walton lors de la troisième alternance), le courant rechange de sens. Le courant traverse les deux diodes passantes qui s’offrent à son chemin D1 et D3. Le premier condensateur se recharge. Le deuxième se décharge de la tension accumulée à la précédente alternance (2U). La tension

59

arrivant donc au troisième condensateur est égale à trois fois la tension initiale (3U). Ce processus se poursuit autant de fois qu’il y a d’étages.

Figure 17 : Schématisation du circuit de Cockcroft-Walton lors de la troisième alternance

Figure 18 : schématisation du circuit de Cockcroft-Walton et de l’évolution de la tension en fonction des étages du circuit

La cascade est en fait un empilement de circuits redresseurs/doubleurs de tension (voir Figure 18). Le raisonnement expliqué plus haut se répète et la tension du générateur à n étages, composé de 2n redresseurs et de 2n condensateurs idéaux, sera égale à 2nU0.

60

Figure 19 : Schématisation simplifiée d’un accélérateur de Cockcroft-Walton à deux étages, avec M : la colonne de montée en tension, L : la colonne de lissage, la source

d’ion et la cible.

Si nous récapitulons en nous aidant du schéma ci-dessus (Figure 19): les condensateurs sont empilés en deux colonnes verticales. Les condensateurs de la colonne M (la colonne de montée) sont chargés pendant la demi-période négative de la tension sinusoïdale, alors les condensateurs de la colonne L (colonne de lissage) se chargent pendant la demi-période positive. Considérons que le transformateur délivre une tension alternative d’amplitude U0 (U = U0sin(ωt)). En régime permanent, la tension aux différents points d’arrêts de la colonne M monte progressivement : U0 + U0sin(ωt) sur le premier point, puis U0

+ 3U0sin(ωt) sur le second, dans le cas d’une haute tension à deux étages. Parallèlement, sur les points de la colonne L nous passons de 2U0 sur le premier, à 4 U0 sur le second.

Nous devons cependant insister sur un point : cette explication est faite pour des composants « idéaux ». Nous négligeons le fait qu’en réalité, avec une tension appliquée au circuit, les condensateurs se déchargent partiellement de part et d’autre de leurs bornes, dans le circuit. Ceci complexifie largement les calculs théoriques comme le montre le module développé par l’Université de Cambridge (Cambridge University, 2015).

Le schéma que nous venons d’utiliser pour comprendre le fonctionnement de la haute tension a été simplifié. Regardons maintenant un schéma plus complexe (voir Figure 20) avec un générateur à quatre étages et les autres éléments du circuit :

U = U0sin(ωt) U0 + U0sin(ωt) 3U0 + U0sin(ωt)

61

Figure 20 : Schématisation d’un accélérateur Cockcroft-Walton à 4 étages, avec M : colonne de montée, L : colonne de lissage, S : source d’ions et C : la cible. (adaptation

de schéma) Source : (Hinterberger, 2006)