UNIVERS LINGUISTIQUE CIBLE
CHAPITRE 3 : LES LANGUES EN PRESENCE : KRU ET KWA
1.2.2. Les Langues new Kwa
1.2.2.2. Les new kwa du Ghana : les akan
1.2.2.4.2. Généralités prosodiques et phonématiques 1. Tonologie
L’inventaire tonologique classique initial des langues éwé faisait apparaître trois (03) tons lexicaux et trois (03) tons modulés ou allotons171. Les tons Haut [ ] , Moyen [ ¯], Bas [ ,] et les tons modulés BH [ ˇ ], HB [ ˆ ] et MH [ ɷɷ ɷɓ ]. Aujourd’hui, des études plus récentes et relativement plus complètes revoient ce chiffre à la hausse. Dans le prmier chapitre de son ouvrage, Capo172 mentionne onze (11) tons fixes et modulés en tout. Les premiers étant naturellement lexicaux et les seconds, grammaticaux.
D’une langue à une autre, les similitudes sont grandes ; cependant, quelques précisions importantes sont à faire ici :
Le tonème /H/ est réalisé /BH/ devant une consonne voisée. Gbeto173 (1997) affirme que cette réalisation est issue de la propagation du ton consonantique /B/ attaché à toute consonne voisée :
[ C] [V]
[+ voisé]
H B
Comme dans les exemples : / dό/ → [dŏ] ‘le mur’
/gbέ/ → [gbε̌] ‘l’ami, le copain’
Quant au ton /M/, il est une réalisation du tonème /B/ avant un ton /H/ : B → M / _______ H
Ex : /gbὲ t/ → [gbε̄ t] ‘l’homme’
‘vie père’ → ‘l’homme’
171 Nous empruntons ce terme à ANSRE, Gilbert. Op .cit.
172 CAPO, Hounkpati B. Christophe, op. cit.
173 GBETO, Flavien- Les emprunts linguistiques d’origine européenne en Fon (Nouveau kwa, Gbé : benin), Köln, Rüdiger Köppe Verlag, 2000, p.19
1.2.2.4.2.2. Phonologie
Déjà en 1961, Gilbert Ansré174 soulignait, à grands traits, l’importance de l’éwé dans l’univers kwa. Il disait de l’éwé qu’il était l’un des parlers les plus étudiés en Afrique de l’ouest. Même si les classifications postértieures l’on redefini comme sous-groupe et non plus comme langue, cet extrait de son ouvrage montre que cet ensemble de parlers dits éwé a toujours joui d’une attention redoublée en raison de son rôle dans l’équilibre linguistique de la région :
« The language is, linguistically, one of the best known in West Africa. There is, comparatively speaking, considerable literature, both on and in ewe. Most of that is written in ewe is Christian ou educacional literature”.
Et déjà à cette époque (1961), l’auteur avait pu isoler sept (07) voyelles et vingt huit (28) consonnes. Aujourd’hui, le nombre a évolué. A la suite de Bole-Richard175 (1976, 1983), Capo176 isole seize (16) voyelles dont huit (8) orales et huit (8) nasales, et quarante deux (42) phonèmes dans les tableaux vocalique et consonantique de l’éwé qu’il propose et que nous reprenons à notre compte ci-dessous.
175 BOLE-RICHARD, Remy - Systématique phonologique et grammaticale d’un dialecte : le Gen – Mina du Sud- Togo et du Sud –Bénin, Paris, Harmatan, 1983.
176 CAPO, H. B. Christophe Op. Cit. p 141
ã
כ
1.2.2.4.2.2.2. Le système des consonnes
Au niveau des consonnes, la série orale est toujours suivie d’une voyelle orale tandis que les nasales correspondantes sont toujours suivies d’une voyelle nasale.
Ex : bà ‘chercher’ * bã_
mõ_ ‘chercher’ * mò
p t k kp
b d ñ g gb
m n η ŋ ŋ w
ts t ∫
dz
ƒ f s ∫ χ Xw
υ v z ʒ Ь Ь w
ſ
r
r l l
Y γ ч
w
ỹ ч w
La distribution complémentaire est donc une réalité très présente dans la plupart des langues éwé.
1.2.2.4.2.2.1. Le son [ p ] ne se rencontre pas en fon autochtone, par exemple. On ne le trouve que dans les idéophones177 et il n’a pas valeur de phonème. Cependant, aujourd’hui, à cause de l’introduction massive des emprunts, il fait désormais partie des phonèmes de la langue, ce qui justifie l’inconstance de sa présence :
Changements constatés au niveau des consonnes
Portugais p b R ∫ Ӡ
Ewé P / kp/ f b/ v R / l/ Ь t∫
Gbeto178 en a fait une belle étude que nous allons synthétiser ici en gardant en vue la seconde partie de notre texte et en nous appuyant sur quelques exemples généraux en portugais et même en français.
1.2.2.4.2.2.2. Réalisation de la vibrante uvulaire /R/
Le traitement de ce phonème nécessite une approche pertinente en raison de son importance et de son occurrence dans les emprunts lexicaux.
- La vibrante /R/ n’apparaît dans les langues gbé qu’en position post-consonantique, jamais en position initiale. La vibrante portugaise /R/ va donc subir des changements dans les termes avant leur intégration définitive.
- En position intervocalique, [R] se latéralise [l]. D’où la règle d’adaptation suivante :
R → l / V ______ V Ex : [kerozεn] → kālázî
177 AKOHA, A.Bienvenu. – Quelques éléments d’une grammaire du fongbe : nominal et syntagme nominal, Paris 3, Thèse de Doctorat de 3e Cycle, 1980.
178 GBETO, Flavien, Op. Cit, p.21
- En position post-consonantique, [R] se latéralise aussi : R → l / C ______ V
Ex : kpádlì ~kpádìlì < padre ‘prêtre’
Tout ceci se résume comme suit : V
R → l / { } ______ V
C
- En position pré-consonantique, [R] s’élide en général ; cependant, il arrive qu’une deslocation du groupe RC s’opère et qu’une voyelle épenthétique s’y insère.
R → Ø /______ C
Ex : sādínì_ < français ‘sardine’ [saR’din]
pāf_ ~ pālūf_ < français ‘ parfum’ [ paR’fœ]
- Quand la consonne antécédente à [R] est [t] ou [d], [r] se maintient inchangé [r] ou bien devient [l] dans le contexte d’une apicale. Il y a donc variation libre entre [r] et [l] comme dans les langues kru.
Ex : gūdrõ_ ~ gūdlõ_ < français ‘goudron’ gu’dRõ àdrεɴsì ~ àdlεɴsì < français ‘adresse’ [adRεs]
- En position finale, /R/ s’élide comme en position pré-consonantique.
Cette élision donne lieu à la règle suivante : R → Ø /______ #
Ex : sīgâ < français ‘cigare’ [sigaR]
kâ < français ‘car’ [kar]
Quand, exceptionnellement [R] doit arriver en position initiale, ce phonème est toujours remplacé par le groupe consonantique [ʁl]
R → ʁl / #______
Ex : radio → ʁlàdjoɴ
1.2.2.4.2.2.3.. Structure syllabique éwé
La syllabe gbé est du type V, C, CV, VV ou CCV. Elle est toujours ouverte. Selon Capo179, dans tous les parlers gbé, dans les syllabes du type C1C2V, se glisse toujours la voyelle épenthétique /i/. Lorsque la consonne est une bilabiale, une labio-dentale, une vélaire ou une uvulaire labialisée, la langue opte pour la voyelle /u/ en lieu et place de /i/.
Ex : kpádìlì ‘le prêtre’ < padre [padrǩ] (portugais) ‘prêtre’
gόmũ ‘la colle’ < gomme - [gǤm] (français) lεbù ‘la limbe’ < limbe [lεb] (français) glέvù ‘la grève’ < grève [grεv] (français)
En d’autres termes, il n’existe pas de parler éwé sans nasale syllabique ; celle-ci est, en réalité, une réduction de la C~V> nasale.
Ex : ŋkú (fon) < nũkũ ‘l’oeil’
ǹd (gen) < ηĩd ‘le soleil’
179 CAPO, Hounkpati, B. Christophe, Op. Cit. p129
CONCLUSION
La contextualisation du problème nous a conduit, dans cette première partie de notre thèse, à un cheminement qui nous a permis de faire une meilleure délimitation de l’espace géographique dans lequel s’est réalisée cette recherche et l’identification des principales langues pertinentes pour notre étude. Aussi, nous a-t-elle donné l’occasion d’apprécier les faits historiques comme cause première et de nous initier aussi bien à la prosodie qu’à l’ensemble des caractéristiques phonématiques, phonologiques et morpho-syntaxiques de nos langues cibles. Enfin, elle nous a démontré que les Portugais ont diversément influencé ces quatres pays où notre champ de reflexion et d’action s’est limité au sud côtier essentiellement habité par les kru et les new kwa.
La partie suivante nous donne l’occasion d’entrer dans cet unvers dûment délimité et d’y aborder la question capitale de l’emprunt lexical portugais dans une double approche : descriptive et cognitive.