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Généralités sur l’immunité adaptative :

Dans le document VITAMINE D ET INFECTIONS. (Page 83-94)

III) Vitamine D et Infections :

1) Implication de la vitamine D dans le système immunitaire :

1.2.1 Généralités sur l’immunité adaptative :

L’immunité adaptative (ou acquise) est une immunité spécifique car la réaction immunitaire est dirigée contre un seul antigène.

Les principales cellules impliquées dans cette réponse sont les cellules présentatrices d’antigènes (CPA) et les lymphocytes qui sont activés par la reconnaissance de l’antigène. Trois types de cellules ont constitutionnellement des propriétés de présentation de l’antigène: les cellules dendritiques, les macrophages et les lymphocytes B.

Néanmoins, les cellules dendritiques sont les plus efficaces et elles sont appelées cellules présentatrices professionnelles. Elles sont les seules capables de stimuler des lymphocytes T naïfs, on distingue les cellules dendritiques plasmacytoïdes des cellules dendritiques myéloïdes, ces dernières sont la cible clé du calcitriol.

Il existe 2 principaux types de lymphocytes T, les CD4 et les CD8 cytotoxiques (avec d’autres variantes, comme notamment les lymphocytes T NK « Natural Killer », par exemple) :

-Les LT-CD4 qui donneront des LT helper (Th)/ auxiliaires qui ont un rôle de régulation de la réponse immunitaire adaptative par activation d’autres cellules immunitaires. Ils agissent par interactions cellule-cellules ainsi que par des cytokines. Ils se caractérisent par le cluster de différentiation CD4 et par le TCR-2. Il existe également différents sous-types de lymphocytes T CD4 (Th1, Th2, Th17, Th9, Treg) dont le développement est contrôlé par divers facteurs de transcription. Ces sous-types sont spécialisés (Th1 pour le contrôle des bactéries intracellulaires, Th2 pour les parasites, Th17 pour lutter contre les infections fongiques…) et sécrètent des cytokines spécifiques en fonction du sous-type (l’IL-17 pour les lymphocytes Th17, par exemple). Ces caractéristiques distinctes au sein des sous-types de lymphocytes T ont conduit à introduire le concept d’hétérogénéité fonctionnelle des lymphocytes T.

Les LT-CD8 et LT-CD4 peuvent après rencontre avec l’Ag, se transformer en cellules dites « mémoires ». Ces cellules vivent très longtemps et permettent une réponse beaucoup plus rapide et beaucoup plus forte à l’Ag.

1.2.2-Rôle physiopathologique des Treg :

L’existence des Treg a été suggérée en observant le rôle central du thymus dans le développement d’une population de lymphocytes T régulatrice [104,105]. Les progéniteurs immatures, ancêtres des lymphocytes T et issus de la moelle osseuse, migrent dans le thymus où ils se différencient. À la fin de cette différenciation T, les cellules les plus autoréactives sont éliminées. Certaines peuvent échapper à cette sélection et coloniser la périphérie.

Les caractéristiques principales des lymphocytes T régulateurs d’origine thymique sont : la fonction suppressive, l’anergie, l’expression constitutive des molécules CD25 et CTLA-4, l’expression de Foxp3.

Ils présentent un phénotype de lymphocytes T activés (CD4+CD25+), mais s’en distinguent par leurs fonctions et par le caractère constitutif de l’expression de CD25 [106].

L’expression de Foxp3, un gène découvert récemment, constituerait un marqueur spécifique des lymphocytes T régulateurs [107]. Le lymphocyte T régulateur CD4+CD25+ exerce son activité suppressive après reconnaissance par son TCR de l’antigène dont il est spécifique (fréquemment un autoantigène).

Contrairement aux lymphocytes T effecteurs, les lymphocytes T régulateurs ont un répertoire principalement auto-réactif et ne prolifèrent pas après stimulation par leur antigène spécifique (ils sont anergiques) [108,109].

Une fois activés, ils inhibent la prolifération de lymphocytes T effecteurs dans leur environnement immédiat, et ce, que la spécificité antigénique de ces lymphocytes T effecteurs soit ou non la même que celle du lymphocyte T régulateur.

Cet effet suppresseur–régulateur s’exerce à la fois sur les lymphocytes T CD4+ et les lymphocytes T CD8+, y compris après stimulation allogénique [106].

Le modèle de la tolérance infectieuse (Infectious tolerance) fait l’hypothèse que la tolérance pourrait être transférée en périphérie d’un lymphocyte T régulateur à un lymphocyte T effecteur, qui deviendrait lui-même régulateur

Les lymphocytes T régulateurs pourraient également inhiber la surexpression de molécules de costimulation par les CPA, qui est nécessaire à l’activation des lymphocytes T effecteurs [111].

La forte affinité de leur TCR et l’expression de nombreuses molécules accessoires d’adhésion et de costimulation(CD5, CD11a/CD18, CD54, CD62L et CTLA-4) par les lymphocytes T régulateurs CD4+CD25+, leur permet d’être activés en présence d’une concentration d’antigène plus faible que celle stimulant la prolifération des lymphocytes effecteurs [106].

Ces molécules favorisent le contact du lymphocyte T régulateur CD4+CD25+ avec le lymphocyte T effecteur auto-réactif et la CPA qui présente l’autoantigène. Ce contact est indispensable à la fonction régulatrice [112].

Les lymphocytes T régulateurs expriment constitutivement le CTLA-4 qui transmet un signal inhibiteur aux lymphocytes T effecteurs activés (atténuant ainsi les réponses T), mais qui transmettrait un signal activateur aux lymphocytes T régulateurs CD4+CD25+ [106].

Le récepteur CTLA-4 est nécessaire à la fonction suppressive des lymphocytes T régulateurs et son blocage in vitro abolit cette fonction et induit l’apparition de pathologies autoimmunes [106].

Les lymphocytes T régulateurs CD4+ sont donc impliqués dans le maintien de la tolérance périphérique et la prévention des maladies auto-immunes. Ils régulent également les réponses immunes observées dans les allergies, les greffes, les cancers et les maladies infectieuses.

En effet, dans les infections chroniques, la stimulation continue du système immunitaire aboutirait, en l’absence de régulation, à une expansion disproportionnée des T effecteurs spécifiques du pathogène.

Figure 7: Principaux rôles des lymphocytes T régulateurs.

1.2.3-Implication de la vitamine D dans l’immunité adaptative :

Les relations entre vitamine D et cellules T ont jusqu’à présent soutenu l’hypothèse, cliniquement pertinente, que le déficit en vitamine D favoriserait l’apparition de maladies auto-immunes et leur évolution défavorable.

En résumé, il est ainsi admis que la vitamine D favoriserait une réponse cytokinique de type Th2 plutôt que Th1, abaisserait le rapport CD4/CD8, favoriserait la différenciation des cellules T régulatrices (Treg) et défavoriserait la différenciation de cellules Th17.

Figure 8: Action du calcitriol sur les lymphocytes T [114].

Le calcitriol induit à partir de lymphocytes T naïfs la différenciation de lymphocytes T régulateurs exprimant forkhead box protein 3 (Foxp3) et de lymphocytes T régulateurs de type 1 sécréteurs d’IL-10 (Tr1), réprime la différenciation en lymphocytes T-helper-1 (Th1) et Th17 (Figure 8) [114] .

Les cellules dendritiques et les monocytes-macrophages expriment le VDR à l’état basal, les lymphocytes T et B essentiellement à l’état activé [113]. Les macrophages et certaines cellules dendritiques possèdent l’équipement enzymatique nécessaire aux deux étapes d’hydroxylation de la vitamine D native, alors que les lymphocytes T activés et les lymphocytes B n’expriment que la 1-hydroxylase [113].

À la différence de 1’enzyme rénale, la 1-hydroxylase exprimée par les cellules du système immunitaire n’est pas régulée par les paramètres du métabolisme phosphocalcique, mais par des stimuli immunologiques comme

Le calcitriol produit localement serait physiologiquement concentré dans le microenvironnement lymphoïde et agirait sur le système immunitaire de façon intracrine (hormone dont l’action est intracellulaire), endocrine (action d’une hormone sur l’activité d’une partie de l’organisme via sa sécrétion directe dans la circulation sanguine) ou paracrine (action d’une hormone sur les cellules voisines ou à proximité) [116] (voir Figure 9).

Des études concordantes suggèrent que les cellules dendritiques myéloïdes sont des cibles clés du calcitriol, qui module leur phénotype. Il leur confère de façon stable et durable un profil tolérogène [118,119], caractérisé notamment par une diminution de l’expression des molécules du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de classe II et des molécules de costimulation comme CD40, CD80 et CD86, une diminution de la synthèse d’IL-12 et une augmentation de la production d’IL-10 [116,118,120].

La 1,25(OH)2D est parfois considérée comme un simple inhibiteur de la différenciation et de la maturation des cellules dendritiques.

De même, Enioutina et al. [121] ont rapporté que la capacité des cellules dendritiques myéloïdes à migrer dans l’ensemble des tissus lymphoïdes secondaires et pas seulement dans leur relais ganglionnaire, était dépendante du calcitriol.

Par ce biais, le calcitriol permet d’obtenir une réponse immunitaire à la fois systémique et muqueuse à la vaccination.

C’est en partie via cette action sur les cellules dendritiques myéloïdes que le calcitriol induit à partir de lymphocytes T naïfs la différenciation de lymphocytes T régulateurs, tels que les lymphocytes T régulateurs exprimant forkhead box protein 3 (Foxp3), mais également lymphocytes T régulateurs de type 1 sécréteurs d’IL-10 (Tr1) [118].

Les mécanismes impliqués dans la différenciation en lymphocytes T régulateurs induite par les cellules dendritiques myéloïdes régulatrices sont

Il semble que l’expression accrue de la molécule inhibitrice PD-L1, capable d’inhiber la costimulation, par les cellules dendritiques modulées par le calcitriol, joue un rôle central. En effet, le blocage de cette molécule inhibitrice PD-L1 empêche la différenciation des lymphocytes T naïfs en lymphocytes T régulateurs sécréteurs d’IL-10 (Tr1) et induit leur différenciation en lymphocytes T effecteurs de profil T-helper-1 (Th1) [122].

De plus, les cellules dendritiques myéloïdes modulées par le calcitriol surexpriment le récepteur inhibiteur ILT3 qui semble impliqué dans l’induction des lymphocytes T régulateurs exprimant Foxp3 [122,123].

De façon intéressante, il a été montré que seuls les lymphocytes T régulateurs induits par les cellules dendritiques myéloïdes exposées au calcitriol, par opposition aux lymphocytes T régulateurs induits par les cellules dendritiques myéloïdes exposées à la dexaméthasone, étaient spécifiques d’un antigène [122].

La diminution de la synthèse d’IL-12 et d’IL23 par les cellules dendritiques myéloïdes sous l’effet du calcitriol aboutit à un blocage de la différenciation en lymphocytes Th1 et Th17, considérés comme des chefs d’orchestre de l’auto-immunité et de l’inflammation chronique [116,118].

Enfin, il a été montré que les cellules dendritiques myéloïdes exposées au calcitriol entraînaient une anergie [124] et induisait l’apoptose des lymphocytes T auto-réactifs [125].

Il est ainsi admis que la vitamine D diminue la différenciation et la prolifération des cellules dendritiques, favorise une réponse cytokinique de type

diminue la différenciation des lymphocytes B et leur production d’anticorps [126,127].

Ces actions peuvent apparaître a priori défavorables dans le contexte de l’immunité anti-infectieuse. Toutefois, cette impression doit probablement être nuancée par deux constats :

Premièrement, il a été montré que le déficit en vitamine D est associé à un défaut de prolifération des cellules T, corrigé par l’adjonction de vitamine D active, et surtout que le système vitamine D-VDR est impliqué dans la transduction du signal via le récepteur des cellules T pour l’antigène dans les cellules naïves [128] .Ceci suggère un rôle précoce de la vitamine, en amont de l’orientation de la réponse cytokinique.

Deuxièmement, il a été tout récemment montré, chez la souris [129],que les cellules Treg jouent un rôle important dans le « priming » des cellules T CD8. Alors que les cellules Treg sont surtout connues pour leur effet suppressif sur les réponses auto-immunes, leur déplétion induit l’activation et l’expansion d’une population de cellules CD8+ de faible avidité, liée à la surproduction des chimiokines CCL-3/4/5 qui stabilisent les interactions entre cellules dendritiques et cellules T de faible avidité.

En l’absence de Treg, l’avidité de la réponse immune primaire reste limitée, résultant en une altération de la réponse immune mémoire contre

Listeria monocytogenes.

Tableau VI: Effets de la vitamine D sur les cellules de l'immunité [130-136].

Effecteur de l'immunité Effets de la vitamine D

Macrophages

- Activation des gènes de la cathélicidine

- Activation de l'immunité innée par les défensines

- Formation des autophagosomes et leur fusion avec les lysosomes dans les macrophages

Cellules dendritiques myéloïdes

- Diminution de la fonction de présentation des antigènes - Augmentation de la production de l'IL-10, de TGF-β

- Diminution de la synthèse de l'IL-12 et de l'IL-23 (d'où un blocage de la différenciation en lymphocytes Th1 et Th17) et des IL-17,1 et TNFα - Anergie et induction de l'apoptose des lymphocytes T autoréactifs

Lymphocytes B

- Diminution de la prolifération des lymphocytes B activés exprimant le VDR

- Inhibition de la différenciation plasmocytaire et par là-même la sécrétion d'IgG et d'IgM, ainsi que la génération de cellules B mémoire

- Diminution de la production d'IgE par les cellules B humaines - Augmentation de l'expression d'IL-10 par les lymphocytes B - Effets indirects par action sur les cellules dendritiques

Lymphocytes T

(tolérance centrale et périphérique)

- Augmentation de la production de l'IL-4 et l'IL-5

- Diminution de la production de l'IL-2, IL-6, IL-17 et de l'IFNγ - Différenciation des lymphocytes T naïfs en Th2 et T régulateurs.

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