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Gémellité des aires et nouvel omphalos

Avant propos

6.6 Gémellité des aires et nouvel omphalos

Comme nous l’avons répété, la Crète est donc sur trois signes bien distincts. C’est également le cas de la baie de Cumes. Il est pour nous assez logique, dans cette perspective, que Virgile ait fait débarquer Énée en Crète et qu’il lui ait, là, donné l’occasion de fonder la ville de Pergamée. La géographie sacrée de la Crète du livre III préfigure celle du livre VI. Le choix d’un nouvel omphalos doit s’imposer au héros. Dédale s’est dirigé vers Délos puis vers Delphes pour arriver enfin à Cumes. Énée est passé par Délos, a parcouru les signes du système de Delphes (sur lesquels nous allons revenir) pour arriver enfin à Cumes, futur

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Voir DEREMETZ, op.cit., p.61

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omphalos. Historiquement, d’abord, c’est à Cumes que les Grecs érigèrent, au VIIIe siècle

avant Jésus-Christ, le premier temple d’Apollon de la péninsule italique. Le rattachement à Delphes peut être confirmé par les symboles monétaires de la région. Ainsi, Léon Lacroix459 relève que certaines monnaies de Naples font figurer une tête et des emblèmes apolliniens - tel le trépied - et même une lyre sur un omphalos entouré de bandelettes. Une monnaie de Cumes (monnaie de Manlius Torquatus, Cumes, 54 avant Jésus-Christ) porte la Sibylle et le Trépied. De cette manière, il démontre que les motifs apolliniens tels que l’omphalos, le laurier et la lyre, présents sur les monnaies non seulement de la baie de Cumes, mais aussi d’autres villes italiques, confirment les liens avec la ville de Delphes460. Symboliquement ensuite, Virgile, par le texte, nous fait comprendre qu’Énée est au « centre du monde » tel que Mircéa Eliade le définit. La référence à la montagne cosmique est double : au vers 9 (At pius Aeneas) et au vers 17 (super astitit arce). Les hauteurs de Cumes représentent le lien entre le Ciel et la Terre et donc le Centre du monde. L’image de Dédale, à ce propos, nous paraît particulièrement significative : il symbolise ce lien entre le Ciel et la Terre, puisqu’il quitte les hauteurs célestes pour sacraliser le lieu de son arrivée, en offrant ses ailes à Apollon et en lui bâtissant un temple. Ce dernier devient « la reproduction terrestre d’un modèle transcendant, la copie d’un archétype céleste »461. Dédale, en quelque sorte, donne à l’endroit une dimension cosmique et le consacre. Le temple devient non seulement un nouvel omphalos sacré, mais aussi le point de rencontre des axes, axes des mondes et axes des équinoxes et des solstices. Énée est à la croisée des univers, céleste, terrestre et infernal et au centre des axes. Le temple d’Apollon devient le point de convergence des signes et le point de passage et de transformation. Et si l’on prend le temple d’Apollon comme centre, on peut distinguer différentes aires zodiacales qui correspondent donc aux aires crétoises. Le texte de Virgile y fait, à notre sens, clairement référence et nous renvoyons, ici, à ce qui vient d’être dit ci-dessus.

Avant la substitution due au phénomène de précession des Équinoxes, le Taureau était le maître incontesté de l’Équinoxe de Printemps. Le culte du taureau tient une place non négligeable dans les récits sumériens. Il symbolisait d’ailleurs l’étoile Gud-Ana « le taureau céleste » et il est intéressant de remarquer que l’iconographie de l’époque montre que dans la grotte où Mithra sacrifie le Taureau jaillit une source. On peut souvent y voir la présence d’un

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LACROIX, L., Monnaies et colonisation dans l'Occident grec, p.144, planche XI.

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LACROIX, L., op. cit., pp.139-149

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163 lion et d’un serpent, ce qui symbolise les signes équinoxiaux et solsticiaux : Taureau, Lion, Scorpion et Verseau. Le texte de Virgile fait bien référence aux axes et le premier évoqué est l’axe Taureau-Scorpion. Si la référence au Taureau est claire, il n’en va pas de même pour le Scorpion. Le Scorpion est un signe d’eau. Peut-être est-ce là une explication à l’utilisation par Virgile d’enauit au vers 16, d’autant qu’au vers 17 il désigne les hauteurs de Cumes par la périphrase Chalcidica arce. Rappelons que, dans une roue zodiacale centrée sur Delphes, le nord de l’île d’Eubée – et donc Chalcis – est situé dans le signe du Scorpion. Le livre VI est celui de la catabase : Pluton est le maître du Scorpion

Ce premier axe équinoxial est très symbolique : le printemps d’Énée n’est pas encore à terme. Il lui faut attendre et vivre ce qu’il est convenu d’appeler histolyse, étape indispensable où la chenille, apparemment amorphe au cœur de la chrysalide, semble sans vie. Il doit vivre son équinoxe d’Automne, c’est-à-dire pénétrer dans le royaume de Dis, maître incontesté du Scorpion et y être « enseveli » pour percevoir et connaître de son père la Révélation et naître ainsi à nouveau, à l’image du Phénix, autre avatar du Scorpion. Par son passage dans les Enfers, Énée prépare son avènement comme Homme Cosmique « supraconscient du quatrième quadrant », le Verseau. Cet avènement se fait au prix du sacrifice du Taureau. Et c’est bien ce à quoi nous assistons dans ce livre VI : la Sibylle enjoint Énée de s’éloigner de l’œuvre de Dédale pour reprendre le vrai chemin et lui ordonne de sacrifier sept taureaux et autant de brebis (…septem mactare iuuencos…totidem lectos).

Par le taureau immolé, Énée pourra s’individualiser d’abord dans le Lion, acquérir son intelligence et son intuition ensuite dans le Scorpion, et s’accomplir pleinement dans le Verseau.

Rappelons tout d’abord, que le Minotaure portait également le nom d’Astérios462, ce qui pourrait indiquer un rapport entre le Taureau et la déesse phénicienne Astoreth, identifiée également comme la déesse assyrienne Ishtar ou encore la déesse sémite Astarté qui pourrait avoir donné naissance à l’Aphrodite grecque et à la Vénus romaine. Cicéron463 en fait sa quatrième Vénus, fille de Syria et de Chypre et d’Adonis. Le Taureau est aussi le domicile de la planète Vénus et l’influence de la déesse est double : magnétisme esthétique pour la Vénus ouranienne et sensoriel et indifférencié pour la Vénus Astarté. L’image du Minotaure est

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Apollodore,III,1,4

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164 l’évocation de cette Vénus-Astarté que le héros doit fuir parce quelle représente « son enfance, son immaturité et l’univers ancien »464 tout comme il a dû fuir Didon, autre image de Vénus-Astarté. Il est, par ailleurs intéressant que la première ekphrasis ait pour cadre le temple de Junon, bâti par la reine elle-même. Selon Lipinski465, il s’agit très probablement du temple d’Astarté que les Romains ont bâti et dédié à Juno Caelestis. Dans un système zodiacal centré sur Cumes, Carthage est dans le signe du Taureau, animal bien souvent associé à Astarté. Énée doit, là aussi, s’éloigner de cet aspect tellurique du taureau et c’est précisément Mercure qui, fermement, détourne le héros de ce signe afin qu’il cherche et trouve le Taureau céleste.

Le choix de Mercure pour éloigner Énée n’est pas étranger à cette approche zodiacale. Le scorpion est l’emblème de plusieurs divinités dont certaines sont les équivalentes d’Hermès/Mercure. Il apparaît que c’est au contact de la civilisation carthaginoise que les Romains ont attribué le Scorpion à Mercure466. Et c’est précisément à Carthage que Mercure apparaît à Énée. Comme le note W. Déonna, la majorité des monuments qui montrent clairement cette association entre l’animal et le dieu, provient de l’art punique. Ainsi, sur le fronton de Renier, le Scorpion occupe le milieu de la poitrine de Mercure avec une valeur zodiacale générale. Le culte de Mercure, dans les cités puniques, était important, non seulement parce qu’il représentait le dieu gréco-romain, mais aussi parce qu’il était assimilé à un dieu phénicien467. Il pourrait s’agir du dieu sémitique Shadrafa, représenté fréquemment avec un serpent et un scorpion qui pénétra rapidement dans le panthéon punique468. Sur le relief de Kenchela, dédié à Mercure par son prêtre Lucius Grassidus, on peut voir le dieu, accompagné d’une tortue et d’un scorpion, vêtu d’une sorte de tunique assez courte. Il porte également un manteau attaché à l’épaule par une fibule ronde. La hampe du Caducée se prolonge en dessous de la main gauche, ce qui fait évidemment penser à une lance. Or, habituellement, le dieu porte une cuirasse et un paludamentum. Mais il est à noter que Shadrafa porte la cuirasse, le manteau attaché à l’épaule et la lance. Mercure lui aurait emprunté tous ses attributs. Ainsi, Virgile présente Mercure, à la fois comme messager de Jupiter et il satisfait la logique mythologique et comme un des avatars du Scorpion face à son

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THOMAS, J., « Vénus » in Dictionnaire de l’ésotérisme, p.1357

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LIPINSKI, E, Dieux et déesses de l'univers phénicien et punique, Peeters, pp. 148 et sq..

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DEONNA, W., « Mercure et le Scorpion » in Latomus, 17, 1958, pp. 641-658.

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Voir, à ce propos, TOUTAIN dans Bulletin de la Société nationale des Antiquités de France VI, 1893, fig.195 et GSELL dans Histoire Ancienne de l’Afrique du Nord I, p. 330

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165 opposé, le Taureau, d’autant que l’épisode se situe en Afrique du Nord. Il précisa ainsi sa connaissance de la mythologie phénicienne et annonce la symbolique zodiacale du livre VI.

L’équinoxe de Printemps est bien symbolisé par cette allusion au Taureau même si le printemps, comme nous l’avons dit, pour le héros, n’est pas encore arrivé. C’est la deuxième signification du sacrifice que la Sibylle impose à Énée : symboliquement, le héros doit sacrifier l’ancien équinoxe, passer par les Ténèbres pour renaître à la lumière du nouvel équinoxe que nous retrouverons pleinement au livre VIII. Certains éléments annonciateurs sont à épingler, c’est précisément au moment du sacrifice, que Virgile évoque le patronyme de Déiphobe : elle est la fille de Glaucus, le brillant. La Sibylle sera la guide d’Énée et parce qu’elle lui révélera son avenir proche au Latium, elle est la porte-lumière tout comme le génie qui allumait le feu dans l’univers à l’équinoxe de printemps. Le rôle de Vénus n’est pas négligeable, car elle aidera son fils à trouver sa véritable identité. Il ne s’agira plus de la Vénus-Astarté, mais bien de la Venus Caelestis, qui se révélera pleinement au livre VIII. Les deux colombes symbolisent bien, comme l’écrit Joël Thomas, cette union mystique entre un « être humain en transformation et son double immortel ». Deborah Lyons avait également relevé, à propos de certaines héroïnes et de déesses, une réciprocité certaine voire même un échange, mais aussi un certain antagonisme469.

Nous terminerons notre analyse de l’ekphrasis du temple d’Apollon par une évocation de la symbolique zodiacale liée au pouvoir en place. Nous avions déjà évoqué le forum d’Auguste et son lien avec l’axe Lion-Verseau. Nous évoquerons maintenant le forum de César et son lien avec l’axe Taureau-Scorpion. Le forum de César était une place fermée, entourée par des colonnades et dominée par un temple470. Le Forum Julium était tout entier dédié à l’exaltation du dictateur : au milieu de l’esplanade, César avait placé sa statue équestre, copie de la statue d’Alexandre par Lysippe. L’élément essentiel était, bien sûr, le temple consacré à Vénus Genetrix. La position du temple, l’abside incurvée au fond de la

cella et la statue du culte, mettaient clairement en évidence l’aura divine de la déesse sur la Gens Julia et sur son descendant direct. À la veille de la bataille de Pharsale, César avait fait

vœu de faire ériger un temple à la mère de sa famille. Par cette construction, non seulement il revendiquait son ascendance divine, mais il rappelait aussi au peuple romain que le Ciel lui

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LYONS,D., Gender and immortality : Heroines in Ancient Greek Myth and cult , Princeton University Press, 1996

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DURET, L. et NERAUDAU, J.P., Urbanisme et métamorphoses de la Rome antique, Paris: Les Belles Lettres, 1983, 106.

166 était favorable, avouant ainsi peut-être, ses ambitions monarchiques. L’observation des temples faite par Jean Richer471 conforte notre analyse : son hypothèse de travail est que l’ensemble constitué par le forum de César et par celui d’Auguste s’organise autour d’un axe équinoxial symbolique Taureau-Scorpion, concrétisé par une ligne droite qui joint l’emplacement de la statue de Vénus à celui de celle de Mars. En effet, le Scorpion est traditionnellement associé au dieu de la guerre, comme en atteste, par exemple, l’autel des douze dieux de Gabies. La tranche de cette table est décorée des douze signes du Zodiaque. Chacun d’eux est accompagné de l’animal emblématique de la divinité qu’on lui associait. Ainsi, la louve de Mars est associée au Scorpion. Manilius, dans ses Astronomiques, confirme cette association. Dans la projection zodiacale ainsi déterminée, la majeure partie du temple de Vénus est dans le signe du Taureau. Il est utile de faire remarquer avec Jean Richer, que Jules César adopta le Taureau comme enseigne de ses légions. En effet, le taureau était l’emblème de la legio Victrix, de la legio Gallica et de la Macedonica. Cette volonté marquée de la part de César de s’associer au taureau peut s’expliquer par référence, d’une part à Bovillae, lieu d’origine de la gens Julia et d’autre part au Taureau, domicile de la planète Vénus.

Virgile ne pouvait nier l’engouement de la nation romaine pour le culte de Vénus, initié par Jules César. Mais il devait également montrer son attachement à la réforme religieuse voulue par Auguste qui renouvelait le culte d’Apollon. C’est, pour nous, un des sens de la « soumission » de Dédale à Apollon. C’est aussi, sans doute, une des significations du vœu qu’Énée formule au vers 68, de dédier un temple à Apollon et à Trivia (Tum Phoebo

et Triuiae solido de marmore). Au-delà de l’allusion supposée au temple construit par

Auguste, en 28, sur le Palatin, Virgile fait clairement référence aux deux axes solsticiaux Lion-Verseau où Apollon est le Lion et Énée le Verseau et Cancer-Capricorne où Trivia est le Cancer et Auguste le Capricorne. Virgile veut offrir une dimension céleste à son héros : il ne peut se tourner vers cette Vénus Erycina ou Victrix parce qu’elle est tellurique et qu’elle entraîne l’exaltation de la puissance temporelle. Il lui faut rencontrer la Vénus Caelestis qui, comme nous le verrons, se révélera au livre VIII. C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre l’épisode de la fondation d’une ville sur le mont Eryx. Après s’être entretenu avec l’ombre de son père, Énée fonde une nouvelle ville qu’il confie à Aceste (…interea

Aeneas urbem designat aratro…Gaudet regno Troianus Acestes vv.755 et sqq.). Si l’on prend

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167 Cumes comme omphalos, le mont Éryx se situe dans le signe des Gémeaux, ce qui n’est pas sans rappeler le contexte de la fondation par Énée de la ville de Pergamée en Crète et donc une possible anticipation du lien qui unira Rome aux Gémeaux. Après avoir fondé la ville, Énée dédie un temple à sa mère (…Erycino in uertice sedes fundatur Veneri Idaliae). Comme le rappelle Jacques Perret472, le temple d’Aphrodite, sur le mont Éryx, est très ancien et la Vénus érycine est bien à l’origine de la Vénus romaine. Tite-Live nous précise dans quelles circonstances la Vénus érycine obtint un temple à Rome. En 217 avant Jésus-Christ, lors de la deuxième guerre punique, face à Hannibal, Rome était dans une situation critique. Le consul

Cunctator fit consulter les livres sibyllins. Les oracles révélèrent que si Rome était

victorieuse, il fallait que l’on s’engageât à célébrer des jeux en l’honneur de Jupiter, à dédier un temple à Vénus érycine et à Mens, à ordonner des prières publiques et à vouer un printemps sacré aux divinités (XXII, 9). Le temple dédié à Vénus fut bâti sur le Capitole, à côté du temple de Jupiter. La dédicace fut présidée par le consul Cunctator en personne, le 23 avril 215, lors des Vinalia Priora, en l’honneur de Jupiter. Ce jour correspond, par ailleurs, à l’entrée du soleil dans le signe du Taureau, domicile de la planète Vénus. Robert Schilling a bien noté que le culte de Vénus érycine a été dépouillé de ses attributs orientaux et que cette Vénus Astarté est devenue romaine. Virgile présente son héros comme le fondateur du temple : il justifie ainsi les liens qui existaient entre la Vénus du mont Éryx et Rome et sa volonté de rattacher Énée à une Vénus ouranienne, puisqu’il ne reste pas en Sicile.

6.7 Déiphobe

La Sibylle virgilienne porte le nom de Déiphobè et est fille de Glaucus473. C’est d’ailleurs la seule fois où Virgile donne un nom à la Sibylle. Au moment où Énée la rencontre, elle a 700 ans474. Elle est évoquée pour la première fois au vers 443 du livre III. Hélénus prédit à Énée qu'il rejoindra la ville de Cumes et que c'est à cet endroit précis qu'il fera la rencontre d'une prophétesse en délire (insanam uatem). Elle apparaît aussi au chant V (735-736) dans la bouche du fantôme d'Anchise qui révèle à Énée qu'elle le conduira dans les Enfers (Casta Sibylla).

Il nous faut ici, pour asseoir notre interprétation, nous poser brièvement la question de l'existence réelle d'une Sibylle à Cumes. Jacques Poucet, dans son article sur les champs

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Voir PERRET, J., Énéide V, p.29, note 1

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168 Phlégéens475, constate que, abstraction faite de Virgile et de l'influence qu'il a exercée, il n'y a aucun témoignage probant de son existence. Il en est toutefois question dans le De

Mirabilibus Auscultationibus du Pseudo Aristote, composé aux alentours de 240 avant

Jésus-Christ. Il y est dit qu'à Cumes, on montrait la chambre souterraine de la Sibylle qui était, disait-on, d'un grand âge et qui ne s'était jamais mariée. Elle était d'Érythrée, mais les habitants assuraient qu'elle était native de Cumes et, d'après certains, elle s'appelait Mélantraera. Lycophron, dans son Alexandra (1964), confirme ce nom et lui donne le mont Ida comme origine. Ce témoignage est intéressant parce qu'il fait enraciner la légende de la Sibylle de Cumes dans un lointain passé même si elle se rattache à Érythrée, berceau historique des Sibylles ou à la Troade, leur berceau mythique. Les auteurs latins de la fin du 3e siècle avant Jésus-Christ, comme Naevius Volcatius ou encore Calpurnius Pison ne connaissaient la Sibylle que sous le nom de Cimmérienne et la localisaient dans la même région que la Cuméenne des Mirabilia476. Aussi, nous pouvons supposer qu'à Rome, la Sibylle de la baie napolitaine n'était pas encore celle de Cumes, mais bien la Cimmérienne, privilégiée par les Annalistes qui s'inspiraient sans doute de l'historien grec Éphore qui situait les Cimmériens de l'Odyssée dans les environs de lac Averne et leur attribua un oracle. Au moment où l'on se rendit compte que Cumes possédait un temple dédié à Apollon, on en déduisit qu'il y avait, sans doute une Sibylle qui prophétisait et c'est celle-là qui prédomina. On raconta alors qu'Énée avait enterré la Cimmérienne dans l'île de Prochyte. S'inspirant de cette légende et corrigeant Naevius, Virgile consacra définitivement la Sibylle de Cumes et en fit la Sibylle par excellence. Elle fut appelée tantôt Démo, tantôt Démophilè. À l'instar de divers commentateurs, nous ne pensons pas que Virgile ait connu de Sibylle à Cumes. Il a fait