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3 CADRE THÉORIQUE : PROGRAMMES DE SURVEILLANCE BIOLOGIQUE ET DE

4.2 Europe

4.2.2 France

L’Institut de recherche finalisée de référence pour la gestion durable des eaux et des territoires (CEMAGREF) a pour mandat premier l’établissement d’un cadre concret de gestion durable des eaux et des territoires (France, 2009b). La mise en œuvre de la DCE

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impose l’établissement de « modèle pression/impact, l’évaluation de la variabilité interannuelle naturelle et l’identification des bioindicateurs et indicateurs de l’état physiques des milieux aquatiques » (France, 2009b).

Deux types de réseaux, contrôle de la surveillance et contrôle opérationnel, sont actuellement en cours sur le territoire de la France. Le premier vise l’échantillonnage, s’étalant sur six années, de près de 1500 sites. Le second, destiné aux masses d’eau « identifiées comme risquant de ne pas atteindre les objectifs environnementaux de la DCE » (Archaimbault, 2009a), survient de nature ponctuelle. Également, le réseau de contrôle opérationnel englobe le suivi des améliorations suite aux actions mises en place dans le cadre des programmes de mesures.

L’évaluation différenciée des principaux types d’altération qui apparaissent dans les cours d’eau, la pollution organique, l’eutrophisation et la contamination toxique, d’une part, et la dégradation de l’habitat physique et la perturbation hydrologique d’autre part, est fonction de la zone biogéographique et de la typologie des cours d’eau.

Cadre physique de la typologie des masses d’eau

La typologie employée dans le cadre de l’approche opérationnelle de gestion environnementale au niveau de la France repose sur le système B. Le cadre typologique national s’avère cohérent avec la DCE et précis en regard des mécanismes fins de dégradation des écosystèmes aquatiques (Villeneuve et al., 2005). La typologie intègre le cadre régional défini par l’ensemble des hydroécorégions, la dimension longitudinale, exprimée sous la forme du rang de Strahler, qui conditionne les cinq catégories de la taille des plans d’eau et, en dernier lieu, l’influence exogène, soit les caractéristiques amonts référant à l’hydrochimie et à l’hydrologie (Villeneuve et al., 2005).

Les sites de référence sont sélectionnés par hydroécorégions (HER) et types de masses d’eau (France, 2004a). Spécifiquement, les critères de sélection découlent exclusivement des pressions anthropiques qui s’exercent sur le milieu. L’absence d’impact au niveau des paramètres abiotiques, soit physicochimique et hydro morphologique, sont évalués aux échelles spatiales du bassin versant, du tronçon et de la station. L’occupation du sol, les régimes hydrologique et sédimentaire, la pollution toxique et domestique, l’eutrophisation, représentent quelques-uns des critères où des seuils de référence doivent être respectés afin d’attribuer le terme de « référence probable » au cours d’eau (France, 2004a).

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L’annexe 4 présente l’ensemble des critères issus des échelles spatiales du bassin versant et de la masse d’eau. La figure 4.15 affiche les critères de sélection a priori spécifique à l’échelle de la station. Ensuite, la sélection a posteriori, suite au prélèvement des assemblages biologiques, effectuée par des modèles statistiques prédictibles permet d’écarter les sites où des pressions non identifiées lors de la sélection a priori avaient été incluses.

Figure 4.15 Critères de sélection des sites de référence. Tirée de France, 2004b, p.17. Approche multimétrique

Historiquement, l’évaluation de l’état écologique des cours d’eau reposait sur l’indice biologique global normalisé (IBGN) (Afnor, 1992). L’IBGN est basé essentiellement sur le groupe faunistique indicateur (GFI), métrique de nature qualitative référant à la présence/absence de taxons sensibles, et sur les classes de variété taxonomique, métrique de type quantitative, découlant de la richesse taxonomique (nombre de taxons) (Wasson et al., 2004). Les seuils délimitant les classes de qualité de l’IBGN reposent sur la combinaison des valeurs limites des métriques GFI et du nombre de taxons (figure 4.16).

Les valeurs limites du « très bon état /bon état» sont attribuées en fonction du 25e percentile de la distribution des sites de référence pour les deux métriques de l’IBGN. Les valeurs limites inférieures sont distribuées de façon équitable, en quatre catégories. Soulignons que la métrique GFI impose un biais quant à l’identification du seuil de « très bon état » puisque la variation de cette métrique n’est pas linéaire dans toutes les HER en raison de l’absence naturelle de certains taxons (Wasson et al., 2004).

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Figure 4.16 Calcul des valeurs limites de chaque classe de l’IBGN. Tirée de Wasson et al., 2004, p.6.

Désormais, l’utilisation de l’IBGN tel quel ne peut être maintenue en raison des exigences draconiennes de la DCE face aux quatre catégories de métriques devant être intégrées dans l’analyse des peuplements de macroinvertébrés (Wasson et al., 2004). Au sens écologique, l’IBGN ne prend pas en compte le pourcentage de taxa sensibles et l’abondance relative des différents taxons dans la communauté. Par exemple, un apport important de matières organiques dans le cours d’eau favorise, généralement, l’augmentation de certaines espèces opportunistes et tolérantes à la pollution aux dépens de taxons sensibles à la dégradation de l’habitat (Wasson et al., 2005). Cette modification tend à augmenter considérablement la diversité taxonomique de la communauté, engendrant une valeur de l’IBGN anormalement élevée. Également, l’IBGN impose des limites notables quant à son utilisation tels que le manque de précision face à la nature exacte de la perturbation et de sensibilité en regard de certains types de perturbations (Wasson et al., 2005). Dans la même foulée, le niveau taxonomique employé pour l’IBGN, soit la famille, constitue une des raisons du manque de pertinence face aux exigences de la DCE.

Or, l’élaboration de ratios de qualité écologique est sans conteste l’obstacle le plus patent quant à la compatibilité de l’IBGN face aux diverses approches. Les ratios de qualité écologique imposent l’établissement de conditions de référence par type de plans d’eau. D’emblée, l’indice nécessite des ajustements quant au respect de la Directive assujettie et à l’approche internationale AQEM, où la sélection du type d’impact le plus important dans

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le plan d’eau est visé (AQEM, 2002). L’IBGN fait actuellement l’objet de modification afin de garantir la continuité des suivis (Archaimbault, 2009a).

Les ajustements en cours visent principalement à établir les peuplements de référence pour chaque type de plans d’eau et à accentuer les connaissances sur les modèles de distribution spatio-temporelle des communautés benthiques afin d’optimiser la prédiction de communautés de référence (Archaimbault, 2009a). L’intégration de métriques taxonomiques et fonctionnelles référant à la composition taxonomique, la structure fonctionnelle, la chimie/pollution et l’habitat (trait écologique) permettra d’assurer la comparabilité des suivis en regard aux approches des États membres (Archaimbault, 2009a).

Indice AQEM France

Le CEMAGREF se penche actuellement sur l’intégration de l’expression des conditions biologiques sous la base de variables fonctionnelles aux dépens des analyses antérieures, strictement taxonomiques (Archaimbault, 2009b). La diversité fonctionnelle indique que la diversité des traits bioécologiques dans une communauté de MIB est directement proportionnelle à celle des niches écologiques offertes par l’écosystème et, par conséquent, permet l’évaluation de l’intégrité écologique (Archaimbault, 2009b).

Chacune des métriques biologiques et écologiques est calculée en fonction du type perturbation qui dérive explicitement de la typologie et la région hydrographique prisée. Les métriques bioécologiques actuelle, sous-entendent la combinaison de variables biologiques, telles que les caractéristiques morphologiques, physiologiques ou comportementales d’un taxon, avec les paramètres de nature écologique, soit les traits qui décrivent l’affinité d’un taxon pour un habitat donné (Archaimbault, 2009b) (tableau 4.8). Par exemple, les traits écologiques répondent aux paramètres associés à la distribution spatiale, la sensibilité aux perturbations, ou encore, à la préférence liée à l’habitat dont le substrat, la vitesse du courant, la température, etc. (Archaimbault, 2009b).

L’insertion de métriques biologiques et écologiques au sein de l’analyse multimétrique pose l’avantage d’appréhender la structure fonctionnelle des peuplements de macroinvertébrés et donc, de rendre compte du fonctionnement des écosystèmes aquatiques.

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Tableau 4.8 Traits biologiques et écologiques des macroinvertébrés. Modifié d’Archaimbault, 2009b, p.3. Traits biologiques Caractéristiques du cycle de vie Potentiel de résistance et résilience Caractéristiques physiologiques et comportementales - Taille maximale - Durée du cycle de vie - Nombre de génération annuel - Stades aquatiques - Dispersion - Forme de résistance - Relation au substrat - Forme du corps - Mode de reproduction - Type de nourriture - Mode d’alimentation - Mode de respiration Traits écologiques

Distribution spatiale Préférence en matière d’habitat

Sensibilité aux perturbations

- Biogéographique - Altitudinale - Longitudinale - Transversale - Substrat - Vitesse du courant - Température

- Sensibilité aux faibles pH - Statut trophique - Salinité - Valeur saprobiale (matière organique) - Polluosensibilité globale

Les métriques bioécologiques sont par la suite exprimées sous la forme de modalités qualitatives ou semi-quantitatives (Archaimbault, 2009b). À titre d’exemple, quelques traits bioécologiques ainsi que leurs modalités qualitatives ou semi-quantitatives figurent à l’annexe 5. Le codage de l’information au niveau du genre est préalable à l’obtention du profil de la variable bioécologique d’intérêt. Le codage consiste à attribuer une note d’affinité, allant de 0 à 5, où 5 équivaut à une affinité maximale du taxon pour cette modalité, à chaque unité taxonomique de la communauté benthique. Afin de tenir compte de l’ensemble des modalités définies, l’étape suivante consiste à la sommation des notes d’affinités associées à chaque unité taxonomique. L’identification de la distribution des fréquences relatives permet subséquemment de générer des profils bioécologiques. L’attribution de la classe de qualité de la communauté biologique est effectuée par la comparaison des profils bioécologiques. Cette dernière est établie suite au test statistique non-paramétrique, où le coefficient de Kruskal-Wallis permet la sélection des métriques les plus discriminantes (classe très bonne).

Le test d’hypothèse nulle, selon le risque de première et de deuxième espèces, est employé afin d’établir les classes de qualité :

84 H0 : niveau de qualité supérieur

Hi : niveau de qualité inférieur

En premier lieu, le calcul du risque de première espèce (α) est effectué. Si l’hypothèse nulle est vérifiée, le profil bioécologique de la communauté se voit attribuer la classe de qualité supérieure dite très bonne (figure 4.17). Si l’hypothèse nulle est rejetée, le calcul du risque de deuxième espèce (β) survient. Spécifiquement, l’attribution de la classe de qualité est obtenue suite au calcul de la probabilité finale par couple successif de classe de qualité (α < β; niveau de qualité inférieur) (Garric, 2007).

Figure 4.17 Calcul du profil écologique suite au test statistique non-paramétrique avec le coefficient de Kruskal-Wallis. Modifiée de Garric, 2007, p.21.

La comparaison des profils bioécologiques permet alors d’assigner une classe de qualité aux modalités. La mise en évidence des modalités les plus discriminantes incite l’insertion de l’expression des conditions biologiques, sous la base de variables fonctionnelles, à l’outil multimétrique (Garric, 2007).

La sélection des métriques, découlant d’analyses taxonomiques et fonctionnelles, est effectuée en fonction du degré de liaison et du pouvoir de discrimination avec le gradient de perturbation. Les métriques retenues détiennent une valeur absolue du degré de liaison (R) supérieure à 0,5, et sont caractérisées par une absence de chevauchement des espaces interquartiles. La standardisation des métriques repose sur les 25e et 75e percentiles. Au total, 8 métriques ont été retenues et répondent explicitement aux catégories de la richesse taxonomique, la composition taxonomique, la tolérance face à la

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pollution et des métriques fonctionnelles bioécologiques (Archaimbault, 2009b). Au sein de la catégorie fonctionnelle, les métriques référent aux fréquences relatives liées aux stratégies trophiques, aux degrés des impacts anthropiques et à la stabilité (Archaimbault, 2009c). Les métriques calculées sont les suivantes : le nombre de taxons plécoptères, le % éphéméroptères, le % plécoptères, l’ASPT, la fréquence relative d’utilisation du trait « nombre d’année/génération >1 an », des «deposit feeders », des taxons caractéristiques du métarithron, des taxons limnophiles et des taxons oligotrophes (Archaimbault, 2009c). En regard à ces métriques, une proposition des limites inter-classe, suite à une classification a posteriori des sites de référence, ainsi que les valeurs seuils de l’indice multimétrique ont été lancées. Basé sur le 25e percentile et le 75e percentile des sites de référence, les valeurs seuils de l’indice représentent 5,36, 4.62, et 3,39, et ce, respectivement pour les classes de référence, bonne, passable et mauvaise (figure 4.18).

Figure 4.18 Proposition des valeurs seuils de l’indice AQEM France. Tirée d’Archaimbault, 2009c, p.12.

À l’inverse de l’IBGN, l’insertion de métriques bioécologiques au sein de l’indice multimétrique pose l’avantage de discriminer certains types d’habitats, d’identifier une situation perturbée, d’estimer les fonctions de l’écosystème, d’employer une large échelle d’application, d’inclure des paramètres prédictifs et d’être performant à divers niveaux systématiques (Archaimbault, 2009b). Somme toute, les biocritères implantés sur le

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territoire de la France se conforment à la DCE, référant à la classe de qualité du «bon état écologique».