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3 CADRE THÉORIQUE : PROGRAMMES DE SURVEILLANCE BIOLOGIQUE ET DE

3.5 Le concept des biocritères

D’entrée de jeu, les biocritères prennent la forme de valeurs numériques ou d’expressions narratives. Ils décrivent les conditions biologiques des communautés aquatiques d’un écosystème donné par comparaison avec celles des conditions de référence appropriées (Gibson et al., 1996). Par conséquent, les critères biologiques dérivent des sites non dégradés par les perturbations anthropiques et représentent le point de référence assurant la protection et la gestion de la ressource eau. La discrimination entre les milieux aquatiques dégradés et ceux non altérés s’avère indispensable afin d’identifier les critères opérationnels, rigoureux, capables d’élucider les classes d’altération correspondant aux seuils écologiques distincts (Grenier, 2007).

Comme le sont les critères physicochimiques, les critères biologiques diffèrent en fonction de la portée et du degré de précision préconisés par l’autorité environnementale. Également, ces derniers possèdent une portée et des limites d’utilisation spécifiques notamment en regard des usages de l’eau et des types de plans d’eau (Québec, 2008b). Soulignons que dans le contexte des évaluations environnementales, les critères biologiques narratifs et numériques découlant du programme de surveillance biologique, doivent être perçus comme complémentaires plutôt qu’à titre de substitution des critères usuels physicochimiques (United States, 2002).

3.5.1 Narratifs

Les critères biologiques narratifs sont des expressions qui décrivent la condition biologique des communautés aquatiques attendues dans un système répondant au concept de l’intégrité écosystémique. Ces derniers fournissent des règles générales, ou encore des normes descriptives strictes dépendamment de la législation en cours, afin de protéger les eaux de toute dégradation. Ils portent essentiellement sur des aspects généraux et peuvent être indépendants ou, au contraire, inclus aux critères narratifs de qualité de l’eau instaurés au sein du programme de surveillance biologique (United States, 2002). Ces expressions sont établies à partir de la connaissance des communautés

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benthiques habitant les cours d’eau non dégradés. Leur portée est définie en fonction du niveau de qualité de l’eau convoité en regard des usages réels et potentiels du milieu (United States, 2002).

N’étant pas un précurseur obligatoire, les critères narratifs posent les bases légales et pragmatiques facilitant le développement et l’application ultérieurs des critères numériques. Toutefois, il demeure essentiel, afin d’implanter pleinement les deux types de critères biologiques, de posséder une base de données substantielle permettant de les supporter (Gibson et al., 1996). Certaines instances environnementales emploient les critères narratifs afin de déterminer l’attribut écologique régional telles que les mesures de composition et diversité taxonomique tandis que d’autres, adoptent ces derniers afin d’identifier la source de la pollution diffuse ou ponctuelle dans l’optique de protéger l’écosystème aquatique et de déterminer l’usage réel et potentiel du milieu (CCME, 2006a).

Par exemple, les critères de types narratifs pourraient prendre la forme suivante :

- Une modification légère dans la composition et l’abondance des taxa invertébrés par rapport aux communautés caractéristiques des sites de référence peut être observée;

- Le ratio de taxa sensibles aux perturbations par rapport aux taxa insensibles peut indiquer une légère détérioration par rapport aux conditions non altérées;

- Le niveau de diversité taxonomique peut indiquer une légère détérioration par rapport aux conditions non altérées.

3.5.2 Numériques

Suivant le même concept, les critères biologiques numériques prennent la forme de valeurs quantitatives définissant l’état de santé global de la communauté biologique et les conditions attendues du système pour différents types d’usages de la ressource eau. Il est avantageux de définir la gamme numérique qu’une variable peut présenter par rapport à une mesure discrète puisqu’elle permet d’inclure la variabilité naturelle qui apparaît au sein des écosystèmes en santé (Gibson et al., 1996). Les critères numériques peuvent également représenter une combinaison de variables, tels que les métriques (ex. : % EPT), les indices simples (ex. : Indice de Shannon) et les indices multimétriques (ex. :

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Indice de santé biologique (ISB)) (Gibson et al., 1996). Puisque les critères biologiques narratifs et numériques doivent être supportés par une base de données, la distinction majeure entre les deux formes de biocritères réside dans l’inclusion directe d’une valeur ou indice spécifique

Par exemple, les critères de type numérique pourraient prendre la forme suivante :

- Un pourcentage d’EPT supérieur ou égal à 75 %, un indice d’Hilsenhoff variant entre 2,5 et 3,0 et un pourcentage de chironomides inférieur ou égal à 4,5 %, peuvent indiquer une communauté dite en bonne qualité;

- Indice multimétrique variant de 80 % à 100 % peut indiquer une communauté dite en bonne santé;

- Un coefficient statistique p ≥ 0,6 issu d’analyse multivariée représente une communauté dite en bonne santé.

3.5.3 Caractéristiques essentielles des biocritères

Généralement, les biocritères efficaces, capable de discriminer entre les classes d’altération correspondant à des seuils écologiques, partagent plusieurs caractéristiques communes. Ils se doivent de fournir des informations scientifiques sur l’état de santé global des plans d’eau, de protéger les biotes et habitats les plus sensibles ainsi que les communautés biologiques naturelles. Également, les biocritères doivent être en mesure de supporter et maintenir l’intégrité physique, chimique et biologique, d’inclure les caractéristiques spécifiques des assemblages biologiques requis pour l’accomplissement de la désignation des usages de l’eau, d’être claires et faciles à comprendre pour les utilisateurs et d’adhérer au principe et à la philosophie de l’intégrité écologique (Gibson et al, 1996).

En addition, les critères biologiques doivent correspondre à une sensibilité adéquate quant aux perturbations et altérations de l’environnement. En ce sens, la sensibilité des critères ne doit pas être trop faible afin de surestimer un site qui pourrait être diagnostiqué altéré à l’aide de critères plus sensibles. Des critères peu sensibles pourraient qualifier un site de bonne qualité alors que ce dernier présenterait des signes de dégradation. D’emblée, aucune mesure correctrice ne serait proposée puisque le site aurait atteint un plein potentiel. Encore, la sensibilité ne doit pas être trop élevée afin de sous-estimer la qualité

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globale d’un site. Ce faisant, un site pourrait être identifié comme étant de mauvaise qualité, présentant des signes de perturbation, alors qu’il pourrait être diagnostiqué de bonne qualité à l’aide de critères moins sensibles (Gibson et al., 1996). Somme toute, le critère ayant la sensibilité adéquate devrait être en mesure d’établir la meilleure condition naturelle qui est possible d’être soutenue ou atteinte, et ce, tout en tenant compte des considérations physiques et économiques présentes (Gibson et al., 1996).