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3.b La fragilité du renouvellement urbain : superposition de la question sociale et urbaine

Nous venons de le voir, de plus en plus de quartiers en situation de crise font surface. La montée de la précarité et du chômage en France a rendu critique l’état de certains quartiers déjà en situation critique donnant du fil à retordre à la ville qui se voit endosser la prise en charge des problèmes sociaux. De cette manière la ville était devenue «une catégorie de l’action publique qui se devait de produire de la régulation sociale». Alors, la question 82 sociale s’est superposée à la question urbaine complexifiant une politique déjà au départ ambiguë. En réhabilitant le bâti les acteurs engagés dans les projets urbains s’attachent plus

Thierry Paquot, «Banlieues, cités dans la cité», Revue Projet, 1er Juillet 2007, en ligne, http://www.revue-projet.com/

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articles/2007-4-politiques-de-la-ville/

Thierry Paquot, «Banlieues, cités dans la cité», Revue Projet, 1er Juillet 2007, en ligne, http://www.revue-projet.com/

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Didier Vanoni, «Quand le renouvellement urbain prend en charge la question sociale…», Revue du MAUSS

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permanente, 24 juin 2007 [en ligne].

http://www.journaldumauss.net/./?Quand-le-renouvellement-urbain

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à cacher la misère plutôt que de « s’ employer à ce que tous les publics en difficultés puissent rejoindre la société dans ses aspirations collectives». 83

«L’ urbain a absorbé tout le social» ayant pour conséquence la confusion de ces deux 84 domaines d’intervention laissant penser que tous les maux dont souffre le quartier se résoudront par la mixité, que l’attention apportée à la résidentialisation des habitants procurera un sentiment de sécurité et de protection. De la même façon la confusion de l’urbain et du social nous incite à imaginer qu’une fois l’image du quartier restaurée, il attirera de nouvelles populations, de catégories socio professionnelles différentes, d’origine diverses et favorisera alors la mixité sociale. La médiatisation de ces quartiers sensibles n’aidant pas, elle leur donnera l’impression d’être un problème en soi et non plus ce qu’ils sont réellement c’est à dire un problème plus général. Il est vrai que les valeurs et les principes d’un projet ont de l’importance surtout pour l’habitant qui entend un discours flatteur ,nous l’avions vu dans la deuxième partie. Cependant, nous pouvons voir également ces éléments comme des motifs à des séries d’aménagements sur le territoire . La mixité sociale revendiquée par les acteurs du projets est revisité à «petits coups de programmes de logements en accession», la résidentialisation tant recherchée par les élus politiques ne signifierait en réalité rien d’autre que «de conférer à certains HLM des caractéristiques de résidences de copropriétés. Finalement les projets urbains effectués dans les quartiers dits sensibles semblent être dirigés par des « attendus discutables » qui relèvent « de l’idéologie pure». La mixité sociale, valeur recherchée à l’issue du projet urbain, ne ferait elle pas partie de ces attendus discutables. Les bonnes intentions portées par les acteurs du projet urbain au sujet des logements, des équipements, des espaces publics sont des moyens pour attirer de nouveaux habitants dans le quartier et répondre alors à leur objectif de mixité sociale. La mise en valeur de tels objectifs laisse penser à l’habitant que les difficultés que rencontre le quartier sont liées à une population sociologiquement homogène d’une seule et d’origine s ethniques diverses le plus souvent. De même nous finissons par croire que la résolution de ces problèmes sociaux se feront grâce aux nouveaux équipements dont la construction prône des bâtiments rassemblant la population autour du sport ou encore de la culture. De nouveaux espaces publics sensés améliorer le quotidien des habitants, leur cadre de vie et leur donnant un sentiment de sécurité, et la construction de nouveaux logements qui permettraient aussi la résidentialisation et inciteraient l’arrivée de nouveaux habitants répondant alors au souhait de mixité sociale tant espérée par les acteurs politiques. Lors du lancement de projet de renouvellement urbain sur un territoire, comme celui des Izards, l’argument de la mixité sociale est omniprésent tant dans les discours que dans les orientations du projet. Il apparait alors comme l’objectif prioritaire du projet urbain promettant par la suite des changements dans la vie de quartier. La mixité sociale est une réponse à la problématique des conditions de vie précaire et difficiles des habitants. Comment améliorer les conditions de vie du quartier afin d’attirer de nouveaux habitants, de nouvelles classes sociales toujours dans l’objectif d’une mixité semble être l’énigme à laquelle les acteurs politiques établissent le processus de renouvellement urbain.

Didier Vanoni, «Quand le renouvellement urbain prend en charge la question sociale…», Revue du MAUSS

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3.c - Le renouvellement urbain, «le simplisme d’un processus

caricatural» : l’argument de la mixité sociale

Nous sommes forcés de remarquer que « la politique de la ville » est d’une certaine manière « non avouée une politique de l’immigration» puisque elle ne semble que viser 85 les quartiers dits sensibles qui finissent par apparaitre comme un monde à part. Peuplé d’une population sociologiquement homogène et d’origines différentes, ces quartiers sont un entre deux, à la fois proche du centre historique et des quartiers pavillonnaires habités par des ouvriers et des cadres moyens bien intégré à la société française les éloignant des conditions de vie et des possibilités d’ascension sociale. Finalement, l’échec de la politique de la ville est réduit par son « maitre mot » : la mixité, justifiant cet échec. En effet, 86 dépouillée des effets de discours, la politique menée manifeste une «un représentation et une interprétation des problèmes très rudimentaire et y applique un argumentaire pauvre» simplifiant un processus devenant sa propre caricature. Les plus pauvres sont rendus invisibles et leurs communautés sont affichés comme une menace dont il est impensable la possibilité de leur promotion sociale. L’objectif de mixité annoncé à travers le renouvellement urbain devient un instrument qui transforme les habitants de victimes à coupables. Victimes de violences, de discriminations ou encore de pauvreté les voilà coupables de communautarisme, de pratiques religieuses ou d’inaptitude à être employés. Ainsi, l’objectif de mixité n’est pas un moyen mis à disposition des des habitants pour s’en sortir comme nous le ferait croire la politique de la ville, il est un instrument.

De plus, les dispositions mises en place afin d’inciter cette mixité sociale donnent des résultats inverses à ce attendus par les acteurs politiques. Lors des relogements obligeant les ménages à déménager, les habitants pèsent le pour et le contre pour un déménagement vers un habitat plus prestigieux mais qui les priverait aussi des ressources du quartier dont ils en sont attachés. C’est pourquoi qu’il arrive souvent que les zones en périphérie immédiate des quartiers en régénération urbaine sont très convoitées, illustrant le souhait des habitants de sortir du quartier mais garder une certaine proximité. Cette tendance peut avoir un effet négatif sur le quartier subissant le renouvellement urbain car les logements qui sont construits dans le but de reloger les habitants du quartier se retrouvent finalement inoccupés. Il s’avère que nous est offert une lecture à la fois trop « monolithique et statique » des quartiers difficiles et de leurs habitants. En effet, elles reposent sur un 87 référentiel qui ne semble pas prendre pas en compte « ce qui fait ciment, ce qui fait société » à savoir le besoin d’entre soi des habitants et les logiques affinitaires qui 88 gouvernent ces quartiers tout comme les quartiers pavillonnaires. Des besoins à nuancer, en prenant garde à ce que les logiques affinitaires ne consolident pas davantage la tentation du repli accentuant le caractère des territoires déjà vus comme communautaires. Cela illustre l’importance de concevoir des politiques qui privilégient et recherche avant tout une qualité

Thierry Paquot, «Banlieues, cités dans la cité», Revue Projet, 1er Juillet 2007, en ligne, http://www.revue-projet.com/

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Didier Vanoni, «Quand le renouvellement urbain prend en charge la question sociale…», Revue du MAUSS

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Nathalie Gaudant, «La mixité sociale: objectif ou résultat des projets de rénovation urbaine?», Métropolitiques, 7

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janvier 2013. URL:https://www.metropolitiques.eu/La-mixite-sociale-objectif-ou.html

Nathalie Gaudant, «La mixité sociale: objectif ou résultat des projets de rénovation urbaine?», Métropolitiques, 7

88 janvier 2013. URL:https://www.metropolitiques.eu/La-mixite-sociale-objectif-ou.html

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dans les parcours résidentiels et des conditions de vie des familles. Les programmes de développement social prendront alors toute leur importance dans le processus de renouvellement urbain en les axant sur la multiplicité des identités et l’échange entre habitants et en fluidifiant la gestion du parc résidentiel qui ne serait plus une impasse ou une assignation à résidence pour les ménages. La mixité sociale est donc un enjeu important pour les acteurs qui entreprennent le renouvellement urbain de leur territoire. Le succès d’un tel processus dépendrait il alors du résultat qu’est la mixité sociale? L’image du quartier est elle dépendante du volet social, particulièrement de la mixité sociale mettant en jeu des trajectoires humaines. Il s’agit d’accompagner les habitants et favoriser leur mobilité interne ou externe tout en prenant soin de répondre aux évolutions sociales qu’elles soient ascendantes ou hélas descendantes. La possibilité des habitants d’être mobiles favoriserait cette mixité et permettrait aussi à la population de se désenclaver et de se mêler entre eux terminant par rompre avec la force des choses. Il est nécessaire de trouver une alternative aux projets de renouvellement urbain qui préfèrent « traiter les lieux plutôt que de s’occuper des gens qui les habitent» en pensant que l’urbain soignera 89 le malaise social. Peut être qu’il s‘agit de revenir aux préceptes de la politique de la ville que le temps et l’urgence des situations a fini par condamner à savoir l’importance «d’intervenir en fonction de la situation sociale» des habitants et «agir à partir de là où se pose le problème» . La mixité sociale nous l’avons vu pose encore des interrogations 90 dans la renouvellement urbain, quelle place tient elle réellement? Est elle la condition de réussite du processus ou n’est elle qu’un simple argument de valorisation du projet urbain? Nous pouvons penser que la mixité sociale ne peut pas avoir lieu si le terrain n’est pas favorable, il est alors nécessaire de travailler tout d’abord sur l’environnement avant d’opérer aux « greffes » tels que les logements en accession ou les équipements de prestige. L’ illustration de cette idée est la difficulté de peupler les nouvelles constructions des promoteurs destinés à loger les ménages de classes moyennes. Ainsi l’arrivée de nouveaux habitants dans le territoire en question est un résultat des projets de renouvellement urbain, elle est la preuve que l’attractivité du quartier et de nouveau en marche et non pas le moyen d’action pour cette attractivité. L’arrivée de nouvelles populations est un effet d’un renouvellement urbain qui réussit. Il faut d’abord s’attacher à construire un milieu sain, bon et agréable à vivre, c’est ce qui permettra une attractivité qui à son tour permettra l’arrivée de nouveaux habitants résultant à une mixité sociale. Si nous pensons que les populations viennent sur un territoire, un quartier pour ses équipements ou pour ses logements en premier lieu, alors nous nous trompons. Car si ces constructions ne sont pas établies dans un cadre pacifié de toutes formes de violences urbaines, discrimination, difficultés économiques etc, l’attractivité a peu de chance d’avoir lieu, l’arrivée de nouveaux habitants avec malgré les efforts matériels et financiers fournis dans ces « greffes ». Et de la même façon, une attractivité renouvelée l’image du quartier n’évoluera pas. La stigmatisation sera toujours présente car la population n’a pas été la priorité. La question de l’image du quartier n’est donc pas quelconque à l’argument de la mixité sociale bien qu’elle justifie en quelque sorte l’échec de la politique de la ville. Elle

Didier Vanoni, « Quand le renouvellement urbain prend en charge la question sociale… », Revue du MAUSS

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Didier Vanoni, « Quand le renouvellement urbain prend en charge la question sociale… », Revue du MAUSS

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dépend fortement de la population qui réside dans le quartier d’où la nécessité de pratiquer la mixité sociale en son sein. Cette population se doit d’être composite en terme de culture, de religion, de catégories sociales et soit avoir la capacité de se déplacer et d’être déplacer. En résumé,» l’image d’un quartier ne désigne pas son cadre bâti mais bel et bien par sa population» cela veut dire que plutôt que de ne pas prêter attention aux difficultés des 91 quartiers subissant un renouvellement urbain il est plus approprié de « réinventer une image positive, sincère et vraie des quartiers populaires, de valoriser leur rôle d’accueil et leur place indispensable au sein de territoires plus larges frappés eux aussi par la crise et les incertitudes qui pèsent sur le devenir de nombreux ménages jusqu’alors préservés». 92