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Comme nous allons le voir dans les sous-sections suivantes, Les variations dans les rapports isotopiques peuvent r´esulter de r´eactions `a l’´equilibre et ˆetre li´ees uniquement aux ´energies de vibrations des mol´ecules, ou ˆetre la cons´equence d’effets cin´etiques lors de r´eactions irr´eversibles.

2.2

Fractionnement isotopique `a l’´equilibre

D’apr`es les travaux de Urey et al. (1947) et de Bigeleisen et Mayer (1947), on peut d´efinir une r´eaction isotopique comme une r´eaction chimique entre une phase A et B. Dans le cas de l’hydrog`ene, cette r´eaction s’´ecrit :

aAH + bBD←→aAD + bBH (2.3)

avec H d´esignant l’isotope l´eger (le protium) et D le deut´erium. La constante de cette r´eaction s’´ecrit :

K = QAD QAH

a

(2.4) avec Q la fonction de partition (sans dimension).

Une fonction de partition est la repr´esentation math´ematique de la r´epartition de l’´energie dans un syst`eme constitu´e de mol´ecules. Sa valeur d´epend des variables intensives du syst`eme (temp´erature, volume mol´eculaire par exemple) mais aussi des mouvements intramol´eculaires. En effet, dans une mol´ecule diatomique, les atomes ne restent pas `a distance fixe l’un de l’autre, ils oscillent continuellement, en r´eponses aux interactions faibles. Les ´energies potentielles des mol´ecules varient `a mesure de l’oscillation, L’´energie associ´ee sera ainsi maximale quand la distance interatomique est maximale, ou minimale. Ces ´etats d’´energies sont quantifi´es, tel que :

E = 1

2hν (2.5)

avec h la constante de Planck et ν est la fr´equence de vibration de la mol´ecule. Cette fr´equence pr´esente une d´ependance `a la temp´erature, tel que :

ν = 1/2νπ s

k

µ (2.6)

avec k la constante de force et µ la masse r´eduite : µ = mD× mH

mD+ mH

(2.7) L’´energie sera d’autant plus importante que la masse de l’isotope est faible.

Le niveau d’´energie potentielle le plus faible, et donc le plus stable pour une liaison, est appel´e ´energie du point z´ero (EPZ) (figure 2.2). Comme E d´epend directement de µ, la fr´equence de vibration de la liaison varie en fonction de la masse. Plus l’´energie est faible, plus la liaison sera stable. Il sera ainsi plus difficile de dissocier les liaisons D2 que H2,

qui ont des ´energies respectives de 440 et 431,8 KJ.mol−1. C’est cette diff´erence d’´energie, induite par les diff´erences de masses, qui entraˆıne des propri´et´es physiques diff´erentes et cause des fractionnements lors d’´echanges isotopiques `a l’´equilibre. Plusieurs propri´et´es notables en d´ecoulent :

– Le fractionnement `a l’´equilibre sera maximal `a basse temp´erature, l`a o`u ∆E sera maximal c’est `a dire quand ∆E=∆EPZ (figure II-2). Le fractionnement `a l’´equilibre diminue `a mesure que la temp´erature augmente, tel que entre 0 et 100°C (d’apr`es Urey et al. 1947) :

ln(α) = A

T2 + C (2.8)

avec A et C des constantes. Il en r´esulte un facteur de fractionnement α qui diminue quand T augmente, comme pr´esent´e figure 2.3, pour des ´echanges `a l’´equilibre dans

Fractionnement isotopique `a l’´equilibre

les syst`emes H2O-H2 et CH4-H2 (Horibe et Craig 1995).

x" 0 + - n=1 n=0 ΔEPZ En er g ie p o te n ti el le

Figure II-2. Schéma de la variation de l’énergie potentielle (pour un oscillateur

harmonique). x=0 correspond à la position d’équilibre. Les n sont les niveaux d’énergies accessibles. L’énergie de point zéro (EPZ) est plus haut pour une molécule issu de l’isotope léger (EPZ) que celle issue de l’isotope lourd (EPZ *).

EPZ * EPZ

Fig. 2.2 – Sch´ema de la variation de l’´energie potentielle (pour un oscillateur harmonique). x=0 correspond `a la position d’´equilibre. Les n sont les niveaux d’´energies accessibles. L’´energie de point z´ero (EPZ) est plus haut pour une mol´ecule issu de l’isotope l´eger (EPZ) que celle issue de l’isotope lourd (EPZ*).

– Le fractionnement `a l’´equilibre est d’autant plus important que la diff´erence relative de masses entre isotopes est grande (100% dans le cas du deut´erium/protium). – Les isotopes lourds, lors de fractionnement `a l’´equilibre, tendent `a se concentrer

g´en´eralement dans la phase ou l’´energie de la liaison est la plus grande, avec so- lide>liquide>gaz.

Figure II-3. Fractionnement à l’équilibre dans le système H2O-H2 et CH4-H2 en fonction de la température et de 1/T2 (tiré de Horibe & Craig, 1995).

Le fractionnement est d’autant plu important que T est bas.

Fig. 2.3 – Fractionnement `a l’´equilibre dans le syst`eme H2O-H2 et CH2-H2 en fonction

de la temp´erature et de 1/T2 (extrait de Horibe et Craig 1995). Le fractionnement est d’autant plus important que la temp´erature est basse.

A l’´equilibre, le fractionnement d´epend donc des propri´et´es thermodynamiques des atomes et mol´ecules. Enfin, le type de syst`eme (ouvert ou ferm´e) influence le frac- tionnement `a l’´equilibre.

2.2.1

Echanges isotopiques `´

a l’´equilibre en syst`eme ferm´e

Dans un syst`eme ferm´e, il n’y pas d’´echange de mati`ere avec les syst`emes voisins (l’environnement). Dans un tel syst`eme, il y a conservation de la masse, et donc du nombre d’atomes. La figure 2.4 pr´esente un exemple pour une phase A et B, avec A le produit et B le r´eactif. En syst`eme ferm´e, le r´eactif et le produit reste en contact. Le facteur de fractionnement αA/B s’´ecrit alors :

αA/B =

δA

δB− 1

(2.9) Epsilon  (=α-1) d´ecrit la diff´erence de composition isotopique entre le produit form´e (appel´e produit instantan´e) et le r´esidu lors de la r´eaction. Dans un syst`eme ferm´e, cette diff´erence est toujours constante, car le produit ne quitte pas le r´eservoir (figure 2.4). De plus, le bilan de masse `a l’´equilibre impose que la valeur du totale produit soit identique la composition initiale du r´eactif :

Fractionnement isotopique `a l’´equilibre

Figure II-4. Evolution de l’enrichissement en deutérium en fonction de la fraction du

produit (B, en rouge) dans le cas d’une réaction réversible en système fermé. Les produits et réactifs sont toujours en contact et leur signature isotopique diffère

toujours d’un facteur ε (d’après Kendall et McDonnell, 1998) .

Fraction de B

δ

D, ‰

1

0

ε

A/B

δ

(‰

)

δ0B δ1A

Fig. 2.4 – Evolution de l’enrichissement en deut´erium en fonction de la fraction du produit (B, en rouge) dans le cas d’une r´eaction r´eversible en syst`eme ferm´e. Les produits et r´eactifs sont toujours en contact et leur signature isotopique diff`ere toujours d’un facteur  (d’apr`es Kendall et McDonnell, 1998).

2.2.2

Echanges isotopiques `´

a l’´equilibre en syst`eme ouvert

En syst`eme ouvert lors d’une r´eaction `a l’´equilibre entre une phase A et B, le produit form´e (produit instantan´e, figure 2.5) est en ´equilibre avec le r´esidu, mais quitte imm´edia- tement le syst`eme (syst`eme ouvert). Le produit s’accumule alors dans un syst`eme voisin (produit cumul´e) et n’est alors plus en en ´equilibre avec le r´esidu. La signature isotopique de la phase A (le produit instantan´e) s’´ecrit alors :

RA= RA0fαA/B−1 (2.11)

De plus, d’apr`es l’´equation (3-1) :

δD = Rchantillon Rstandard − 1  × 1000 (2.12) Rchantillon =  δ + 1000 1000  × Rstandard (2.13)

En combinant les ´equations (13) et (16) : δA+ 1000

δA0+ 1000

On d´eduit finalement les valeurs de δA et δB : δA = (1000 + δA0)× fαA/B−1  − 1000 (2.15) δB =  1000 + δA0 αA/B  − 1000 (2.16)

Avec RA et RA les rapports isotopiques dans la phase A `a t et t0, et f la fraction de B.

Contrairement au syst`eme ferm´e,  n’est pas constant ici. Le bilan de masse `a l’´equilibre (quand la distillation est compl`ete) impose que le produit cumul´e soit ´egale `a la valeur de la signature de d´epart du r´esidu. Ce type d’´echange est typique d’une distillation de Rayleigh. Ce proc´ed´e a ´et´e d´ecrit pour la premi`ere fois par Lord Rayleigh au 19eme si`ecle, pour la distillation de l’air liquide.

Résidu Composition initiale Produit (cumulé) Produit (instantané) ! , ‰ Fraction de B 1 0

Figure II-5. Evolution de l’enrichissement en deutérium en fonction de la

fraction du produit (B, en rouge) dans le cas d’une réaction réversible en système ouvert. Le résidu (en rouge) est enrichi par rapport au produit

cumulé en bleu (d’après Kendall et McDonnell, 1998).

δ

D

(‰

)

εA/B

Fig. 2.5 – Evolution de l’enrichissement en deut´erium en fonction de la fraction du produit (B, en rouge) dans le cas d’une r´eaction r´eversible en syst`eme ouvert. Le r´esidu (en rouge) est enrichi par rapport au produit cumul´e en bleu (d’apr`es Kendall et McDonnell, 1998).