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Caractérisation chimique de deux espèces du genre

B. Myrtus communis L

I.1. Fractionnement de l’huile essentielle commerciale

Nous avons mis en œuvre une chromatographie sur colonne ouverte de silice flash (250- 500 µm), à partir de 1,5 g d’huile essentielle, en utilisant un gradient d’élution pentane/oxyde de diéthyle de polarité croissante : 100/0 (F1), 98/2 (F2-F5), 95/5 (F6-8), 0/100 (F9) (Figure III.9). Chacune des 9 fractions obtenues a ensuite été analysée par CPG(Ir) et RMN 13C.

Figure III.9 : Schéma de fractionnement de l’échantillon commercial d’huile essentielle de

M. communis provenant de Corse.

Huile essentielle de M. communis (1500 mg)

Chromatographie sur colonne SiO2 (250-500 µm)

Gradient pentane / Et2O

F1 (254 mg) F2-F5 (488 mg) F6-F8 (66 mg) F9 (302 mg)

I.1.1. Etude de la fraction hydrocarbonée (F1)

L’étude de la fraction hydrocarbonée F1 (100 % pentane) a permis de confirmer l’identification des monoterpènes et sesquiterpènes oléfiniques. Aucun composé supplémentaire n’a été identifié. L’ensemble des hydrocarbures présents dans cet échantillon représente 50,8 % de la composition chimique globale (Tableau III.5 p.165).

I.1.2. Etude des fractions oxygénées (F2-F9)

Les fractions F3 et F4, éluées avec un gradient pentane/oxyde de diéthyle (98/2) sont marquées par la présence majoritaire d’un oxyde et d’un ester terpéniques : le 1,8-cinéole (F3, 64,5 % et F4, 72,7 %) et l’acétate de géranyle (F3, 22,1 % et F4, 23,0 %), déjà identifiés dans l’huile essentielle globale. Un acétate supplémentaire a été identifié : l’acétate de bornyle (F3, 2,1 % et HE, 0,4 %). Nous notons d’ailleurs que l’analyse de l’huile essentielle brute par CPG-SM proposait, à tort et avec un très bon score, l’acétate d’isobornyle à la place de l’acétate de bornyle. Enfin, l’étude de la fraction F3 permet de confirmer la présence des acétates de linalyle et d’α-terpinyle (Tableau III.5 p.165).

L’analyse de la fraction F5 (pentane/oxyde de diéthyle, 98/2) met en évidence, à côté de l’acétate de géranyle (F5, 17,9 % ; HE, 4,8 %), la tridécan-2-one (F5, 20,7 % ; HE, tr), une cétone linéaire qui n’avait pu être identifiée dans l’huile essentielle globale.

Les fractions F6, F7 et F8, éluées avec un gradient pentane/oxyde de diéthyle (95/5), sont marquées par la prédominance soit d’oxydes sesquiterpéniques (oxyde d’humulène, F6, 15,7 % et oxyde de caryophyllène, F6, 51,6 %), soit du méthyleugénol (F7, 82,2 % et F8, 72,4 %). L’oxyde d’humulène n’avait pas pu être identifié dans l’huile essentielle brute en raison de sa faible teneur de 0,1 %. L’étude de ces fractions a permis de confirmer la présence du linalol et d’identifier deux composés carbonylés monoterpéniques supplémentaires, la carvone (F6, 4,2 % et F7, 3,4 % ; HE, tr) et le géranial (F8, 3,2 % ; HE, tr), ainsi qu’un alcool monoterpénique, le terpinèn-4-ol (F8, 4,6 % ; HE, 0,3 %) (Tableau III.5 p.165).

Enfin, deux fractions ont attiré tout particulièrement notre attention, la fraction F9 éluée à l’oxyde de diéthyle et de la fraction F2 éluée avec un gradient pentane/oxyde de diéthyle, 98/2.

• Fraction F9 :

Dans cette fraction, l’analyse par RMN 13C et CPG(Ir) a permis d’identifier cinq alcools et une cétone terpéniques, quatre d’entre eux n’avaient pu l’être directement dans l’huile essentielle globale en raison de leur trop faible teneur : le trans-pinocarvéol (F9, 3,3 % ; HE, 0,2 %), le trans-verbénol (F9, 5,4 % ; HE, 0,5 %), le terpinèn-4-ol (F9, 1,9 % ; HE, 0,3 % et également identifié dans F8) et la verbénone (F9, 3,7 % ; HE, 0,4 %, identifiée uniquement par CPG-SM dans l’huile essentielle totale). Par ailleurs, l’interrogation de la bibliothèque de spectres « Littérature » du laboratoire a permis de mettre en évidence la présence d’une dione bicyclique isolée en 1994 dans une huile essentielle de myrte d’Iran par Weyerstahl et al. (la 3,3,5,5,8,8-hexaméthyl-7-oxabicyclo[4.3.0]non-1(6)-èn-2,4-dione ; F9, 4,4 % ; HE, 0,6 %). L’analyse de l’huile essentielle brute par CPG-SM n’avait pas permis sont identification. En effet, le spectre de masse de cette dione bicyclique est absent des bibliothèques de spectres interrogées et seulement partiellement décrit dans l’article précédemment cité. En revanche, les valeurs des déplacements chimiques des carbones observées dans le spectre de la fraction correspondent parfaitement avec celles de la littérature. Seuls les carbones quaternaires ne sont pas observés (Tableau III.6). Les indices de rétention de cette dione, calculés à partir du chromatogramme de la fraction F9 (Ira/Irp = 1488/2030) nous permettent d’évaluer sa teneur dans la fraction F9 (4,4 %) et dans l’huile essentielle (0,6 %). L’indice de rétention sur colonne apolaire est proche de celui décrit dans la littérature (Ira : 1496 ; Weyerstahl et al., 1994).

Par ailleurs, nous avons également identifié cette dione bicyclique dans un hydrolat de

Myrtus communisde Corse où elle constitue le second composé majoritaire (22,1 %) à côté de l’α-terpinéol (25,4 %). Cet hydrolat a été obtenu conjointement à l’échantillon n°10 d’huile essentielle de myrte de Corse. La forte teneur de la dione dans l’hydrolat (22,1 %) permet de relever et de confirmer l’ensemble des valeurs des déplacements chimiques de ses carbones sur le spectre RMN 13C (Tableau III.6). Les principaux composés identifiés sont reportés en

Tableau III.6 : Structure et valeurs des déplacements chimiques de la 3,3,5,5,8,8-hexaméthyl-7-oxabicyclo[4.3.0]non-1(6)-èn-2,4-dione. 3,3,5,5,8,8-hexaméthyl-7-oxabicyclo[4.3.0]non-1(6)-èn-2,4-dione C δC (ppm) Weyerstahl et al., 1994 δC (ppm) F9 δC (ppm) Hydrolat 1 176,5 - 176,68 2 194,9 - 195,02 3 55,1 55,06 55,07 3- (Me2) 24,2 24,23 24,23 4 214,0 - 214,01 5 45,3 45,34 45,34 5- (Me2) 24,6 24,65 24,65 6 90,8 90,91 90,90 8 109,4 109,43 109,44 8- (Me2) 28,1 28,09 28,09 9 39,5 39,55 39,55 • Fraction F2 :

L’analyse de cette fraction par RMN 13C et CPG(Ir) a permis dans un premier temps, de confirmer la présence de constituants déjà identifiés dans l’huile essentielle ou dans des fractions de chromatographie : isobutyrate d’isobutyle, 1,8-cinéole, acétate de linalyle, acétate d’α-terpinyle et acétate de bornyle. Ont également été identifiés, le méthylchavicol (F2, 4,4 % ; HE, 0,2 %) et l’acétate de fenchyle (F2, 0,8 % ; HE, tr). Néanmoins, 3 composés présents à des teneurs importantes [A : 9,5 % (Ira = 983 ; Irp =1173), B : 5,8 % (Ira = 996 ; Irp = 1193), C : 17,5 % (Ira = 1085 ; Irp = 1277)], demeurent non identifiés et attirent notre attention. Nous notons d’ailleurs la présence de plusieurs signaux non attribués dans le spectre RMN 13C, correspondant vraisemblablement à ces trois produits inconnus. D’après les valeurs des déplacements chimiques de signaux caractéristiques (δ = 177,19 ; 176,81 ; 176,75 ; 70,23 ; 68,82 et 68,73 ppm), il s’agit manifestement de trois esters. L’enregistrement d’un spectre DEPT-135 de cette fraction nous permet de confirmer que les signaux à 70,23 ; 68,82 et 68,73 ppm correspondent à des méthylènes.

Or, dans cette fraction, nous avons identifié un ester à chaîne courte, l’isobutyrate d’isobutyle (6,2 %), présent dans nos bibliothèques de spectres. Les valeurs de ses indices de rétention sur les deux colonnes (Ira = 894 et Irp = 1088) sont inférieures d’environ 100 points de celles des composés A et B et 200 points de celles du composé C. En conséquence, il est probable que les composés A, B et C soient des esters non cycliques et ramifiés du même type que l’isobutyrate d’isobutyle, mais possédant un carbone de plus pour A et B et deux de plus

pour C. Par ailleurs, l’examen des valeurs des déplacements chimiques de ces trois composés montre qu’il ne s’agit ni d’acétates (absence de signal à 21 ppm), ni de molécules linéaires (absence de signal à 14 ppm). Nous nous orientons donc vers des composés à chaînes ramifiées de quatre ou cinq carbones de part et d’autre de l’oxygène sp3. La présence des motifs suivants est ainsi suggérée :

- deux groupements O-2-méthylbutyle : CH2 à 68,82 et 68,73 ppm associés à un méthyle à 11,61 ou 11,20 ppm ;

- un groupement O-isobutyle : CH2 à 70,23 ppm associé à deux méthyles aux alentours de 19 ppm ;

- deux groupements 2-méthylbutyrate : CH à 41,20 et 41,19 ppm associés à un méthyle à 11,61 ou 11,20 ppm ;

- un groupement isobutyrate : CH à 34,08 ppm associé à deux méthyles aux alentours de 19 ppm.

Compte tenu de ces données et en considérant d’une part, l’intensité des signaux de RMN 13C caractéristiques et non superposés de ces esters (δ = 177,19 ; 176,81 ; 176,75 ; 70,23 ; 68,82 et 68,73 ppm), et d’autre part, leur pourcentage mesuré en CPG(Ir), il résulte que les composés A, B et C pourraient être respectivement le 2-méthylbutyrate d’isobutyle, l’isobutyrate de 2-méthylbutyle, et le 2-méthylbutyrate de 2-méthylbutyle.

Afin de confirmer cette hypothèse, nous nous sommes procuré ces trois esters purs dont nous avons ensuite enregistré les spectres RMN 13C et les chromatogrammes respectifs. Ainsi, nous avons pu connaître avec certitude les valeurs des déplacements chimiques de ces trois esters ainsi que leurs indices de rétention sur colonnes apolaire et polaire (Tableau