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Chapitre 3 - Les fosses d’aisances

3.3 Les fosses d’aisances à séparation

3.3.1 Les fosses fixes à séparation

Rédigé à la demande des deux Préfets de la Seine et de la Police suite aux plaintes sur la voirie parisienne de Montfaucon, le rapport de Labarraque, Chevallier et Parent-Duchatelet de 1835 recommande la séparation des matières et estime

que les liquides, en attendant une meilleure utilisation agricole.., pourront être déversés dans les égouts et à la Seine voire même sur la voie publique294.

Loué par ces experts, un modèle de fosse fixe à séparation est proposé par un jeune

médecin aussi instruit qu’intelligent, M. Alphonse Samson dont l’appareil consiste en deux vases de cuivre oscillant sur un pivot, et se renversant d’eux-mêmes par un mouvement de bascule lorsqu’ils étaient chargés295.

Cependant, évaluée par deux commissions de l’Académie des Sciences et du Conseil de salubrité de la Seine, cette innovation est jugée compliquée et ne connait aucune application. Un sort similaire est réservé aux cuvettes d'aisances (voir Figure 65) de Louis-Charles Derosne, pharmacien, chimiste et industriel français qui industrialise en 1811 la fabrication du sucre de betterave296. Son ingénieux système assure un écoulement des urines par un tuyau et les matières fécales tombent sur un plan incliné recouvert de charbon désinfectant, l’eau n’étant pas nécessaire. Remarqué par son originalité et son intéressant rapport qualité-prix, cet équipement intègre

la disposition anatomique des parties sexuelles de l’un et l’autre sexe… et remplit parfaitement l’objet qu’on se propose, pourvu que l’individu satisfasse à ses besoins naturels dans une position assise… il serait surtout applicable dans les hôpitaux de femmes et les pensionnats de jeunes filles297.

Figure 65 – appareil séparateur Derosne298 (1848)

294 LABARRAQUE, CHEVALLIER, Alexandre-Jean-Baptiste PARENT-DUCHATELET, Rapport sur les améliorations à introduire dans les fosses d’aisances, leur mode de vidange, et les voiries de la Ville de Paris, Annales d'hygiène publique et de médecine légale, Imp. P. RENOUARD Paris, 1835, 76 p, T. XIV, 2ème partie, p. 360

295 Ibid

296 En fait, inventée par Jean-Baptiste Quéruel, l’extraction du suce a d’abord été améliorée par le Lyonnais Jules Paul Benjamin Delessert, puis par Derosne.

297 Antoine Germain LABARRAQUE, Alphonse CHEVALLIER, Alexandre-Jean-Baptiste PARENT-DUCHATELET, Rapport sur les améliorations à introduire dans les fosses d’aisances…, p. 361

Peu après 1850, du nom de son inventeur, le système dit grand diviseur Dugléré rencontre en revanche un grand de succès, avec des installations à l’Hôtel de Ville de Paris et dans le prestigieux Hôtel du Louvre299. Dans son rapport de visite, Belgrand, observe que ces séparateurs

s’appliquent à une fosse de forme quelconque et consistent en une paroi verticale de 8 à 10 cm d’épaisseur, construite en béton de ciment… et criblée de trous d’un demi-centimètre de diamètre300.

S’il juge que le séparateur fonctionne assez bien, Belgrand note en revanche

qu’il laisse beaucoup de liquides dans la fosse aux solides… qu’il ne détruit aucun des inconvénients du système actuel (de fosses fixes) lorsqu’il faut procéder à la vidange. Il est même constaté que les solides dans cet état se désinfectent très mal parce qu’il est difficile d’y faire pénétrer les réactifs301 Pragmatique, Dugléré modifie son dispositif pour permettre l’écoulement des liquides dans les égouts, ce qui permet de supprimer la fosse fixe (voir Figure 66) :

Figure 66 – système Dugléré sans fosse fixe302 (1864)

299 Ernest Vincent, Nouveau système le grand diviseur... De la construction des fosses d'aisances... de la conversion des matières fécales en engrais, et de la nécessité, dans l'intérêt de l'hygiène publique et de l'agriculture, d'assainir les abattoirs... par les procédés A. Chevallier et A. Dugléré, avec notice et documents, 1855

300 Eugène BELGRAND, Les travaux souterrains de Paris, Vol. 5, troisième partie : Les vidanges, Dunod, 1887, 397 pp., p. 274

301 Ibid

Etrangement, on peut noter dans la légende la mention la conduite des eaux vannes

se déchargeant provisoirement à l’égout, ce qui sous-entend que l’écoulement des

liquides à l’égout n’est qu’une étape en attendant une autre solution, qui n’a pu encore être élucidée. Dans tous les cas, stratégie gagnante, le système Dugléré se développe à grand renfort de publicités dans la presse régionale (voir la Figure 67) :

Figure 67 – encart commercial du système Dugléré303 (1855)

Autre innovation apparue après le tournant du XIXe s., la fosse fixe à siphon de Delplanque se distingue par l’existence de deux compartiments, par l’obturation hydraulique et par l’absence d’évent (voir Figure 68).

Figure 68 – fosse fixe à vidange automatique Delplanque (1860)

Développée dans l’objectif d’hydrolyser les matières solides en conditions anaérobies, cette fosse fixe à vidange automatique est fermée aussi hermétiquement que

possible304. Le confinement est assuré par le tuyau de chute qui plonge dans la fosse, régulièrement désinfectée à l'eau de chaux, ce qui aide à précipiter les matières organiques. Testé à Paris au début des années 1880 par Boudet pour le conseil d'hygiène de la Seine sur des latrines publiques du quai de la Mégisserie, ce système montre ses faiblesses quand le liquide se trouble au bout de 3 mois. Après hydrolyse et désagrégation des solides, la biomasse a produit des boues insolubles qui ont augmenté la turbidité.

Système autorisé à Paris, le stockage des solides se réalise comme l’illustre la Figure 69 dans une tinette métallique mobile connectée à une fosse étanche, ce qui implique une double vidange.

Figure 69 - appareil diviseur sur réservoir (1880)

D’autres dispositifs à siphon font leur apparition outre-Rhin, avec le système de Goldner à Baden-Baden, qui dispose d’une interface usage de type cuvette ovoïde reliée par un tuyau de chute qui plonge jusqu’au tiers de la profondeur d’une fosse étanche préalablement remplie d’eau, deux tuyaux de décharge assurant l’évacuation du trop-plein305.

Outre-Manche également, divers valve-closets sont commercialisés avec les brevets Underhay, Lambeth, Hellyer, Bolding.

304 Albert Calmette…, Traité d'hygiène, vol. 15, égouts et vidanges, ordures ménagères…, J.-B. Baillière, Paris, 1911, p. 235