• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 - Les fosses d’aisances

3.2 Les fosses d’aisances mobiles simples

Evolution des sièges percés à grande échelle et solution aux difficultés de vidange des fosses fixes, les premières fosses mobiles sont des réceptacles mobiles en bois ou en métal. Solution à la question des infiltrations au travers de la maçonnerie qui contaminent le sol et les puits, les fosses mobiles d’aisances sont facilement transportables et en une fois : il s’agit de supprimer les longs travaux de vidange, synonyme de cortège de bruits et d’odeurs. A l’aube de la Révolution française et

suite à des travaux pionniers277, l’architecte et entrepreneur Pierre Giraud publie et

réalise un ouvrage sur des commodités portatives278. Comme le montre la Figure 61

dans le schéma en bas à gauche, une séparation de phase est possible en alternative, ce qui met en évidence l’existence de nombreux procédés hybrides.

Figure 61 - commodités portatives Giraud (1777)

Invention restée dans les annales, la fourniture d’une de ses boites à l'Académie Royale d'Architecture vaut à Giraud d’être couronné le 7 novembre 1777 par un prix d’encouragement de 300 livres. Les nécessités de Giraud font quelques années plus tard en 1786 l’objet d’un rapport élogieux de l’Inspecteur général des ponts et chaussées Trezaguet, et d’un certificat de M. Rousseau, Architecte-Inspecteur des

277 Pierre PATTE, Manière de rectifier les fosses d’aisance, et de purifier l’air des maisons, Mémoires sur les objets les plus importants de l'architecture, 1769, p. 38-41

278 Pierre GIRAUD, Commodités portatives ou moyens de supprimer les fosses d'aisance et leurs inconvénients, approuvés par l'Académie Royale d'Architecture… Ouvrage très utile à tous les Propriétaires et Locataires des maisons, aux Architectes, aux Entrepreneurs, & singulièrement aux Menuisiers, Fondeurs, Serruriers, Peintres…, Imp. Cailleau, Paris, 1786, 85 pp

bâtiments du Roi du 5 juin 1786. On peut aussi noter, en bas à gauche, la présence dans la planche de Giraud d’un dispositif alternatif de type séparatif, configuration qui préfigure le système de Géraud en 1787 et celui de Cazeneuve en 1818.

Des travaux similaires sont également conduits par l’architecte Le Camus de Mézières279, et par Nicolas Goulet Maire-Adjoint du 6ème arrondissement de Paris280. Ce concept de boite portative sans séparation de phase est repris près d’un siècle après avec le brevet Goux du 5 août 1865 pour des latrines à fosse mobile qui recueillent et désinfectent les matières fécales281. Les déjections s’accumulent dans un tonneau préalablement garni, sur les parois et le radier, de matières sèches (balayures,

poussières des moulins à blés, pailles, déchets de laine, terres et tourbes, cendres…282

Ce dispositif en métal, relativement simple283, comme l’illustrent la Figure 62 et la

Figure 63, séduit l’armée et connaît un succès dans de nombreuses villes dont Lyon284.

Le système est employé dans plus de 200 établissements militaires et plusieurs maisons ouvrières l’adoptent, efficacement ciblés par la société Thuasne et Cie,

concessionnaire des engrais-fumiers Goux285. Hors de France, le procédé Goux retient

l’attention de diverses autorités militaires étrangères, et des installations sont créées en Grande-Bretagne286, en Italie287, et en Allemagne288.

279 Un projet pour suppléer aux fosses est inséré dans : Le Camus DE MEZIERES, Le guide de ceux qui veulent bâtir, ouvrage dans lequel on donne les renseignements nécessaires pour se conduire lors de la construction, et prévenir les fraudes qu’y peuvent s’y glisser, t. 1, 1786, p.140-148.

280 Nicolas GOULET, Inconvénients des fosses d'aisance, possibilité de les supprimer, et nouveau moyen économique et simple de contenir et exporter les matières, sans qu'elles soient vues ni senties, 1785, 61 p.

281 Pierre Nicolas GOUX, Nouveau système de vidange prévenant la fermentation et les gaz insalubres. Utilisation immédiate et rationnelle de l'engrais humain sans aucune déperdition de ses principes utiles. Salubrité publique, fertilité du sol, Engrais normal, 1868, 16 p.

282 Procédé de M. PN GOUX, breveté, Comice agricole de l'Arrondissement de Saint-Quentin, t. 17, n°1, 1868, p. 70-72

283 Luc MALCHAIR, Cahier d’Albi n°26, Ed. Florian Garnier, 2013, pp. 2-23

284 Une description élogieuse est donnée par le Dr Angel Marvaud, Professeur agrégé de l’Ecole de médecine militaire du Val de Grâce, voir Angel MARVAUD, Hygiène militaire, étude sur les casernes et les camps permanents, Annales d’Hyg. Pub. et de Méd. Légale, juillet 1872, pp. 306-307

285 MM. THUASNE et cie, Mémoire sur les dépôts d'engrais désinfectés par le système Goux (13 p.), cité dans le Bulletin de la Société d'Encouragement pour l’Industrie Nationale, 1880, p. 752

286 Specification of Pierre Nicolas GOUX: treating and utilizing excreta, Londres, Great Seal Patent Office, Ed. Eyre et Spottiswoode, 1868, 12 pp.

287 Giornale di medicina militare, Ministero della guerra, 1911, p. 575

Figure 62 – édicule Goux (1890)

Figure 63 – système de fosse mobile Goux (1865-1880)

Preuve de cette réussite, la société des engrais-fumiers Goux s’implante dans des dizaines de villes de France, mais également en Tunisie et en Algérie. S’adaptant aux évolutions technologiques, l’entreprise Goux surmonte la victoire du tout-à-l’égout en se diversifiant dans le domaine du traitement des eaux d’égouts. En particulier, titulaire du brevet Lucas, la société se distingue par la réalisation en 1907 de la

première station d’épuration biologique près de Lyon à Vaulx-en-Velin289.

Si plusieurs inventions visent à faire la concurrence au système Goux en France290, à

partir des années 1860, divers systèmes de fosses mobiles font leur apparition à

l’étranger, en particulier en Grande-Bretagne et au Canada291.

Inspiré par la tentative infructueuse de Thomas Swinburne en 1838, le Révérend

Moule lance la Moule's Earth Closet Company292 qui commercialise une latrine mobile

avec incorporation de terre sèche qui connait un succès certain293.

289 Bulletin mensuel de l’association des anciens élèves de l’Ecole Centrale Lyonnaise, n°57, janvier 1909, p. 17

290 Par exemple le brevet n°97.266 de 15 ans du 23 novembre 1872 de M. Legé, établi au n°28 rue Marie-Antoinette à Paris pour une fosse mobile avec appareil diviseur à courant d'eau et à déversoir

continu.

291 The Educational Monthly of Canada, vol. 27, p. 409, 1904

292 E. A. MEREDITH, La terre sèche substituée à l’eau dans le curage des fosses d’aisances ou salubrité et richesse publique remplaçant la maladie et la déperdition, Ed. Desbarats Ottawa, 1868, 18 pp.

293 Brian M. SIPE, Earth Closets and the Dry Earth System of Sanitation in Victorian America, Material Culture, Vol. 20, No. 2/3 (Summer/Fall 1988), pp. 27-37

Concurrent, le système de John Conyers Morrell emploie de la cendre et non de la terre pour assécher les matières.